Les terres irriguées sous des climats chauds peuvent souffrir d’une augmentation de la salinité du sol. Le sel absorbé par les végétaux perturbe alors la photosynthèse. Inexorablement, le rendement agricole diminue. Une nouvelle souche de blé non OGM a été produite et testée durant deux ans. Elle tolère le sel et reste rentable quoi qu’il puisse arriver. Cette découverte est des plus importante tandis que la population mondiale ne cesse d’augmenter. 

au sommaire


    Sans problème de salinité, la production de blé dans les champs expérimentaux s'est élevée à 2,5 tonnes par hectare. La présence d'une forte concentration de sel diminue ce nombre de moitié pour les espèces intolérantes. © Crisco

    Sans problème de salinité, la production de blé dans les champs expérimentaux s'est élevée à 2,5 tonnes par hectare. La présence d'une forte concentration de sel diminue ce nombre de moitié pour les espèces intolérantes. © Crisco

    Plus de 40 % de la production vivrière mondiale provient de terres agricoles irriguées. Or, l'irrigation est responsable d'un problème préoccupant dans les régions semi-arides ou arides : elle peut provoquer une augmentation de la salinitésalinité des sols. Les sels sont alors puisés par les plantes et s'accumulent dans les feuilles où ils perturbent la photosynthèse. Ce processus se traduit souvent par une perte de rendement. Chaque année, 1 à 2 % des terres irriguées seraient affectées et perdraient de la valeur.

    L'augmentation de la salinité serait principalement liée à de mauvaises techniques d'irrigation. Naturellement, les roches et sols sont érodés par l'eau. De petites quantités de sel sont emportées vers les fleuves et les nappes aquifères où l'eau des systèmes d'arrosage est puisée. Un épandage insuffisant cause une incrustation du sel dans le sol suite à l'évaporation rapide de l'eau. Une irrigation trop importante peut quant à elle provoquer une remontée du niveau des nappes phréatiquesnappes phréatiques. Le sol aspire alors l'eau par capillaritécapillarité. L'évaporation agit à nouveau et le sel se concentre autour des racines.

    L'Australie est le deuxième exportateur mondial de bléblé dur, une espèceespèce particulièrement sensible au sel. Or, les deux tiers du pays sont soumis à un climatclimat au mieux semi-aride. Une équipe de l'université d’Adélaïde, menée par Rana Munns, a réussi à produire une nouvelle variété de blé non OGMOGM tolérant la présence de sel. Testé en conditions réelles d'exploitation, son rendement s'avère supérieur de 24 % à celui de la souche mère en présence de sel. Les mécanismes génétiquesgénétiques et physiologiques en jeu ont également été décrits. Tous les résultats sont publiés dans la revue Nature Biotechnology.

    En France, il faut en moyenne 590 litres d'eau pour produire 1 kg de blé, alors que nous ne vivons pas sous un climat semi-aride ou aride. © Jessica Reeder CC by-sa

    En France, il faut en moyenne 590 litres d'eau pour produire 1 kg de blé, alors que nous ne vivons pas sous un climat semi-aride ou aride. © Jessica Reeder CC by-sa 

    Un nouveau blé rentable avec ou sans sel

    Le blé durTriticum turgidum ssp. durum, a subi de très nombreuses hybridationshybridations durant son histoire. Il est même devenu polyploïde et contient deux génomesgénomes complets, nommés A et B. Il a acquis de nombreux caractères avantageux, mais en a perdu d'autres, tels que la résistancerésistance au sel. Un gènegène codant pour une exclusion du sodiumsodium (TmHKT1;5-A) des feuilles a été trouvé chez une espèce ancestrale, T. monococcum. Cette espèce ne possède qu'un seul génome, le A. Les chercheurs ont donc effectué des croisements entre ces deux espèces. Les descendants, les cultivarscultivars Tamaroi [+], ont fait l'objet d'analyses permettant de détecter et confirmer la présence du gène souhaité dans la nouvelle souche.

    Ils ont ensuite été mis en culture, avec des espèces ou cultivars témoins, durant deux ans à Moree (Est de l'Australie) dans des sols à la salinité variable. Avec de faibles quantités de sel, les différents cultivars ont présenté les mêmes rendements, notamment en nombre de grains. La souche possédant le gène de résistance au sel n'est donc pas pénalisée. En revanche, lorsque la concentration en sel a augmenté, les variantes dépourvues du gène ont vu leurs rendements chuter de 50 % (environ 1,2 tonne par hectare) contre 36 % pour le Tamaroi [+]. Ce cultivar a produit plus de 300 kgkg supplémentaires par hectare par rapport aux autres en présence de sel. Sa productivité est supérieure de 24 %, principalement grâce à un nombre plus important de grains sur les épis.

    Bloquer le sel dès son absorption

    L'action du gène TmHKT1;5-A, qui code pour une protéineprotéine de transport uniportuniport spécifique au sodium, a également été décrite. Elle s'observe dans la membrane plasmiquemembrane plasmique des cellules jouxtant les vaisseaux de xylèmexylème, dans les racines. Elle permet de réduire d'environ 50 % le transport de sel vers les feuilles en bloquant son entrée dans le réseau envoyant l'eau et les nutrimentsnutriments vers les parties aériennes de la plante.

    Cette équipe a donc produit un nouveau blé particulièrement adapté à la culture dans les zones irriguées des régions chaudes. Puisqu'il ne s'agit pas d'un OGM, il peut être planté sans aucune contrainte. Cette découverte est importante puisque la demande en nourriture devrait fortement augmenter dans le futur suite à la croissance de la population mondiale