Les polluants générés par la combustion des sources d’énergie fossile ou les feux de forêt atteignent l’Arctique. Mais comment arrivent-ils à faire un si long voyage dans l’atmosphère ? Des chercheurs viennent de répondre : les polluants sont portés par des aérosols organiques secondaires. Détails d’une association bien particulière.

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    La combustion du charbon, du pétrolepétrole et du gaz naturel, sources d'énergie fossile, relâche dans l'atmosphère des polluants hautement toxiques. MoléculesMolécules répertoriées comme polluants primaires, elles sont particulièrement étudiées en raison de leur toxicitétoxicité et de leur répartition géographique : on les retrouve partout dans le monde. Même l'Arctique, le bout du monde qui ne subit aucune combustioncombustion directe, en est imprégné. 

    Comment les polluants peuvent-ils se déplacer sur d'aussi grandes distances ? C'était jusqu'alors un des grands mystères de la science. Mais récemment, l'équipe d'Alla Zelenyuk du Pacific Northwest National Laboratory (PNNL, Richland, État de Washington) a mis en évidence le rôle des particules en suspension dans le voyage des polluants. D'après les résultats parus dans le magazine Environnemental Science & Technology, le transport des polluants serait assuré par une certaine catégorie d'aérosols. Eux et les polluants forment un couple spécial : les particules en suspension transportent et tirent profit des polluants.

    Scénario du haut : si les particules en suspension (AOS, en vert) sont déjà formées lorsqu’elles rencontrent les polluants (HAP, en jaune), ces derniers sont cantonnés en surface, et AOS et polluants se dissipent rapidement. Scénario du bas : quand les particules en suspension emprisonnent les polluants, AOS et polluants ont une durée de vie bien plus longue. © PNNL

    Scénario du haut : si les particules en suspension (AOS, en vert) sont déjà formées lorsqu’elles rencontrent les polluants (HAP, en jaune), ces derniers sont cantonnés en surface, et AOS et polluants se dissipent rapidement. Scénario du bas : quand les particules en suspension emprisonnent les polluants, AOS et polluants ont une durée de vie bien plus longue. © PNNL

    Polluants primaires, les hydrocarbures aromatiqueshydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont des molécules composées exclusivement de carbonecarbone et d'hydrogènehydrogène. Jusqu'alors, on pensait que les HAP émis dans l'atmosphère suivaient la circulation atmosphérique et finissaient par tomber lorsque la circulation faiblissait. L'analyse de l'équipe du PNNL révèle que lorsqu'ils rencontrent un aérosol, les polluants émis s'y blottissent et sont ainsi protégés du milieu extérieur. Mais cette découverte va plus loin : les particules en suspension augmentent leur temps de vie en transportant les polluants. 

    Une meilleure compréhension de la circulation des polluants

    Ces particules en suspension sont des aérosols organiques secondaires (AOS). Issus de l'oxydationoxydation atmosphérique des composés organiques volatilscomposés organiques volatils (COV) rejetés par la végétation et la combustion des sources de carbone fossile, ces aérosols traversent les courants et contribuent à la formation des nuages. Le long de leur parcours, on supposait qu'ils transportaient les polluants à leur surface. Mais durant des décennies, les scientifiques ont essayé sans succès d'expliquer ce mécanisme. 

    Dans les modèles de circulation atmosphériquecirculation atmosphérique, les AOS sont simulés avec l'hypothèse que les particules sont comme des sphères liquidesliquides, dont la fluidité permet aux HAP (polluants) de s'enfuir. Mais en réalité, ils ne fuient pas, ils sont coincés. Grâce au spectromètrespectromètre de massemasse Splat II, qui peut analyser des millions de particules une à une, Alla Zelenyuk a déterminé que les AOS ne sont pas liquides mais très visqueux : leur texturetexture se rapprocherait de celle du goudron. 

    Les chercheurs ont ensuite reconstitué en laboratoire la rencontre d'un aérosol organique secondaire et d'un polluant HAP. Au bout de 24 heures, 50 % du polluant était toujours dans la particule (le reste s'était évaporé). En outre, l'aérosol n'avait perdu que 20 % de son volumevolume total. Cette sorte de « relation symbiotique » en a surpris plus d'un : l'aérosol transporte le polluant et ce dernier l'aide à vivre plus longtemps. 

    Dans l'atmosphère, l'évaporation serait encore plus lente, ce qui expliquerait les transports de polluants jusqu'en Arctique. Ces résultats aideront en particulier les modélisateurs qui pourront prédire avec plus de précision la répartition des HAP dans le monde.