Les chercheurs savaient que l’injection d’eaux usées issues de l’exploitation d’énergies fossiles provoquait des tremblements de terre. De petits tremblements de terre sans conséquence. Mais cette fois, ce n’est ni plus ni moins que l’un des séismes les plus puissants de l’histoire de l’Alberta (Canada) qui vient d’être relié à l’activité pétrolière dans la région.


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    Le 30 novembre 2022, un tremblement de terretremblement de terre a secoué la région de Peace River, dans l'Alberta (Canada). De magnitudemagnitude 5,6, il a été ressenti jusqu'à près de 650 kilomètres de là. Heureusement sans faire ni blessé ni même dégâts matériels. Le risque naturel de séisme, ont d'abord pensé les analystes. Mais aujourd'hui, des chercheurs de l’université de Stanford (États-Unis) avancent que le tremblement de terre a très probablement été déclenché par l'activité pétrolière déployée dans la région.

    Du côté de Peace River, ce sont surtout des sables bitumineux qui sont exploités. Et pour faciliter leur pompage, les industriels injectent dans la terre, d'énormes quantités d'eau chaude ou de solvantssolvants. Une eau qui est alors contaminée par les métauxmétaux lourds, des hydrocarbureshydrocarbures ou d'autres substances nocives. Pour se débarrasser du problème causé par cette eau polluée, le plus économique reste de la réinjecter sous terre. En 40 ans, c'est ce qui est arrivé à quelque 100 millions de mètres cubes d'eau dans la région de Peace River. L'équivalent de 40 000 piscines olympiques.

    Appel à la vigilance sur le stockage de CO2

    Les chercheurs ont comparé les informations accessibles au public sur les activités d'évacuation des eaux uséeseaux usées à Peace River avec la déformation du sol mesurée par les satellites et les moniteursmoniteurs sismiques régionaux. Ils ont trouvé un lien entre des séismes fréquents et mineurs et l'évacuation des eaux usées issues de la récupération du sable bitumineux sur près d'une décennie. Et pour la première fois aussi, un lien entre cette activité et le fort tremblement de terre de novembre 2022. Pour preuve, un soulèvement spectaculaire du sol de 3,4 centimètres. Un soulèvement cohérent avec le mouvementmouvement sismique de long d'une faille présente à cet endroit. Le grand volumevolume d'eaux usées aurait augmenté la pressionpression sur la faille, l'aurait affaiblie et rendue sujette à glissement.

    Ce qui inquiète les scientifiques, c'est que le Canada compte accroître sa production d'hydrogènehydrogène bleue. Une production à partir de gaz naturel rendue plus respectueuse de l'environnement par le captage du dioxyde de carbone (CO2) émis pendant le processus. Mais ce CO2, il faut ensuite le stocker à long terme. Dans le sous-sol. Sous une forme supercritique. Avec, potentiellement, les mêmes risques de déclencher des séismes qu'en y injectant les eaux usées de la production de pétrolepétrole. Et « des tremblements de terre d'une ampleur similaire à l'événement de Peace River pourraient être dommageables, voire mortels, s'ils se produisaient dans des zones plus peuplées », souligne l'auteur principal de l'étude, Ryan Schultz, dans un communiqué de l’université de Stanford. « Il est important que nous comprenions les mécanismes impliqués et comment éviter d'induire davantage de ces tremblements de terre. »


    Gaz de schiste : l’enfouissement des eaux usées causerait des séismes

    Selon plusieurs études, les risques sismiques liés à l'exploitation des gaz de schiste, ou plutôt au stockage des eaux usées issues de cette exploitation, seraient bien réels aux États-Unis. Plusieurs exemples ont été présentés durant la conférence automnale de l'American Geophysical Union.

