Une récente étude fait état d’un constat aussi étonnant qu’alarmant : le poids des objets fabriqués par les humains dépasserait à présent celui de l’ensemble de la biomasse terrestre. Le seuil fatidique aurait, d’après les estimations, été franchi cette année.


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    Le poids des objets humains dépasse à présent probablement celui de l'ensemble de la biomasse terrestre. C'est une première dans l'Histoire de la Terre. La conclusion d'une année qui aura été éprouvante pour nombre d'entre nous, terrible pour certains. On pourrait l'accueillir avec pessimisme et défaitisme, mais selon nous, c'est une invitation à prendre le contrepied et à faire de 2021 une bien meilleure année que celle que nous venons de traverser. L'opportunité de faire le tri dans nos vies, littéralement.

    Toujours plus, toujours moins

    Les forêts millénaires, les réseaux de champignons qui s'interpénètrent sous nos pieds, la vie grouillante qui s'agite dans les eaux et les airsairs, sur terre et sous terre, les canopées verdoyantes qui subliment le clapotis de la pluie en un million de doux tapotements ne font désormais plus le poids face aux routes de goudron, aux immeubles de bétonbéton, et avions, aux tondeuses à gazon, et à tout le reste de la production humaine. C'est du moins ce que les chercheurs ont récemment estimé. La massemasse de nos fabrications artificielles doublerait en effet tous les 20 ans pour atteindre cette année un total de 1.100 milliards de tonnes !

    En même temps que notre soif s'accroît, les habitats naturels et leurs résidents reculent sous la pressionpression de la déforestation, de la pêche intensive, des espaces cultivables et d'élevage, ou encore de l'urbanisation. Une régression telle que l'on estime aujourd'hui la totalité de la biomassebiomasse à 1.000 milliards de tonnes. Dans un autre contexte, des félicitations seraient peut-être de rigueur pour une victoire aussi écrasante, mais dans les circonstances actuelles, la nouvelle ne fait que venir renforcer le sentiment que nous « brûlons la planète par les deux bouts ».

    Vue aérienne d'une zone de déforestation de la forêt amazonienne, le 23 août 2019, près de Porto Velho, dans le nord du Brésil. © Carl De Souza, AFP, Archives
    Vue aérienne d'une zone de déforestation de la forêt amazonienne, le 23 août 2019, près de Porto Velho, dans le nord du Brésil. © Carl De Souza, AFP, Archives

    Prise de conscience

    Que faire alors pour rétablir la situation plutôt que de nous effondrer sous le poids de notre échec ? « Cette étude fournit une sorte de "vue d'ensemble" de la planète en 2020, déclare Ron Milo, co-auteur de l’étude parue dans la revue Nature. Nous espérons que maintenant que nous avons ces chiffres alarmants sous les yeuxyeux, nous pourrons, en tant qu'espèceespèce, prendre nos responsabilités ». Reconnaître l'impact que nous avons sur la planète et sa biodiversitébiodiversité est une première étape pour prendre des décisions informées dans sa vie quotidienne et faire pression au sein de sa communauté pour faire évoluer les choses ensemble. Avec l'espoir que 2021 signe une étape de renouveau.


    Combien pèse tout ce que l'Homme a pu fabriquer ?

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman, publié le 5 décembre 2016

    Elle est un produit de la biosphèrebiosphère et est en interaction avec elle : la technosphèretechnosphère. Comprenant absolument tout ce qui a été fabriqué par l'Homme depuis des millénaires, depuis le biface, la serpe, la roue, les pièces de monnaie, les fermes, les buildings et jusqu'à nos ordinateursordinateurs, satellites, etc., son poids s'élève à 30.000 milliards de tonnes, d'après une évaluation qui vient de paraître. Et bien sûr, elle n'a de cesse de croître.

    Des termes forgés par le chimiste russe Vladimir Vernadsky (1863-1945), considéré comme l'un des fondateurs de la géochimie, on connaît plus celui de biosphère, l'ensemble du vivant, que celui de « technosphère ». Ce dernier, qui fait écho à la notion d'anthropocèneanthropocène, cette période de l'histoire de la Terre caractérisée par l'empreinte que l'Homme laissera dans les couches géologiques, désigne la totalité des constructionsconstructions d'origine humaine. Tout y passe, de ce que nous avons fabriqué pour vivre, nous abriter, nous développer, etc. Cela comprend tous les bâtiments mais aussi les milliards d'objets, depuis les premiers outils jusqu'à nos ordinateurs, smartphones, sans oublier les déchets, recyclables ou non, produits depuis l'aubeaube de l'humanité.

    Après enquête, une équipe internationale dirigée par Jan Zalasiewicz, Mark Williams et Colin Waters, tous trois géologuesgéologues à l'université de Leicester, vient de publier dans The Anthropocene Review, son évaluation du poids total de la technosphère. Il s'élève à quelque... 30.000 milliards de tonnes. Pour donner une idée de ce que cela représente, si on pouvait tout étaler sur la Terre, cette masse représenterait 50 kgkg par mètre carré !


    Un monde sans déchets est-il possible ? Oui, expliquent les prosélytes de l'économie circulaire, comme la fondation Ellen MacArthur, qui en présente le principe. © Fondation Ellen MacArthur, Youtube

    Un phénomène majeur qui évolue rapidement

    Considérant la technosphère comme un bon indicateur de l'anthropocène et donc de la façon dont nous remodelons notre monde, les auteurs rappellent que nous en faisons partie intégrante. Et, bien que nous croyions tout contrôler, nous avons tout intérêt à maintenir en vie ce système.

    « On peut dire que la technosphère a bourgeonné sur la biosphère et est maintenant, sans doute, du moins partiellement, un parasiteparasite sur elle, a déclaré Mark Williams. À son échelle actuelle, c'est un nouveau phénomène majeur sur cette planète et il évolue très rapidement. »

    Toutefois, comme le précise le professeur, cette expansion pourrait être freinée par les difficultés de la technosphère, relativement à la biosphère, à « recycler sa propre matièrematière ». Les décharges en plein essor ne cessent de nous le rappeler et « cela pourrait être un obstacle à ses succès dans le futur, et pourrait même l'arrêter complètement ».

    L'empreinte de la technosphère est d'ores et déjà bien marquée sur notre planète. Pour les chercheurs, si ce qu'ils appellent les technofossiles devaient être classés comme le font les paléontologuespaléontologues avec les fossiles du vivantfossiles du vivant, le nombre des différents types dépasserait le milliard, soit un chiffre bien supérieur à celui des espèces ayant vécu sur Terre.