Le sable bitumineux est vu par beaucoup comme une alternative aux gisements de pétrole. Une étude commandée par le Canada, un des principaux producteurs, révèle que la pollution s’accumule dans le pays. Au niveau des lacs autour des exploitations, le taux actuel d’hydrocarbures est par endroit 23 fois supérieur à celui des années 1960.

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    Le sable bitumineux est-il une énergie d’avenir ? L'enjeu est immense : les réserves potentielles pourraient fournir entre 500 et 1.000 milliards de barils de pétrole, selon Total, fortement impliqué dans les exploitations canadiennes. Grâce à ce procédé, le Canada est actuellement le principal fournisseur de pétrole des États-Unis, devançant l'Arabie saoudite. L'une des plus grandes réserves mondiales est située dans l'Alberta, une province dans l'ouest du Canada.

    Les gisements de sable bitumineux d'Alberta se décomposent en trois zones : la Peace River, le Cold Lake et la plus grande, l'Athabasca. Elles s'étendent sur 140.000 km2 et 80 % des réserves sont enfouies à plus de 100 m de profondeur. L'extraction du bitumebitume se fait selon deux méthodes : la technique in situ et la technique minière. Pour les dépôts enfouis à plus de 100 m de profondeur, un puits vertical permet d'injecter de la vapeur et de pomper le bitume, c'est la méthode dite in situ. Pour les dépôts proches de la surface, l'exploitation minière est favorisée. Une fois séparé de l'eau et du sable, le bitume est traité dans une raffinerie comme tous les hydrocarbures.

    En 2011, la production canadienne s'élevait à 1,6 million de barils par jour, ce qui représente 1,5 % de la production mondiale de pétrole. Pour 2020, les exploitations prévoient de doubler la production totale et fournir ainsi 3 % de la production mondiale de pétrole brut. Si les réserves de sable bitumineux sont clairement une alternative aux gisements d'autres énergies fossiles, une étude montre que la pollution liée à l'exploitation s'accroît dans l'environnement. Commandée par le gouvernement canadien, l'étude révèle en particulier l'effet polluant des sables bitumineux sur les lacs et rivières environnants.

    Les zones de sable bitumineux proches de la surface sont exploitées via des mines à ciel ouvert. Pour atteindre le sable, il faut retirer la couche superficielle de terre, qui sera stockée et réutilisée pour la réhabilitation du site. Des trous sont réalisés et les mottes prélevées sont mélangées à de l'eau pour être transportées par pipeline vers une usine où le bitume est séparé du sable. © Colin O'Connor, Greenpeace

    Les zones de sable bitumineux proches de la surface sont exploitées via des mines à ciel ouvert. Pour atteindre le sable, il faut retirer la couche superficielle de terre, qui sera stockée et réutilisée pour la réhabilitation du site. Des trous sont réalisés et les mottes prélevées sont mélangées à de l'eau pour être transportées par pipeline vers une usine où le bitume est séparé du sable. © Colin O'Connor, Greenpeace 

    Les sédiments, marqueurs de la pollution des sables bitumineux

    Des scientifiques de l'organisme Environnement Canada et de la Queen's University de Kingston, dans l'Ontario, ont étudié cinq lacs proches de l'exploitation minière d'Athabasca, ainsi qu'un lac à 90 km au nord-ouest. Dans les six lacs, les taux d'hydrocarbures aromatiqueshydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) dans les sédiments étaient 2,5 à 23 fois supérieurs à ceux des années 1960, c'est-à-dire avant le début de l'exploitation du sable bitumineux.

    Les chercheurs ont par ailleurs comparé les HAP des lacs à ceux du bitume de l'exploitation d'Athabasca pour déterminer la source des hydrocarbures retrouvés dans les sédiments. En effet, les incendies de forêt ou simplement l'érosion naturelle des dépôts de bitume pourraient être des sources de rejet d'HAP dans les eaux. « La concordance entre l'augmentation des taux d'HAP et la période d'exploitation des mines suggère fortement que l'extraction et le raffinageraffinage des sables bitumineux jouent un rôle dans l'augmentation des taux d'HAP dans ces lacs », affirme Joshua Kurek, l'un des auteurs du rapport. Leurs résultats sont publiés dans les Pnas.

    Hydrocarbures et métaux lourds sous surveillance

    D'autres publications, indépendantes de la requêterequête du gouvernement, avaient déjà fait état de la présence de taux élevés d'HAP et de métaux lourds dans les rivières à proximité de l'exploitation d'Athabasca. Avant l'arrivée de la mine, les taux d'HAP étaient nuls dans les rivières. « Les sédiments lacustreslacustres s'accumulent 24 heures par jour et 365 jours par an. Ils deviennent peu à peu une sorte de moniteurmoniteur de surveillance de l'environnement, car ils collectent les polluants », explique John Smol, coauteur.

    Les niveaux croissants d'HAP n'ont pas affecté les alguesalgues et les petits invertébrésinvertébrés. Au contraire même, ils ont prospéré. Cet essor est attribué à une augmentation de la température de l'airair. À Fort McMurray, près de la mine, elle a augmenté en moyenne de 1,65 °C depuis 1960. Mais prolifération des algues ou pas, la pollution liée à l'exploitation du sable bitumineux est toxique. Le gouvernement de l'Alberta a annoncé qu'un réseau de surveillance des polluants serait mis en place dans la région.