Cette semaine, Günther Oettinger, commissaire européen à l'Énergie, a annoncé la liste des sept organismes qui seront chargés d'évaluer les agrocarburants en vue d'une certification. Cette mesure vise à vérifier la durabilité – critiquée – des agrocarburants et suscite la critique des ONG.

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    Les agrocarburants vont devoir faire l'objet de certifications au sein de l'Union européenne. © drics67, Flickr, CC by nc-sa 2.0

    Les agrocarburants vont devoir faire l'objet de certifications au sein de l'Union européenne. © drics67, Flickr, CC by nc-sa 2.0

    Les agrocarburants vont mal. Le problème est purement mathématique : soit une certaine quantité de ressource dont la très grande majorité est destinée à l'alimentation ; soit un nouveau procédé - les agrocarburantsagrocarburants - qui a besoin de ces mêmes ressources à des fins non alimentaires ; comment satisfaire à la fois les filières alimentaire et industrielle ?

    Solution 1 : on augmente les ressources afin d'en avoir assez pour l'alimentation et pour la filière des agrocarburants. Pour cela, il faut de l'espace, et de l'espace, on en obtient notamment en pratiquant la déforestation. Prix à payer : un énorme problème écologique.

    Solution 2 : on consacre moins de ces ressources à l'alimentation et davantage aux agrocarburants. Conséquence à prévoir : un problème socio-économique et... un problème écologique !

    Les effets indirects des agrocarburants

    On observe actuellement un compromis entre ces deux solutions. Ainsi, les agrocarburants censés s'inscrire dans une démarche de développement durable ne sont pas si verts que ça. PisPis, les chiffres montrent que leur bilan carbone est, dans certains cas, pire que celui des énergies fossiles, à cause notamment du « changement indirect d'affectation des sols » (ILUC pour Indirect land use change). C'est notamment le cas du biodiesel première génération. Le bioéthanol montre lui un bilan positif par rapport aux énergies fossiles.

    Production d'éthanol grâce aux cultures de canne au Brésil, de 1975 à 2003. © José Goldemberg

    Production d'éthanol grâce aux cultures de canne au Brésil, de 1975 à 2003. © José Goldemberg

    Qu'est-ce que ce changement d'affectation des sols ? Le terme englobe toutes les conséquences indirectes que peut provoquer la plantation de cultures destinées aux agrocarburants : déforestation ou utilisation de zones fragiles (tourbières, par exemple), déplacement des cultures à des fins alimentaires qui provoquera à son tour des déforestations, conversion de prairies en culture, etc. Ces conséquences sont néfastes pour la biodiversitébiodiversité, le taux de carbone dans l'atmosphèreatmosphère, donc, l'environnement en général.

    Un rapport de l'Institut pour la politique environnementale européenne datant de décembre 2010 montre en outre que l'utilisation des biocarburants, selon les quantités prévues par les différents plans d'action nationaux, provoquera une augmentation de 80,5 % à 167 % des émissionsémissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020. L'effet inverse de celui escompté. On marche sur la tête...

    Certification de durabilité

    Alors voilà, il fallait trouver une troisième solution. Günther Oettinger, commissaire européen à l'Énergie, a déclaré : « Nous devons nous assurer que la totalité de la production de biocarburants et de la chaîne d'approvisionnement correspondante sont durables ». Il a donc désigné cette semaine sept organismes - sur 25 candidats - qui seront responsables de certifier la durabilitédurabilité des nouveaux agrocarburants

    Ces organismes, qui sont issus de consortium de groupes privés, auront pour mission de vérifier trois choses notamment. D'abord, que les terresterres que les industriels voudront utiliser pour les agrocarburants n'abritent pas une riche biodiversité, ou ne soient pas de bons puits de carbone. Pas de forêt, donc, ni de zone humidezone humide ni bien sûr de zone protégée. Ensuite, les industriels devront montrer que leur production permet de diminuer de 35 % au moins (ce taux passera à 50 puis 60 % en 2017 et 2018) les émissions de gaz à effet de serre, par rapport aux énergies fossiles. Enfin, toute la chaîne de production devra être surveillée, « de la croissance des plantes [...] jusqu'à la pompe ». Les agréments délivrés par ces organismes seront valables cinq ans et concerneront les vingt-sept pays membres.

    Certification inefficace selon les ONG

    Pas de quoi satisfaire les ONG, pourtant. Jérôme Frignet, de Greenpeace France, contacté par Futura-Sciences, parle d'ailleurs de « diversion ». Selon lui, cette démarche « ne prend pas en compte le changement d'affectation des sols. Une législation devait être mise en place par la Commission européenne concernant ce changement d'affectation des sols, mais sa publication a été repoussée à septembre ».

    Ce que veulent les ONG, c'est que les émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre pour chaque agrocarburant soient pondérées par l'impact dû au changement d'affectation des sols, qui sera ainsi pris en considération. « On pourrait imaginer une valeur standard, qui ferait la synthèse des différentes études, pour chaque filière », propose Jérôme Frignet.

    Autre interrogation des ONG : les organismes de certificationcertification vont-ils rester indépendants ? Lors de l'annonce des sept organismes, Günther Oettinger a en effet expliqué qu'ils seront financés par les planteurs. De là à supposer que les certifications pourront être achetées, il n'y a qu'un pas que les ONG sont visiblement prêtes à faire...