En plein essor démographique, l’Afrique risque de devenir un continent noir… à cause de la calcination des combustibles fossiles d’ici 2030. D’après des estimations, à cette date, le territoire pourrait être responsable de la moitié des émissions de polluants atmosphériques mondiales si aucune mesure environnementale n’est prise.

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    Les inventaires d'émissionsémissions des polluants dans l'air sont un passage obligé pour mesurer l'impact de la pollution sur la qualité de l'air et le climat. Ces données alimentent en effet les modèles atmosphériques et climatiques, et permettent de faire des projections. Les inventaires régionaux sont très précis pour l'Europe, l'Asie, ou l'Amérique du Nord. En revanche, jusqu'à présent, on ne disposait pour l'Afrique que d'inventaires globaux.

    C'est pour répondre à ce déficit d'information que les chercheurs du laboratoire d’aérologie de l'université Paul Sabatier de Toulouse ont développé des cartes d'émissions anthropiques pour l'année 2005 pour l'ensemble des pays africains. Pour cela, ils se sont appuyés sur des données diverses : questionnaires de la consommation de carburants soumis aux autorités de différents pays, enquêtes de terrain, résultats de programmes de recherche tels qu'Amma (programme sur la mousson ouest-africaine) et Polca (programme sur la pollution des capitales africaines).

    Les chercheurs ont également pris en compte des sources d'émission de gaz et de particules particulièrement polluantes en Afrique : d'une part les véhicules à deux roues, les vieilles voituresvoitures et les vieux camions dans les villes, et d'autre part la fabrication de charbon de bois pour la cuisine. Aujourd'hui, l'ensemble des sources d'émissions anthropiques représentent, selon les particules ou les gazgaz considérés (suies, carbonecarbone organique, dioxyde de soufresoufre, dioxyde d'azoteazote, monoxyde de carbone, etc.), entre 5 et 20 % de la pollution mondiale. La contribution de l'Afrique au changement climatiquechangement climatique ne peut donc être négligée.

    Cette image reprend les estimations régionales de particules de carbone organique issues des combustions de carburants fossiles et de biocarburants en tonnes de carbone par an, pour un des scénarios de l'année 2030. © <em>Environmental Research Letters</em>

    Cette image reprend les estimations régionales de particules de carbone organique issues des combustions de carburants fossiles et de biocarburants en tonnes de carbone par an, pour un des scénarios de l'année 2030. © Environmental Research Letters

    Particules et carbone organique venus d’Afrique

    À partir de ces inventaires pour l'année 2005, les chercheurs ont estimé dans Environmental Research Letters les émissions polluantes africaines en 2030 en s'appuyant sur trois scénarios. Les deux premiers sont ceux du modèle économique Poles, scénarios de référence décrivant soit un monde sans politique environnementale, soit un monde incluant les engagements du protocole de Kyoto (autrement dit, une réduction de 5,5 % des émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 par rapport au niveau atteint en 1990). Les scientifiques ont construit un troisième scénario incluant des réductions d'émissions spécifiques.

    Principal résultat de cette évaluation : en l'absence de toute mesure de régulation efficace, le continent africain pourrait contribuer pour 20 à 55 % des émissions globales anthropiques de polluants gazeux et particulaires à l'horizon 2030. Ces chiffres sont nettement au-dessus des estimations sur lesquelles se basent actuellement les modèles de changement climatique.

    Ces travaux permettront d'améliorer ces modèles par leur utilisation dans les futures publications du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Les chercheurs pensent aussi utiliser ces inventaires pour mieux évaluer l'impact de ces émissions polluantes sur la santé des populations urbaines d'Afrique. Ils espèrent que leurs résultats aideront les décideurs africains à faire des choix sur le parc de véhicules et les combustiblescombustibles utilisés afin d'améliorer la qualité de l'airair dans les villes africaines.