L’échange des « droits de polluer » a déjà fait couler beaucoup d’encre. Il fera désormais couler beaucoup de dollars, ou d’euros selon affinité, après la création d’un fonds spéculatif très contesté par les mouvements écologistes, opéré par la firme CF Partners et administré par la banque belgo-néerlandaise Fortis.

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    Zone industrielle à Pyongyang (Chine). Crédit : Yangguizi

    Zone industrielle à Pyongyang (Chine). Crédit : Yangguizi

    Dans le but de promouvoir la réduction d'émissionémission des gaz à effet de serre, et plus particulièrement le CO2, un marché d'échange de quotas a été mis en place par l'Union européenne en janvier 2005. Ce dispositif permet aux entreprises investissant dans les technologies propres de revendre les quotas d'émission inutilisés, et ainsi de réaliser un substantiel bénéfice au détriment des firmes n'ayant pu - ou voulu - atteindre leur objectif.

    Certains pays ne sont d'ailleurs pas en reste devant de telles solutions. L'Espagne, notamment, mauvais élève de la convention de Kyoto qu'elle a cependant approuvé, vient de se résoudre à sortir son carnet de chèques pour acheter un quota de six millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) à la Hongrie... trop heureuse de s'en débarrasser à bon compte. Selon le quotidien espagnol El País, des négociations sont aussi en cours avec d'autres nations, citant la Pologne, l'Ukraine, la République tchèque et les pays baltes.

    Ce SCEQE (Système communautaire d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre) a démontré son efficacité durant la première phase de son fonctionnement, de 2005 à 2008, malgré quelques difficultés passagères et une forte fluctuation des prix (jusqu'à 30%). Depuis 2008, le SCEQE est entré dans sa seconde phase, qui coïncide avec l'applicationapplication de réductions nettement plus sévères prévues par le protocole de Kyoto. Or, le cabinet d'experts Ernst & Young prévoit à cette occasion un accroissement important de la demande en quotas d'émission, et donc de leurs prix de revente.

    La firme CF Partners, consultante sur le marché du carbone depuis 2006, a saisi l'occasion pour instaurer un hedge fund, soit en français un fonds spéculatif, qui devrait ouvrir ses portesportes aux spéculateurs fin de ce mois à Londres.

    Celui-ci s'appuiera dans un premier temps sur les deux grands marchés du carbone existants à l'heure actuelle, à savoir ETS (emissions trading system), négocié en EUA, où l'industrie et les principales compagnies d'électricité européennes procèdent à l'échange de quotas d'émission dans les limites d'un plafond réglementaire, l'autre provenant de certificatscertificats de réduction d'émission (CER) négociables accordés selon les accords de Kyoto en échange de financements de projets permettant de réduire les émissions dans les pays pauvres ou en voie de développement. Ce marché du carbone, constitué aux deux tiers d'EUA et pour le reste de CER, a été évalué à 20 milliards de dollars en 2005, 70 en 2007 et 100 milliards en 2008. D'autres marchés sont attendus prochainement, notamment à l'est des Etats-Unis (RGGI) et en Australie.

    Dans l'absolu, les montants échangés représentent peu de chose. « En un an, il est réalisé autant de transactions que sur le marché pétrolier en une demi-journée ou le marché financier en... quelques minutes », note un spécialiste basé à Londres. Mais leur progression est irrésistible et pourrait prendre un tournant décisif après l'accord sur le climat qui devrait intervenir à Copenhague fin 2009.

    La création du fonds spéculatif par CF Partners vise donc à spéculer sur les différences entre les valeurs des sources d'énergie fossile (pétrolepétrole, charboncharbon et gaz) et le prix des échanges des quotas d'émission, avec pour effet positif de lisser cette différence, l'écart actuel entre EUA et CER variant entre 9 euros (2008) et 1,5 euro (actuellement). « Nous aiderons à réduire cette volatilitévolatilité, et donc à rendre le marché plus efficace », déclare Simon Glossop, de CF Partners.
    Bien entendu, cette innovation amène aussi sa part d'inquiétudes. Outre le fait de maintenir ouverte une porte de sortie pour les entreprises marquant une certaine mauvaise volonté à réduire leurs émissions, le spectrespectre d'une infection de cette bourse au carbone par les vices du marché financier global est bien présent, et sa préventionprévention sera un défi pour les participants du sommet de Copenhague fin 2009.

    Enfin, signalons que ce CF Carbon Fund sera administré par la banque belgo-néerlandaise Fortis, sauvée de la faillite par un apport monétaire conséquent de la part des gouvernements des deux pays en novembre 2008, et basé au Grand-duché de Luxembourg pour des raisons fiscales particulièrement avantageuses.