Malgré leur interdiction dans les années quatre-vingt, les grandes quantités de PCB répandues dans l’environnement contaminent encore tout le territoire. À l’occasion de la parution d’un nouvel atlas des sites français contaminés, Christine Bossard, de l’association Robin des Bois, revient pour Futura-Sciences sur cette pollution.

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    La carte de 2011 recense 437 sites, soit 76 de plus que lors du premier inventaire en 2008. Les recherches dans les archives et sur le terrain continuent pour identifier un maximum de sources de pollution. © Robin des bois

    La carte de 2011 recense 437 sites, soit 76 de plus que lors du premier inventaire en 2008. Les recherches dans les archives et sur le terrain continuent pour identifier un maximum de sources de pollution. © Robin des bois

    Les PCBPCB, ou polychlorobiphényles, ont été très largement utilisés des années trente aux années quatre-vingt dans de nombreux domaines : lubrifiantslubrifiants, ignifugeants, encres, peintures ou adhésifs. Mais étant de très bons isolants électriques ininflammables, c'est dans les transformateurstransformateurs, les lignes à haute tensionhaute tension et autres dispositifs où transitent de forts courants qu'on les a massivement employés.

    Malheureusement, ils se sont aussi avérés toxiques : très peu biodégradablesbiodégradables, ils s'accumulent dans les tissus graisseux des animaux et se concentrent tout au long de la chaîne alimentaire. Ce sont des perturbateurs endocriniens qui peuvent perturber la croissance, conduire à des malformationsmalformations des fœtusfœtus et sont classés comme cancérigènes probables. Ils ont été interdits depuis les années quatre-vingt, mais de nombreuses sources de pollution sont encore découvertes plus de vingt ans après.

    Tout le territoire français est contaminé

    L'association Robin des Bois attire l'attention sur ce problème depuis plus de vingt ans. Elle vient de publier la mise à jour de son atlas des sites contaminés en France. Christine Bossard, co-auteur du document, fait le bilan de cette pollution.

    L'atlas répertorie (sans prétendre à l'exhaustivité) 437 sites d'où se diffuse la pollution et les classe selon leur nature : une liste noire de 24 anciens sites de production, une liste rouge de 42 sites de regroupement, de maintenance et d'élimination, une liste orange de 297 sols et remblais pollués et une liste jaune de 74 récupérations non autorisées de cuivrecuivre dans des transformateurs ayant entraîné des rejets. À partir de ces sites, les PCB transportés par la pluie arrivent dans les cours d'eau et contaminent les sédiments et la faune aquatique sur tout le bassin versant en aval. L'atlas fait donc également le point sur la contamination des poissons des fleuves, dont la consommation est la principale voie d'accumulation de ces toxiques par l'Homme.

    La nouvelle carte de contamination des cours d'eau par les PCB : si l'ouest et le sud-ouest sont un peu moins atteints, l'ensemble du territoire est touché. La Seine est tellement polluée qu'elle a contaminé la zone côtière du littoral normand. © Robin des Bois

    La nouvelle carte de contamination des cours d'eau par les PCB : si l'ouest et le sud-ouest sont un peu moins atteints, l'ensemble du territoire est touché. La Seine est tellement polluée qu'elle a contaminé la zone côtière du littoral normand. © Robin des Bois

    Des études d'abord lancées dans le Rhône ou la Seine (soupçonnés d'être les plus pollués) ont donné des résultats inquiétants. Les analyses ont été étendues à d'autres secteurs et d'autres espèces et depuis 2008, dans le cadre du plan d’action contre les PCB, elles sont systématiques sur tout le territoire. « Sans surprise, résume C. Bossard, des zones comme l'estuaire de la Seine sont polluées, mais même des endroits que l'on pensait épargnés, comme le bassin Adour-Garonne, sont également contaminés, avec des poissonspoissons impropres à la consommation. » Même les espèces marines sont concernées, comme on peut le voir en baie de Seine.

    Tarir les sources de pollution

    L'interdiction des PCB dans les nouveaux transformateurs date de 1987 et l'élimination des anciens modèles les plus contaminés devait être terminée au 31 décembre 2010 mais de nombreux appareils non déclarés réapparaissent au fil du temps. D'autres activités comme le ferraillageferraillage, en recyclant sans précautions des fûts sales ou en broyant des radiateursradiateurs à bain d'huile contaminés, répandent aussi les polluants. Et bien des sites industriels sont encore à traiter.

    Une fois un milieu contaminé, il n'y a pas de possibilité de nettoyer. Il faut attendre que les concentrations en polluants baissent. Cela risque de durer longtemps, plusieurs décennies, vu la faible biodégradabilité de ces produits très stables. Alors un autre problème, les dragages des fleuves, préoccupe particulièrement l'association : « À  partir du moment où l'on remue, où l'on drague des sédimentssédiments pollués pour les rejeter en mer ou en eau douceeau douce, on va remobiliser les substances qu'ils contiennent, que ce soit les métauxmétaux lourds ou les PCB. Mais le Rhône et l'estuaire de la Seine continuent d'être dragués alors qu'on sait que leurs sédiments sont chargés en polluants ».

    Résultat, on ne peut plus pêcher la sardine en baie de Seine et du point de vue des normes sanitaires, le tourteau n'est pas consommable à Cherbourg : si l'on se reporte au dernier avis de l'ANSES (pages 15 et 16), treize tourteaux sur quinze dans la zone de l'estuaire et dix tourteaux sur seize dans la zone est-Cotentin dépassent le seuil réglementaire ! La moyenne pour le tourteau de l'estuaire est de 27,48 pg/g (picogrammes par gramme) alors que le seuil est de 8 pg/g...

    Pourtant, pas d'action entreprise pour empêcher les dragages, par exemple du port de Rouen. « Or, poursuit Mme Bossard, c'est l'État, en connaissance de cause, qui donne ou non l'autorisation d'immerger les boues. Pour nous c'est un délit, puisque c'est rejeter de la pollution. En l'état actuel des choses, il y a toujours un retard à l'allumage dans la prise en compte du problème par les pouvoirs publics. »

    « Notre point de vue, conclut C. Bossard, c'est qu'il ne faut pas rajouter des polluants à un milieu déjà pollué. Et limiter la consommation des poissons les plus contaminés ne suffit pas. Il faut faire plus d'efforts sur la recherche des sources de pollutions et arrêter les rejets ou les remobilisations en interdisant l'immersion des boues de dragage polluées et en traitant les zones terrestres contaminées. »

    Affaire à suivre en 2012 avec la prochaine édition de l'atlas.