Les écosystèmes aquatiques sont pollués par des œstrogènes synthétiques provenant des pilules contraceptives. Les amphibiens, tout comme les poissons, sont affectés par ces substances. Les xénopes mâles, par exemple, produisent moins de vocalises viriles. Les femelles ne s'y intéressent donc pas...

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    Les pilules contraceptives contiennent un dérivé de l'estradiol (anciennement œstradiol) nommé éthinylestradiol (EE), qui empêche l'ovulationovulation en inhibant l'action de l'hormonehormone folliculostimulante FSH. Environ 50 kgkg seraient produits chaque année en Europe et finissent dans l'environnement. En effet, le corps excrète ce composé au travers des urines et des fècesfèces et les stations d'épuration actuelles ne peuvent pas le filtrer.

    De faibles concentrations d'éthinylestradiol peuvent avoir des effets néfastes sur des organismes aquatiques tels que les poissons. Leurs populations se composeraient de plus en plus de femelles. Par ailleurs, celles-ci auraient tendance à éviter l'accouplement avec des mâles préalablement exposés à l'EE. Les conséquences de cette pollution seraient donc physiologiques et éthologiques. Les écosystèmes aquatiques abritent également des amphibiens, dont la population mondiale déclinerait. La contaminationcontamination des eaux par les hormones synthétiques pourrait-elle en être la cause ?

    Frauke Hoffmann et Werner Kloas, deux chercheurs allemands, ont souhaité comprendre les effets possibles d'une exposition à l'éthinylestradiol sur les comportements reproducteurs de la xénope du Cap (Xenopus laevisXenopus laevis). D'après leur article paru dans Plos One, les mâles sont particulièrement affectés. Ils émettent moins de sons rendant compte de leur état d'excitation et de leur localisation. De plus, ces émissionsémissions sonores n'ont pas les mêmes caractéristiques physiquesphysiques que celles d'individus sains. Malheureusement, les femelles utilisent cet argument pour les rejeter.

    Comparaison d'un spectrogramme réalisé entre un individu xénope témoin (A) et un spécimen exposé à 2,96 µg par litre d’éthinylestradiol (B). Les flèches indiquent des « clics » caractéristiques. © Frauke Hoffmann et Werner Kloas 2012, <em>Plos One</em>

    Comparaison d'un spectrogramme réalisé entre un individu xénope témoin (A) et un spécimen exposé à 2,96 µg par litre d’éthinylestradiol (B). Les flèches indiquent des « clics » caractéristiques. © Frauke Hoffmann et Werner Kloas 2012, Plos One

    Œstrogène et vocalisations ne font pas bon ménage

    Les vocalisations de ce crapaud sont très stéréotypées. Les différents sons émis sont reconnaissables et répondent à des paramètres physiques bien définis. Ils peuvent être étudiés grâce au logiciellogiciel Avisoft. L'activité vocale des crapauds, i.e. le nombre de sons émis par unité de temps, n'a pas changé après une exposition à des concentrations d'éthinylestradiol comprises entre 0,296 ng/L et 296,4 mg/L (valeurs observables dans la nature). Seule la proportion des différents sons émis a changé. Le nombre d'appels rendant compte d'une maturité sexuelle diminue significativement. De plus, ces émissions sonores ne débutent pas de la même manière que celles produites par les témoins ; il y aurait moins de « clics » et les sons seraient plus courts (voir le spectrogramme ci-dessus).

    Selon les auteurs, l'éthinylestradiol affecterait le nombre et la taille des neuronesneurones de la région du système nerveux centralsystème nerveux central impliquée dans les vocalises. La disposition des fibres musculairesfibres musculaires du larynxlarynx (organe producteur des sons) serait également modifiée par l'excès d'hormone. Ces effets persisteraient jusqu'à 6 semaines après l'exposition à l'agent.

    Des femelles sexuellement matures ont été exposées à deux haut-parleurs émettant des sons de mâles témoins ou d'individus exposés à l'éthinylestradiol. Elles ont toujours été plus actives en présence des vocalises de mâles sains.

    Le rejet des œstrogènesœstrogènes dans les milieux aquatiques n'est pas sans conséquences sur les amphibiens. Il pourrait effectivement jouer un rôle dans la disparition mondiale de ces animaux en condamnant les mâles à l'abstinence.