Il s’appelle Yaravirus et intrigue les scientifiques : ce virus infectant les amibes ne possède aucune des caractéristiques habituelles des virus déjà connus, et possède 90 % de gènes jamais identifiés jusqu’ici. Une découverte montrant l’étonnante diversité du monde des virus qui n’en finit plus de bluffer les scientifiques.


au sommaire


    Baptisé Yaravirus, du nom de la reine de l'AmazoneAmazone Yara, le nouveau virus découvert par une équipe franco-brésilienne dans le lac artificiel de Pampulha, près de Belo Horizonte au Brésil, appartient à une lignée encore inconnue, c'est ce que révèle une nouvelle étude parue sur le site de pré-publication bioRxiv. Sur les 74 gènes que comporte ce virus infectant les amibes (un protozoaire vivant dans l'eau), 68 ne figurent dans aucune base de donnéesbase de données phylogénétiquephylogénétique, ce qui signifie que 90 % de son génome est inconnu. Les chercheurs ont comparé son génome avec 8.535 autres métagénomesmétagénomes et n'ont trouvé aucune correspondance. « Une telle proportion de gènes orphelins [qui ne codent pour aucune protéineprotéine fonctionnelle connue, ndlr] n'a jamais été observée chez un virus de l'amibe depuis la découverte des Pandoravirus », notent les auteurs.

    Le cycle viral du Yaravirus. Une particule virale est associée à la membrane de la cellule hôte de l’amine et pénètre à l’intérieur grâce à une vésicule endocytaire. Le virus occupe alors la région nucléaire de la cellule et « recrute » les mitochondries de celle-ci pour répliquer son ADN (image notée VF pour « <em>viral factory</em> »). © Paulo V. M. Boratto et al, bioRxiv, 2020
    Le cycle viral du Yaravirus. Une particule virale est associée à la membrane de la cellule hôte de l’amine et pénètre à l’intérieur grâce à une vésicule endocytaire. Le virus occupe alors la région nucléaire de la cellule et « recrute » les mitochondries de celle-ci pour répliquer son ADN (image notée VF pour « viral factory »). © Paulo V. M. Boratto et al, bioRxiv, 2020

    Un pandoravirus miniature ?

    Découverts en 2013, les pandoravirus sont des virus géants aussi gros qu'une bactériebactérie (environ 1 micromètremicromètre) et comportant plusieurs milliers de gènes. Les pandoravirus comptent ainsi 2.500 gènes, là où les virus classiques, comme ceux du VIHVIH ou de la grippegrippe, n'en comptent qu'une dizaine. Ces virus géants, dont la plupart des gènes ne sont répertoriés chez aucun autre virus, constituent un gros mystère pour les scientifiques qui s'interrogent sur l'utilité de tous ces gènes additionnels. Mais le cas de Yaravirus est encore plus étonnant, car il mesure à peine 80 nanomètresnanomètres de diamètre, soit 10 fois moins que les pandoravirus, et ne présente aucune de leurs caractéristiques habituelles. « Nous avons ici identifié un tout nouveau type de virus d’amibe », se félicitent les chercheurs.

    Les pandoravirus sont aussi gros que des bactéries et possèdent un génome bien plus complexe que les virus classiques. © Chantal Abergel et Jean-Michel Claverie
    Les pandoravirus sont aussi gros que des bactéries et possèdent un génome bien plus complexe que les virus classiques. © Chantal Abergel et Jean-Michel Claverie

    Des virus complètement atypiques

    Cette découverte montre une fois de plus l'étonnante diversité des virus. En 2019, des chercheurs de l'université d'AgricultureAgriculture et de technologie de Tokyo (Tuat) ont ainsi découvert dans des excréments de cochon un nouveau type d’entérovirus ne possédant aucune protéine structurelle, ce qui signifie qu'il est en théorie incapable de produire des particules virales et donc de pénétrer dans une cellule. Un peu gênant dans la mesure où un virus a justement besoin d'un hôte pour pouvoir se répliquer et se propager. Les chercheurs pensent que ces virus, baptisés EV-G et type 2, utilisent un « virus auxiliaire » pour les aider à accéder à l'intérieur de la cellule. Certains virus dits virus multipartites possèdent eux un génome fragmenté dans différentes particules virales. Pour se reproduire, le virus utilise donc un groupe de plusieurs cellules pour fabriquer ses particules virales.

