En pleine vague du bio et avec les objectifs fixés par le Grenelle, les produits chimiques ont de moins en moins la cote pour se débarrasser des espèces nuisibles dans les cultures. Une équipe franco-britanique propose une solution pour éviter la prolifération des mauvaises herbes : des carabidés mangeurs de graines.

au sommaire


    En agriculture, on entend souvent parler d'insectes nuisibles, qui dévorent les cultures, de champignons pathogènes, qui attaquent les récoltes, mais on entend moins souvent parler des mauvaises herbes (ou adventices). Pourtant, elles représentent une part importante des espèces nuisibles qui peuplent les cultures.

    En entrant en concurrence avec les plantes d'intérêt pour les nutrimentsnutriments présents dans la terre, pour la lumièrelumière ou encore l'eau, les adventices accaparent une partie de l'énergieénergie qu'on voudrait destiner aux cultures, afin d'obtenir de meilleurs rendements. C'est une des principales raisons pour lesquelles les agriculteurs tentent de s'en débarrasser.

    Une équipe franco-britannique (UMR BGA de l'Inra de Dijon et Station expérimentale de Rothamsted) a trouvé une solution pour lutter contre ces plantes avec des moyens biologiques, donc sans danger pour les terres, l'agriculteur ou l'environnement en général.

    Nécessité de diminuer la gestion chimique

    Et c'est plutôt une bonne nouvelle pour l'environnement. En Angleterre, où l'étude a été réalisée, plus de 3 millions d'hectares de champs de céréales ont été traités avec près de 6 millions de kilogrammeskilogrammes d'herbicides en 2008. Si autant de moyens chimiques sont déployés, c'est bien que le problème est de taille. Pourtant, en vue de pratiques plus respectables vis-à-vis de l'environnement, l'utilisation de produits chimiques doit être réduite et la lutte biologique privilégiée. « Le plan Écophyto 2018, décidé lors du Grenelle de l’Environnement, prévoit des mesures assez drastiques concernant les pesticides. De nombreuses moléculesmolécules d'herbicidesherbicides seront interdites. Il faut donc trouver des alternatives à la gestion chimique des adventices », explique Aline Boursault de l'Inra de Dijon et coauteur de l'étude, contactée par Futura-Sciences.

    L'étude a porté sur des champs de betterave, maïs et colza en Grande-Bretagne. Près de 200 champs ont fait l'objet de recensement de carabidés et de graines. © Dohan <em>et al.</em>, 2011 - adaptation Futura-Sciences

    L'étude a porté sur des champs de betterave, maïs et colza en Grande-Bretagne. Près de 200 champs ont fait l'objet de recensement de carabidés et de graines. © Dohan et al., 2011 - adaptation Futura-Sciences

    Les carabidéscarabidés - des insectesinsectes appartenant au groupe des coléoptèrescoléoptères - apparaissent comme de bons candidats pour venir en aide aux herbicides, comme le montre l'étude qui a été publiée dans la revue Journal of Applied Ecology. Certains de ces insectes, omnivoresomnivores ou granivoresgranivores, se nourrissent en effet des graines d'adventices. C'est le cas de plusieurs espèces des genres Amara, Calathus, Harpalus et Pterostichus.

    Les carabes sont déjà là

    Les expériences mises au point par l'équipe de scientifiques sur environ deux cents champs (voir carte ci-dessus) apportent deux résultats importants. D'abord, plus il y a de graines qui jonchent le sol, plus on trouve de carabidés dans le champ, preuve que ces derniers sont attirés par cette nourriture. Ensuite, plus il y a de carabidés attirés, moins on retrouvera de graines sur le sol à la fin des expériences, indiquant que les carabidés ont effectivement dévoré les graines.

    Comment avoir plus de carabes dans son champ ? « Le but n'est pas de rajouter des carabes. Ils sont naturellement présents dans le champ, rappelle Aline Boursault. Il faut plutôt faire en sorte de les conserver. Cela pourrait par exemple passer par la conservation d'espaces hors champs tels que les haieshaies, ou les bordures, et par une adaptation des pratiques agricoles, plus spécialement du travail du sol qui est le lieu de vie de ces insectes. Ainsi, un labourlabour profond n'aura pas le même impact qu'un travail plus superficiel sur la capacité de ces insectes à boucler leur cycle de vie. »

    Un long chemin reste néanmoins à parcourir avant de pouvoir dicter les pratiques aux agriculteurs. La recherche agricole peut apporter son aide dans la course contre la montre imposée par le plan Écophyto 2018. Par exemple, la technique du semi-direct permet de ressemer juste après le fauchage de la culture précédente, en évitant l'étape du labour. Associées aux pratiques décrites par Aline Bourseault, de telles techniques devraient permettre d'accroître l'impact des carabidés sur les adventices et progressivement mener à une utilisation moindre des herbicides.