Une étude de la Nasa qui s’est intéressée à l’histoire climatique du bassin méditerranéen et à la variabilité de ses épisodes de sécheresse montre que celle ayant touché le Proche-Orient entre 1998 et 2012 fut la pire depuis le XIIe siècle. Pour les chercheurs, le réchauffement climatique l’a probablement accentuée, comme le prédisent les modèles.

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    Ces dernières années, il n'est pas rare d'entendre dans les médias, différents acteurs ou experts politiques et scientifiques expliquer que la sécheresse qui a frappé la Syrie de 2007 à 2010 et dévasté le monde paysan serait un des facteurs déclenchants de la révolte qui a agité le pays en 2011, révolte qui est malheureusement devenue un conflit particulièrement sanglant, poussant des dizaines de milliers de familles à se déplacer.

    Une étude publiée début 2015 dans les Comptes-rendus de l’Académie américaine des sciences (Pnas) corroborait cette hypothèse, citée ensuite pour évoquer les réfugiés climatiques dans le cadre de la COP 21. « Nous ne disons pas que la sécheresse est la cause de la guerre mais qu'elle s'est ajoutée à tous les autres facteurs, contribuant ainsi au conflit, avait déclaré un de ses auteurs, le climatologueclimatologue à l'université ColumbiaColumbia, Richard Seager, à l'AFP, ajoutant que le réchauffement climatique en cours, résultant des activités humaines, a probablement contribué à la sévérité de la sécheresse dans cette région ».

    Une nouvelle étude de la NasaNasa, publiée dans le Journal of Geophysical Research-Atmospheres de l'Union géophysique américaine (American Geophysical Union ou AGU) montre que cette sécheresse, commencée en 1998, fut en réalité la pire que cette « région du Levant » ait connue depuis neuf siècles.

    L'histoire climatique du bassin méditerranéen

    Pour reconstituer l'histoire climatique de cette région, l'équipe de Ben Cook, spécialiste du climat à l'institut Goddard de la Nasa pour les études spatiales, s'est plongée dans le Old World Drought Atlas, ouvrage du Lamont Doherty Earth Observatory de l'université Columbia - où il est aussi chercheur -, qui compile les enregistrements dendrochronologiques sur tout le pourtour méditerranéen (Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte, Libye, Espagne, sud de la France, Italie, Grèce, Jordanie, Syrie, Liban, Israël et la Turquie). Les cernes de croissance des arbres sont en effet des témoins fiables des conditions climatiques qui prévalent chaque année : plus il y a d'eau, plus les anneaux sont larges, et moins il y en a, plus ils sont fins...

    Les taches brunes indiquent, selon leur intensité, la baisse du niveau des <a href="//www.futura-sciences.com/magazines/environnement/infos/actu/d/climatologie-deficit-stockage-eau-douce-preoccupant-moyen-orient-44631/" title="Déficit de stockage d&#039;eau douce préoccupant au Moyen-Orient">stockages d’eau</a> en janvier 2012 relativement à la moyenne 2002-2015. La carte a été créée à partir des données collectées par le satellite Grace (<em>Gravity Recovery and Climate Experiment</em>). © <em>Nasa, Goddard Scientific Visualization Studio</em>

    Les taches brunes indiquent, selon leur intensité, la baisse du niveau des stockages d’eau en janvier 2012 relativement à la moyenne 2002-2015. La carte a été créée à partir des données collectées par le satellite Grace (Gravity Recovery and Climate Experiment). © Nasa, Goddard Scientific Visualization Studio

    Recoupées avec les documents historiques disponibles dans toutes ces régions, ces données ont permis aux scientifiques de brosser un tableau, ou plutôt une carte, de la répartition des zones touchées par des épisodes de sécheresse, d'estimer leur sévérité et aussi de travailler sur leur récurrence. Une analyse très utile pour améliorer les modèles de prévision du climat présent et futur, affecté par les émissionsémissions anthropiques de gaz à effet de serre.

    L'étude montre que celle qu'a subi le « Levant » - région incluant Chypre, Israël, la Jordanie, le Liban, la Palestine, la Syrie et la Turquie, aussi désignée Proche-Orient et Moyen-Orient - entre 1998 et 2012 fut 50 % plus aride que la période la plus sèche de ces 500 dernières années et 10 à 20 % plus terrible que la pire sécheresse depuis l'an 1100 !

    Une sécheresse extrême sous influence du réchauffement lié à l'Homme

    Les scientifiques ont par ailleurs constaté que lorsque l'est du bassin méditerranéen est frappé par une sécheresse, il arrive souvent que cela se produise aussi sur l'autre bord, à l'ouest. En revanche, le rapport entre les territoires au nord de Mare Nostrum et le sud, apparait, sur ce plan, opposé : quand l'un bénéficie de plus d'humidité, l'autre souffre d'un manque d'eau, et vice versa.

    À l'origine des épisodes climatiques extrêmes, on trouve l'oscillation de l'Atlantique nord et le phénomène désigné East Atlantic Pattern, chacun influençant la circulation des vents en relation étroite avec l'océan, de sorte que périodiquement ils peuvent apporter un airair plus chaud et sec et chasser les pluies des régions méditerranéennes. Dans ces conditions, l'évaporation s'accentue, ce qui se traduit par des sécheresses pouvant être redoutables.

    Les projections des modèles sur les régions bordant la Méditerranée sont unanimes : elles vont s'assécher dans l'avenir en raison du changement climatiquechangement climatique comme l'a rappelé Yochanan Kushnir, climatologue au Lamont Doherty Earth Observatory et qui a contribué à cette étude (et aussi à celle publiée dans Pnas) : « Cet article scientifique montre que le comportement au cours de cette récente période de sécheresse est différent de ce que nous avons vu dans le reste des enregistrements [dendrochronologiques, NDLRNDLR] ».

    « La Méditerranée orientale sera un point chaudpoint chaud de l'aridification due à l'augmentation des gaz à effet de serre, souligne son collègue, Richard Seager, et ce changement est déjà en cours ».