Une nouvelle estimation revoit à la baisse l'accélération du glissement vers l'océan de grands glaciers de la péninsule Antarctique. Le réchauffement, surtout celui de l'eau sur laquelle vient flotter la langue de glace, augmente bien le volume déversé dans la mer mais « seulement » de 15 kilomètres cubes par an.

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    Sur des images prises par cinq satellites, des scientifiques ont scruté l'évolution sur 25 ans d'une trentaine de glaciers sur la côte ouest de la Terre de Palmer, au milieu de la péninsule Antarctique. « Des changements spectaculaires ont été signalés dans cette région », précise Anna Hogg, scientifique de l'université de Leeds, au Royaume-Uni, et principale auteure de ces travaux parus dans la revue Geophysical Research Letters. Ces chercheurs ont constaté qu'entre 1992 et 2016, l'écoulement de la plupart des glaciers de cette Terre de Palmer s'est accru de 20 à 30 centimètres par jour, pour une vitessevitesse moyenne de 0,5 à 2,5 mètres par jour. Cette augmentation représente une accélération moyenne de 13 % pour l'ensemble de ces glaciers durant ces 25 ans. Au passage, ces mesures fournissent les premières indications directes que la Terre de Palmer occidentale perd de la glace en raison de l'accélération du glissement des glaciers.

    Combinant ces données satellitaires à un modèle mathématique du flot de la glace, les chercheurs ont pu déterminer que les glaciers de cette partie de l'Antarctique déversaient 15 km3 de glace de plus dans l'océan chaque année par rapport à la décennie 1990. Ce volumevolume supplémentaire peut sembler énorme mais l'estimation est cependant plus faible que celle de la précédente étude, plus alarmante, publiée dans la revue Science en mai 2015. Basée sur des mesures de l'épaisseur de la glace et des pertes de massemasse des glaciers à partir de données provenant d'autres satellites, elle concluait à une perte annuelle au moins trois fois plus importante, de 45 km3.

    Le glacier Thwaites, de l'inlandsis Ouest-Antarctique, fond particulièrement vite. © James Yunkel, Nasa Ice, Wikipédia, DP

    Le glacier Thwaites, de l'inlandsis Ouest-Antarctique, fond particulièrement vite. © James Yunkel, Nasa Ice, Wikipédia, DP

    Les glaciers sont réchauffés par leur base

    Les glaciers de cette partie de l'Antarctique contiennent une quantité de glace qui en fondant ferait grimper le niveau des océans de 20 centimètres, notent les scientifiques. Pour Andrew Shepherd, professeur à l'école des sciences de la Terre et de l'Environnement de l'université de Leeds, la différence de perte de masse glaciaire entre les deux études pourrait s'expliquer par le fait qu'il a moins neigé ces dernières années dans cette région de l'Antarctique. Mais, estime-t-il, « ce n'est pas un signe de déséquilibre dans la dynamique de ces glaciers » car leur vitesse de glissement a en fait peu augmenté depuis un quart de siècle, comme le montre cette dernière étude.

    Ces chercheurs ont aussi mesuré les températures de l'eau de l'océan en face des glaciers qui perdaient le plus de glace. Ils ont constaté que leur base baignait dans des eaux plus chaudes, explique la professeur Hogg. « Ces eaux profondes autour du pôle, qui sont relativement chaudes et salées par rapport aux autres parties de l'océan austral, se sont réchauffées durant les récentes décennies et peuvent fait fondre les glaces à la base des glaciers, réduisant leur frictionfriction sur le socle rocheux, ce qui leur permet de glisser plus facilement », précise-t-elle.

    Voir aussi

    L’océan fait fondre l’Antarctique par dessous

    « Étant donné que la masse de glace de la Terre de Palmer occidentale repose sur le socle rocheux bien au-dessous du niveau de l'océan, c'est important de surveiller comment ces zones répondent au changement climatiquechangement climatique », souligne la scientifique, notant que les satellites sont les outils idéaux pour cela.

    La banquise antarctique a elle aussi régressé

    Après y être resté relativement imperméable, l'Antarctique dans son ensemble a été affecté par le réchauffement planétaire en 2016, l'année la plus chaude depuis le début des relevés en 1880. En novembre, le début du printemps austral, la banquise antarctique, formée d'eau salée glacée, a perdu presque deux millions de km2 par rapport à la moyenne des 30 dernières années à cette période : 14,5 millions de km2 contre 16,35 millions de km2 entre 1981 et 2010.

    Le précédent minimum pour un mois de novembre était de 15,5 millions de km2 en 1986. À la fin de l'été austral et donc de la fontefonte des glaces, début mars, un autre record a été battu, mais moins marqué qu'en novembre. L'étendue minimale de la banquise a été la plus faible jamais enregistrée en vingt ans avec 2,1 millions de km2 contre 2,29 millions de km2 en 1997.