Jusqu'au 8 décembre se déroule à Durban la 17e conférence des parties (Cop 17) sur le changement climatique. Jean Jouzel, climatologue du Giec, décrypte pour Futura-Sciences les enjeux de ce sommet.

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    Les questions du climat seront traitées à Durban à partir du 28 novembre 2011. © Nations unies

    Les questions du climat seront traitées à Durban à partir du 28 novembre 2011. © Nations unies

    Jean Jouzel est membre du Groupement d'experts international sur l'évolution du climat (Giec). Il est vice-président du groupe de travail 1 qui s'intéresse aux principes physiquesphysiques du changement climatique. À ce titre, il a d'ailleurs reçu le prix Nobel de la paix en 2007 qui a été décerné conjointement au Giec et à Al Gore.

    Durant ce sommet de Durban où les représentants des pays membres des Nations unies se retrouvent pour débattre des questions climatiques, Jean JouzelJean Jouzel explique à Futura-Sciences les enjeux de ces négociations.

    Le protocole de Kyoto va-t-il faire l'objet d'une prolongation ? Les pays en développement et les pays développés vont-ils avancer main dans la main vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre ? Au détour de ces questions, Jean Jouzel donne aussi son impression sur les mesures prises par les décideurs politiques pour lutter contre le changement climatique.

    Jean Jouzel, climatologue du Giec, analyse les enjeux du sommet de Durban. © siren-com, Wikipédia, cc by-sa 3.0

    Jean Jouzel, climatologue du Giec, analyse les enjeux du sommet de Durban. © siren-com, Wikipédia, cc by-sa 3.0

    « Des propositions pas assez ambitieuses »

    Futura-Sciences : Quels sont les enjeux du sommet de Durban ?

    Jean Jouzel : C'est avant tout la prolongation ou non du protocole de Kyoto. La première phase du protocole arrive à expiration fin 2012 et si rien n'est fait, la deuxième phase sera difficile à mettre en œuvre.

    Il y aura aussi des discussions sur l'adaptation, sur le fonds vert, sur les problèmes de financements sur la déforestation, mais ce qui manque à mon avis, c'est une véritable discussion en termes de diminution des gaz à effet de serre.

    Concernant ce sujet, il existe des propositions provenant de différents pays. Mais elles ne sont pas assez ambitieuses en comparaison avec les objectifs que tous les pays ont signés à Cancún. C'est-à-dire que tout doit être fait pour que le réchauffement climatiqueréchauffement climatique n'excède pas 2° C par rapport à l’ère préindustrielle. Or là, on est plutôt parti vers un réchauffement d'au moins 3 °C. Et malheureusement, cet aspect ne sera pas rediscuté sérieusement à Durban.

    Futura-Sciences : L'effort devra-t-il venir des pays en développement ?

    Jean Jouzel : Dans la feuille de route de Bali - qui est le fil rouge de toutes ces négociations - il était demandé aux pays développés de diminuer, d'ici 2020,  les émissionsémissions de 25 à 40 % par rapport au niveau de 1990. Pour l'instant le seul pays qui a tenu cet engagement, c'est la Norvège. La France et l'Europe ne respectent pas cette feuille de route.

    Les pays en développement comme la Chine ont été incités à faire des efforts pour infléchir leur trajectoire d'émission mais ils n'avaient pas d'engagements chiffrés à tenir. Pourtant, la Chine s’est engagée d'ici 2020 à infléchir sa trajectoire de 45 %. 

    Donc par rapport à la feuille de route de Bali, ce sont plutôt les pays développés qui ne tiennent pas leurs engagements, alors que certains pays émergentsémergents le font.

    Futura-Sciences : Êtes-vous optimiste concernant les décisions qui vont être prises ?

    Jean Jouzel : On ne va pas tuer le protocole de Kyoto. Les pays les moins avancés y sont très attachés car ce protocole est le seul accord un peu contraignant vis-à-vis des pays développés. 

    Mais pour rester en dessous des 2 °C, il faut une ambition beaucoup plus forte que celle avec laquelle les négociateurs arrivent. 

    Futura-Sciences : Est-ce que vous avez l'impression que les climatologuesclimatologues et le Giec en particulier sont écoutés par les décideurs politiques ?

    Jean Jouzel : Pour l'accord de Cancún, on a eu l'impression d'être écouté. En tant que climatologue, j'adhère complètement à cet accord. La limite des 2 °C établie à Copenhague et appliquée à Cancún a été un véritable progrès. Tous les pays ont signé cet accord (à part la Bolivie mais c'est anecdotique) qui est quand même bien dans la lignée de ce que recommandent les climatologues en s'appuyant clairement sur le diagnosticdiagnostic du Giec. 

    En revanche, c'est la mise en œuvre qui ne va pas. Les propositions qui sont sur la table ne sont pas du tout en adéquation avec l'objectif, c'est ça la difficulté. 

    Donc l'accord de Cancún, oui, mais sa mise en œuvre, non. Il y a une véritable contradiction entre l'accord que les décideurs politiques ont signé et les solutions qu'ils proposent de mettre en œuvre. 

    Si on en reste là du point de vue des engagements, on va très probablement au-delà des 3 °C et certaines régions deviendront inhospitalières sinon inhabitables, comme l'a indiqué un récent rapport du Giec.

    Futura-Sciences : N’avez-vous pas l’impression que ces négociations sont finalement un échec ?

    Jean Jouzel : D'un côté l'accord de Cancún est quand même un succès de la communauté scientifique qui a su mettre sur la table des éléments pour convaincre les dirigeants d'aller dans cette direction. Mais il y a un échec dans la mise en œuvre de cet accord.

    Ce que montre le rapport du Giec c'est que techniquement, c'est possible, et que cela dépend maintenant d'une volonté politique.