    Les virus géants, comme les Megavirus, possèdent quant à eux des gènes que l'on trouve normalement chez les plantes, les animaux et d'autres organismes cellulaires, mais pas chez les virus. Or, certains de ces gènes jouent notamment un rôle clé dans la traduction de l'ADNADN en protéines, ce qui est normalement inutile pour les virus qui n'ont pas besoin de fabriquer eux-mêmes des protéines puisqu'ils les font produire par les cellules de l'hôte qu'ils parasitent. Aujourd'hui, environ 9.000 espècesespèces de virus sont recensées dans les banques de données génétiquesgénétiques. Mais les scientifiques estiment qu'il en existe plusieurs millions.


    D’anciens virus referont-ils surface avec le réchauffement climatique ?

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer publié le 25/01/2020

    La planète entière trembletremble sous la menace du nouveau coronaviruscoronavirus apparu il y a quelques jours en Chine. Et la découverte de chercheurs dans les glaces de l'Himalaya n'est pas faite pour nous rassurer. Plusieurs virus jusqu'alors inconnus ont été mis au jour. Volontairement, cette fois, et sous contrôle. Mais le réchauffement climatiqueréchauffement climatique et la fontefonte des glaces ne risquent-ils pas de bientôt changer la donne ?

    C'était en 2015. Il y a 5 ans déjà. Une équipe de chercheurs américains et chinois partait pour le Tibet. Objectif : forer les glaciers de l'Himalaya pour analyser ensuite les carottescarottes ainsi extraites à la recherche des bactéries et autres virus qu'elles pourraient renfermer. Dans une pré-édition de leur article, on apprend qu'ils ont ainsi mis au jour pas moins de 33 virus dont 28 jusque-là inconnus de la science.

    Ils ont été découverts dans une glace vieille de pas moins de 15.000 ans. À quelque 50 mètres de profondeur. Et pour s'assurer que ces échantillons ne soient pas contaminés par leur exposition à l'airair moderne, les chercheurs ont suivi des protocolesprotocoles très précis et rigoureux. D'autant que les concentrations en micro-organismes anciens dans de telles carottes sont extrêmement faibles par rapport à celles de l'environnement actuel. Les chercheurs ont ainsi été conduits à établir de nouvelles procédures d'échantillonnageéchantillonnage ultra-propres applicables aux virus.

    Il leur aura fallu s'installer dans une chambre froide portée à moins 5 °C et scier la couche la plus extérieure des carottes -- soit une épaisseur de 0,5 cm -- à l'aide d'une scie à ruban stérilisée. Puis, les carottes ont été lavées à l'éthanol afin de faire disparaître encore une autre couche probablement contaminée de 0,5 cm. Et les 0,5 cm suivants ont été nettoyés à l'eau stérile.

    Pour les chercheurs, c'est sans grande surprise qu'ils ont alors mis au jour plusieurs virus jusqu’alors inconnus. Des virus assez différents d'une carotte à l'autre -- l'une datant de 15.000 ans, l'autre de seulement 520 ans. Des différences sans doute révélatrices de conditions climatiques, elles aussi, dissemblables au moment de leur dépôt. Des différences qui fournissent donc des informations importantes aux chercheurs sur la manière dont les virus peuvent prospérer ou non en fonction des conditions environnementales.

    Un tweet publié il y a quelques jours à ce sujet a beaucoup fait parler. © @LPLdirect, Twitter

    Faut-il craindre la fonte des glaces ?

    Et l'occasion pour les scientifiques d'attirer l'attention du public sur une problématique nouvelle à laquelle ils se heurtent aujourd'hui : la fonte des glaces, résultat du réchauffement climatique. « Dans le meilleur des cas, la fonte des glaces nous fera perdre des données microbiennes et virales précieuses qui pourraient nous renseigner sur les régimes climatiques passés de notre Planète », expliquent les chercheurs dans leur article. Mais aussi l'évolution probable des populations de micro-organismesmicro-organismes avec les variations climatiques à venir. « Dans le pire des cas, le réchauffement climatique -- et la nouvelle exploitation minière de régions auparavant inaccessibles -- pourrait être à l'origine d'une libération de "nouveaux" agents pathogènespathogènes dans notre environnement. »

    Une crainte pas si folle au regard de quelques exemples survenus récemment. En 2016, au fin fond de la Sibérie, un enfant de 12 ans est mort après avoir été contracté la maladie du charbonmaladie du charbon -- que l'on connait plus sous le nom d'anthraxanthrax. Une souche, semble-t-il, libérée par une carcasse de renne à l'occasion de la vaguevague de chaleurchaleur qui a frappé la région durant l'été 2016.

