Deux rapports mettent en lumière l’impact de notre consommation en matières premières sur les forêts tropicales. L'exploitation des cultures de cacao, de caoutchouc, de l'huile de palme ou de soja détruit ainsi des millions d’hectares à l’autre bout de la planète sans que nous en ayons conscience.

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    « Au cours des cinq dernières années, la France a potentiellement contribué à déforester 5,1 millions d'hectares, soit environ deux fois la superficie de la Bretagne, à travers ses importations de sept matièresmatières premières (sojasoja, cacaocacao, bœuf & cuir, huile de palme, caoutchouccaoutchouc naturel, bois et pâte à papier). Cela signifie qu'en 50 ans, nous avons potentiellement déforesté une surface équivalente à la superficie de la France métropolitaine, ailleurs dans le monde », alerte le WWF dans un rapport publié le 8 novembre 2018. 

    L'agriculture, responsable de 3/4 de la destruction des forêts tropicales

    Œuvrant pour la protection des forêts et de la biodiversité, l'association Envol Vert a, elle aussi, calculé « l'empreinte forêt » des Français pour neuf produits (soja, huile de palme, hévéa, viandes blanche et rouge, œufs, cuir, café et cacao) pour parvenir au résultat de 352 m2. « C'est ainsi l'équivalent de quatre logements moyens français qui sont déboisés pour répondre aux besoins d'un Français moyen », avance l'association. Or, selon Forest Trends, 49 % de la déforestation dans les pays tropicaux s'expliquent par la conversion illégale de terresterres en exploitations agricoles à vocation commerciale. Dans un cas sur deux, cette production est destinée à satisfaire la demande des pays industrialisés.

    L’empreinte forêt nette est calculée en multipliant le volume de consommation par la surface brute nécessaire pour la production (emprunte brute), pondérée par le risque de déforestation. Ainsi, l’empreinte brute du bois et du papier est assez importante, mais ces produits proviennent davantage de forêts gérées durablement que du soja ou de l’hévéa.  © Envol Vert

    L’empreinte forêt nette est calculée en multipliant le volume de consommation par la surface brute nécessaire pour la production (emprunte brute), pondérée par le risque de déforestation. Ainsi, l’empreinte brute du bois et du papier est assez importante, mais ces produits proviennent davantage de forêts gérées durablement que du soja ou de l’hévéa.  © Envol Vert

    Parmi les produits particulièrement montrés du doigt, le soja, qui pèse à lui seul près des deux tiers de cette empreinte forêt (206 m2). En effet, 97 % de la culture du soja sont destinés à l'alimentation pour animaux importés. D'où l'explosion mondiale des surfaces cultivées, qui occupent désormais plus d'un million de kilomètres carrés dans le monde. « Or, 20 % de la production de soja proviennent de terres illégalement déboisées », alerte Envol Vert. L'huile de palme est un autre cas problématique. Alors que l'on se focalise sur la consommation alimentaire, celle-ci ne pèse que 2,6 kgkg des 14,9 kg consommés par an et par Français : 10,5 kg sont en réalité incorporés dans le biocarburantbiocarburant. Le gouvernement vient pourtant de donner son feufeu vert, en mai dernier, pour l'ouverture de la raffinerie de La Mède, dans le Rhône, dont les importations risquent d'augmenter encore la déforestation.

    Le Brésil est le pays le plus atteint par la déforestation due à la consommation française. © WWF

    Le Brésil est le pays le plus atteint par la déforestation due à la consommation française. © WWF

    Pas de solution miracle, selon les deux ONG. D'un côté, l'Envol Vert rappelle notre responsabilité individuelle : « En adoptant un régime végétarien ou en préférant des produits responsables ou locaux, on peut réduire jusqu'à 88 % son Empreinte Forêt », assure l'association. Pour le chocolat, le WWF suggère de privilégier les marques certifiées du point de vue environnemental comme Rainforest Alliance, UTZ, ou Fairtrade. L'ONG milite également pour des actions gouvernementales et une mobilisation de l'ensemble des acteurs, privés et publics. Elle suggère, par exemple, la suppression de l'avantage fiscal dont bénéficient les agrocarburants ayant un fort impact sur l'environnement ou la mise en place d'une politique « zéro déforestation » dans les marchés publics.

    Eau virtuelle et pollution importée

    Si les deux rapports se focalisent sur la déforestation, la même logique est à l'œuvre dans d'autres domaines. N'est-il pas contradictoire de reprocher à la Chine d'être le premier pollueur de la planète, alors que ce pays fabrique et exporte une grande partie des produits que nous consommons ? De même, la fabrication d'un T-shirt, qui nécessite 2.000 litres d’eau, contribue à l'aggravation de la sécheressesécheresse dans les pays cultivateurs de coton. Autant d'arguments que pourront mettre en avant les pays concernés pour les négociations climatiques.