    Article de Quentin Mauguit paru le 18/12/2012

    Les liquides de fracturation usagés contiennent entre autres des métaux lourds, du radium 226 et du radium 228, des molécules chimiques cancérigènes et des perturbateurs endocriniens. © wcn247, Flickr, cc by nc 2.0
    Les liquides de fracturation usagés contiennent entre autres des métaux lourds, du radium 226 et du radium 228, des molécules chimiques cancérigènes et des perturbateurs endocriniens. © wcn247, Flickr, cc by nc 2.0

    L'extraction des gaz de schiste requiert d'importantes quantités d'eau, de 10.000 à 20.000 m3 par puits, selon le groupe Total. Elles sont utilisées, après avoir été mélangées à du sable ainsi qu'à divers additifs chimiques, pour fracturer des couches rocheuses profondes et ainsi libérer le gaz naturel emprisonné. Problème : ces fluides se chargent en métaux lourds et en particules radioactives sous terre, avant de remonter en grande partie (entre 20 et 80 % du volume injecté) vers la surface dès la mise en exploitation des puits. Pour éviter d'avoir à les traiter, 90 % des compagnies de forage américaines auraient trouvé une solution simple : les réinjecter sous terre, pour un stockage à long terme, dans des puits dits d'injection (chiffre du Natural Resources Defense Council, NRDC). 

    De vifs débats entourent cette pratique, car elle pourrait avoir un impact non négligeable sur l'environnement. Pour preuve, les activités sismiques d'États tels que le Colorado, l'Oklahoma ou le Texas auraient significativement augmenté ces dernières années. Or, l'exploitation des gaz de schiste est en plein essor dans ces régions. Difficile cependant d'établir un lien de cause à effet fiable. Des scientifiques de l'US Geological Survey (USGS) et des universités de l'Oklahoma et de ColumbiaColumbia viennent cependant de fournir quelques arguments supplémentaires durant la conférence automnale de l'American Geophysical Union

    Les exploitations de gaz de schiste aux États-Unis, situées dans les régions colorées en rose. Les bassins sédimentaires sont figurés en rose pâle. Le stockage des eaux usées dans des puits d'injection pourrait avoir des conséquences sur l'environnement. © <em>US Energy Information Administration</em>
    Les exploitations de gaz de schiste aux États-Unis, situées dans les régions colorées en rose. Les bassins sédimentaires sont figurés en rose pâle. Le stockage des eaux usées dans des puits d'injection pourrait avoir des conséquences sur l'environnement. © US Energy Information Administration
     

    Des épicentres à proximité de puits d’injection d'eaux usées

    Depuis 2010, plus de 250 séismes ont été recensés rien qu'en Oklahoma, non sans conséquences. Environ 200 immeubles ont ainsi été endommagés par un seul tremblement de terre de magnitude 5,6 sur l'échelle de Richteréchelle de Richter, survenu en novembre 2011. Ses répliques ont été suivies avec attention, l'objectif étant de cartographier le réseau de failles en cause... mais pas seulement. Les experts ont également cherché à comprendre comment la pression avait pu y augmenter au fur et à mesure que du liquideliquide était injecté sous terre, parfois à moins de 500 m des épicentresépicentres.

    Le nombre de séismes présentant une magnitude supérieure à 3, seuil au-delà duquel ils sont perceptibles par l'Homme, a continuellement augmenté dans le Colorado et au Nouveau-Mexique depuis 2001. Certains de ces événements géologiques ont été importants. Un tremblement de terre a par exemple atteint une magnitude de 5,3 en 2011. Selon des calculs de l'USGS, la probabilité que cette accélération soit naturelle serait extrêmement faible. L'injection d'eaux usées serait une nouvelle fois en cause. 

    Des risques sismiques à prendre en compte pour le gaz de schiste

    Selon Austin Holland de l'Oklahoma Geological Survey (OGS), il ne fait aucun doute que le lien existe entre exploitation du gaz de schiste et séismes. Cependant, il a précisé qu'aucun changement apparent dans les activités pétrolières et gazières ne permettait d'expliquer cette augmentation « spectaculaire » du nombre de tremblements de terre. Dernier détail : pour la majorité de ceux qui ont été détectés au sein de la formation géologique de Barnett Shale, les épicentres étaient situés à moins de 3 km d'un puits d'injection, d'après Cliff Frohlich de l'université du Texas à Austin. Attention toutefois, cela ne signifie pas pour autant que tous les sites d'enfouissement ont causé des problèmes !

    Par conséquent, les risques sismiques ne devraient plus être négligés par les autorités américaines qui délivrent les permis d'exploitation, d'autant que leur nombre est amené à fortement augmenter à l'avenir. En effet, près de 20.000 puits de gaz de schiste devraient voir le jour aux États-Unis chaque année jusqu'en 2035. L'une des solutions au problème serait simple, du moins en apparence : développer et sécuriser la filière du traitement des eaux usées, car elle est également critiquée.