Au nord-est du Groenland, une partie de l’inlandsis que l’on pensait résistante au réchauffement climatique serait en réalité en train de perdre des quantités importantes de glace : jusqu’à dix milliards de tonnes disparaissent chaque année depuis 2003. Ces données n’étaient pas prises en compte dans les modèles de prédiction de la hausse du niveau des mers, ce qui laisse penser que la situation pourrait être pire que prévu.

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    Le Groenland, dont le territoire est recouvert à 80 % de glace, constitue l'un des principaux contributeurs à l'élévation du niveau des océans, derrière l'inlandsis antarctique. Sur les 3,2 mm de hausse annuelle reportée, cette île grande comme quatre fois la France est impliquée à hauteur de 0,5 mm. Ses glaciers au nord-ouest et au sud-est figurent parmi les principaux suspects. En revanche, la région nord-est, celle du glacier Zachariae, était jugée stable. En effet, les relevés effectués entre 1978 et 2003 n'indiquaient pas de perte de glace.

    Bien qu'il existe un courant glaciaire dont la source remonte à plus de 600 km dans les terres, le flux du Zachariae était lent, à cause de nombreux débris gelés qui lui barraient la route. De ce fait, les scientifiques considéraient qu'il était la dernière partie de l'inlandsis arctiquearctique qui ne subissait pas les affres du réchauffement climatiqueréchauffement climatique.

    Ce temps semble révolu. Une nouvelle étude parue dans Nature Climate Change montre à quel point son recul a été sous-estimé cette dernière décennie, ce qui laisse envisager un scénario d'une hausse du niveau des mers plus importante que prévu, puisqu'il faut désormais considérer les milliards de tonnes de glace supplémentaires qui s'échappent du Groenland.

    Des courants glaciaires, comme celui du glacier Helleim à l’image, parcourent le Groenland comme de grandes rivières de glace qui s’écoulent des terres vers la mer, et contribuent donc à élever le niveau des océans quand les quantités d’eau gelée qui tombent dans la mer sont plus importantes que celles qui se figent à l’intérieur du territoire. © Shfaqat Abbas Khan

    Des courants glaciaires, comme celui du glacier Helleim à l’image, parcourent le Groenland comme de grandes rivières de glace qui s’écoulent des terres vers la mer, et contribuent donc à élever le niveau des océans quand les quantités d’eau gelée qui tombent dans la mer sont plus importantes que celles qui se figent à l’intérieur du territoire. © Shfaqat Abbas Khan

    Aucune région de l’inlandsis groenlandais épargnée

    Les mesures effectuées par les 56 stations du réseau GNET (GPSGPS Greenland Network) révèlent un recul important du glacier : 20 km ont été perdus en l'espace d'une décennie. Une perte de glace très intense, lorsqu'on la compare à celle évaluée pour le Jakobshavn Isbræ (aussi appelé Sermeq Kujalleq), considéré comme l'un des glaciers les plus rapides, ayant reculé de 35 km... en 150 ans (bien que l'accélération soit plus nette ces dernières décennies).

    Entre avril 2003 et avril 2012, les scientifiques, dont Shfaqat Abbas Khan, de l'institut national de l’espace du Danemark, ont estimé qu'en moyenne, dix milliards de tonnes de glace émanant du courant glaciaire du Zachariae étaient perdues chaque année. Des quantités qui avaient jusque-là été négligées par les différentes simulations qui tentaient d'anticiper la hausse du niveau des mers. Celle-ci pourrait donc se révéler plus importante qu'évalué jusqu'à aujourd'hui. Des résultats concordants avec le dernier rapport du Giec, qui estimait que l'élévation du niveau des océans avait été sous-évaluée.

    Les auteurs tentent d'expliquer cette accélération brutale et imprévue par la possibilité d'un mécanisme complexe, dans lequel le réchauffement de l'airair extérieur ainsi qu'une nouvelle dynamique du glacier qui en découle augmentent la vitessevitesse du courant glaciaire. Désormais, toute la façade de la calotte glaciaire groenlandaise souffre donc de la hausse globale des températures.