Une plante très rare au nom enchanteur, Thismia neptunis, vient de refaire surface. Voilà pourtant plus d’un siècle et demi qu’elle n’avait pas été vue. Pour dénicher ce spécimen, dont l’allure étrange lui vaut le surnom de « lanterne de fée », des chercheurs se sont aventurés dans les profondeurs de la forêt tropicale malaisienne.

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    L'histoire de cette curieuse plante commence en 1866, quand le botanistebotaniste italien Odoardo Beccari explore les forêts du massif du Gunung Matang, sur l'île de Bornéo. L'homme découvre Thismia neptunis et décrit cette nouvelle espèce en réalisant, notamment, un superbe dessin naturaliste.

    L'an dernier, soit 151 ans plus tard exactement, des chercheurs tchèques se sont rendus eux aussi dans la forêt de Bornéo et, marchant dans les pas de leur prédécesseur, ils ont redécouvert la mystérieuse T. neptunis au bord d'une rivière. Ce serait donc la deuxième fois seulement que des scientifiques l'observent.

    Et pour cause, il s'agit d'une plante à fleurs qui demeure cachée sous terre pendant la majeure partie du temps. Elle ne sort à l'airair libre que lors de sa phase de floraison, qui dure à peine quelques semaines par an. La plante en fleurs mesure 9 cm environ, indiquent Michal Sochor et ses collègues du Crop Research Institute et de l'université Palacký dans une publication parue dans Phytotaxa. Elle est donc difficile à repérer, ce qui explique qu'elle soit si peu connue.

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    Dessin original d’Odoardo Beccari, tiré de sa publication parue en 1878. © Michal Sochor <em>et al.</em>, <em>Phytotaxa</em>, 2018

    Dessin original d’Odoardo Beccari, tiré de sa publication parue en 1878. © Michal Sochor et al., Phytotaxa, 2018

    Une plante à fleurs qui vit sans photosynthèse

    Si les chercheurs saluent la qualité de la description produite à l'époque par Odoardo Beccari, ils soulignent qu'elle est cependant incomplète, car elle ne concerne que la morphologiemorphologie de la plante (sa structure externe). Dans leur publication, ils fournissent une description et des dessins plus détaillés, et étudient pour la première fois sa structure interne (son anatomieanatomie, donc).

    Ils offrent aussi au monde des photographiesphotographies inédites de la plante. Thismia neptunis arbore une unique fleur en forme de bulbe, surmontée de trois appendices très fins similaires à des antennes. Son étrangeté ne s'arrête pas à son apparence : dépourvue de chlorophylle, elle obtient ses nutrimentsnutriments en parasitant des champignons souterrains, au lieu de pratiquer la photosynthèse. Une pratique appelée mycohétérotrophie.

    Trois spécimens ont été étudié : deux étaient en fleur (en A et B), à gauche, le dernier était un bourgeon (image C). © Michal Sochor <em>et al.</em>, <em>Phytotaxa</em>, 2018

    Trois spécimens ont été étudié : deux étaient en fleur (en A et B), à gauche, le dernier était un bourgeon (image C). © Michal Sochor et al., Phytotaxa, 2018

    Les chercheurs précisent qu'il est difficile d'estimer la population et la distribution spatiale de l'espèce, car elle n'a été étudiée que dans une zone très restreinte : il est fort probable qu'ils aient retrouvé cette étrange plante à l'endroit où Beccari l'avait découverte, plus d'un siècle auparavant. « Son apparence discrète pourrait expliquer nos connaissances limitées sur sa répartition puisqu'on peut facilement passer à côté sur le terrain, » relatent-ils dans leur publication.

    L'espèce T. neptunis appartient au genre Thismia, qui rassemble des plantes trouvées dans les forêts tropicalesforêts tropicales asiatiques et que les botanistes qualifient aussi de « lanternes de fée » (fairy lanterns, en anglais). En 1866, Becarri avait également découvert deux autres espèces de la même famille, T. episcopalis et T. ophiuris, dans la même région. Les chercheurs estiment qu'il serait aussi possible de les redécouvrir.