    La plupart des micro-organismes ne sont pas dangereux pour les Hommes

    En 2017, des chercheurs avaient découvert, dans le pergélisolpergélisol, un virus géant vieux de 30.000 ans. Et ils étaient parvenus, sous contrôle, à le réactiver pour infecter une amibe unicellulaire. Une preuve que les virus peuvent survivre, au moins 30.000 ans. Comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes car les médecins modernes, bien sûr, n'ont jamais eu à traiter ce type d'infections. Sans remonter aussi loin, la fonte des glaces pourrait donner une seconde chance aux virus qui ont propagé, par exemple, la dévastatrice grippe espagnole de 1918. Gardons tout de même à l'esprit que la plupart des micro-organismes enfermés dans les glaces ne sont pas dangereux pour les Hommes.


    En bref : de vieux virus réapparaîtront avec la fonte des pôles

    Les lacs gelés des pôles emprisonnent des bactéries, des virus et des champignonschampignons que l'Homme n'a pas connus. En réponse au changement climatique, les glaces fondent et pourraient bien ramener à la surface de la Terre des virus vieux de millions d'années.

    Article de Delphine Bossy paru le 14/12/2012

    Le lac Baïkal est situé au sud de la Sibérie. C'est la plus grande réserve d'eau douce liquide au monde. Il gèle de façon saisonnière, et lorsqu'il dégèle, il peut être un vecteur de maladies, liées à la libération de virus ou de bactéries. © Suicup, Wikipédia, cc by sa 3.0
    Le lac Baïkal est situé au sud de la Sibérie. C'est la plus grande réserve d'eau douce liquide au monde. Il gèle de façon saisonnière, et lorsqu'il dégèle, il peut être un vecteur de maladies, liées à la libération de virus ou de bactéries. © Suicup, Wikipédia, cc by sa 3.0

    Si les Hommes dénichent des mammouths dans le pergélisol, les glaces cachent bien d'autres organismes. Des virus, des bactéries ou des champignons sont emprisonnés dans les lacs gelés d'ArctiqueArctique et d'AntarctiqueAntarctique. S'ils étaient réémis dans l'atmosphèreatmosphère, certains d'entre eux pourraient bien devenir dangereux. Le système immunitairesystème immunitaire d'un être humain est adapté à son environnement : il serait sûrement incapable de se défendre face à certains virus datant par exemple de 3 millions d'années ! Ainsi, dans le contexte actuel de changement climatique, la communauté scientifique prévient : les calottes fondent, il faut s'attendre à l'arrivée de nouvelles maladies.

    En 2009, une équipe scientifique espagnole avait échantillonné l'eau du lac gelé Limnopolar en Antarctique. Publiés dans Science, leurs résultats révèlent l'existence de plus de 10.000 espèces de 12 familles différentes dont certaines jusqu'alors inconnues des scientifiques. Même sans parler du réchauffement climatique, les zones comme la Sibérie sont déjà considérées comme des plaques tournantes potentielles pour les bactéries. De façon périodique, les lacs fondent, émettent et larguent des bactéries ou des virus. Ce sont souvent les oiseaux migrateurs qui les dispersent ensuite. Shoham et Rogers ont montré qu'un virus est ainsi réapparu successivement dans les années 1930, les années 1960 et en 2006.

    Certains virus ne survivent pas après le dégel, mais d'autres s'adaptent très bien. C'est typiquement le grand problème de la grippe. Des pandémiespandémies de grippe ont frappé périodiquement dans l'histoire. Le siècle dernier, il y a eu la grippe espagnolegrippe espagnole en 1918, la grippe asiatique en 1957 et la grippe de Hong Kong en 1968. Mais entre ces pandémies, où résidait donc le virus ? Certains suggèrent justement qu'il était emprisonné dans les glaces en Sibérie. Les pandémies sont difficiles à prévoir, et il est presque impossible de remonter à leur source. Ainsi, le réchauffement climatique risque d'augmenter le nombre de pathogènes, de maladies et de virus tant pour l'Homme que d'autres organismes.