Depuis près de soixante ans, en Russie, se déroule une expérience de domestication des renards. Certains animaux ont été sélectionnés en fonction de leur comportement, agressif ou docile. La comparaison du génome des renards a révélé des gènes impliqués dans l'agressivité et la domestication.

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    « Si tu veux un ami, apprivoise-moi », dit le renard. « Que faut-il faire ? » répond le Petit Prince. Débutée il y a soixante ans, une expérience sur des renards visant à mieux comprendre le processus d'apprivoisement a permis de découvrir des gènesgènes impliqués dans l'agressivité et la domestication.

    « Nous avons pu montrer qu'un gène spécifique [connu sous le nom de SorCS1, NDLRNDLRa un effet sur le comportement, rendant les renards plus dociles », explique à l'AFP Anna Kukekova, de l'université de l'Illinois (États-Unis), coauteure de l'étude publiée mardi dans la revue Nature Ecology & Evolution.

    L'histoire commence en 1959, quand le biologiste russe Dmitri Beliaïev décide de tester expérimentalement sa théorie sur le processus de transformation du loup sauvage en un chien docile. Selon lui, la génétiquegénétique joue un rôle plus important que la socialisation apprise au contact des humains.


    Vidéo d'un renard « domestiqué ». © karstyl, YouTube

    Des renards domestiqués dans une ferme russe

    Prenant ses quartiers dans une ferme d'élevage en Russie, il démarre son expérience en choisissant parmi des renards roux (appelés aussi renards communs ou renards rouges) ceux qui étaient les moins agressifs envers l'Homme. Cette sélection a été répétée depuis, à chaque nouvelle génération, pendant près de soixante ans.

    Dès la dixième génération, quelques chiots remuaient leur queue comme des chiens en présence d'êtres humains.

    « Dès la dixième génération, quelques chiots remuaient leur queue comme des chiens en présence d'êtres humains, même quand il n'y avait pas de nourriture en jeu, décrit Anna Kukekova. Ils étaient juste heureux de voir des humains ».

    Aujourd'hui, les 500 couples du groupe sont tous à l'aise en présence d'Hommes, même s'ils ne sont pas aussi bien domestiqués que les chiens.

    En parallèle, les chercheurs ont également créé, sur la même méthodologie, un groupe de renards agressifs et un groupe témoin (composé de renards choisis au hasard). Profitant des progrès faits ces dernières années en matièrematière de séquençageséquençage, Anna Kukekova et son équipe ont décrypté le génomegénome de 10 renards de chacun des trois groupes.

    Résultat : les chercheurs ont identifié 103 zones génétiques impliquées, plus particulièrement le gène SorCS1 ; plus de 60 % des animaux « domestiqués » (y compris ceux du groupe témoin) partageaient la même variante du gène SorCS1, une variante totalement absente chez les renards agressifs.

    Selon l'étude, certaines des zones génétiques identifiées chez le renard correspondent chez l'Homme à l'autismeautisme et aux troubles bipolairestroubles bipolaires, ou encore au syndromesyndrome de Williams-Beuren, une maladie génétiquemaladie génétique rare notamment caractérisée par une hyper-sociabilité.


    Des renards domestiqués en moins de 50 ans

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer, paru le 19 septembre 2016

    Alors qu'elle aurait eu lieu il y a plus de 10.000 ans, la domestication du chien reste mystérieuse. Un généticiengénéticien russe s'est armé de patience et a reproduit avec des renards ce processus supposé lent qui a conduit le chien à l'abri de nos maisons. Conclusion d'une expérience de soixante ans : quelques décennies suffisent pour faire de descendants de renards sauvages des gentils toutous.

    « Je ne puis pas jouer avec toi. Je ne suis pas apprivoisé », apprend le renard au petit prince de Saint-Exupéry qui l'interroge. Et alors même que la croyance populaire affirme qu'il n'est pas possible de contrôler la nature d'un animal sauvage, le généticien russe Dmitri Beliaïev a souhaité mettre à l'épreuve scientifiquement le processus de domestication, quitte à y passer du temps. Beaucoup de temps...

    Il a d'abord sélectionné des renards en fonction de leur comportement en présence d'êtres humains. Ceux qui se montraient les moins méfiants ont servi de point de départpoint de départ à ce projet un peu fou lancé dans les années 1950. Après les avoir accouplés, le généticien a une fois encore sélectionné les renardeaux les plus dociles. Puis le procédé a été répété au fil des générations, encore et encore, voyant les renards perdre peu à peu de leurs attitudes sauvages.

    Dès la quatrième génération, Dmitri Beliaïev a vu apparaître des comportements observés chez les chiens domestiques : léchage de main, mouvements de queue, etc. Après 50 ans de sélection, le comportement des renards est devenu, affirme-t-il, indiscernable de celui d'un chien. D'ailleurs, le laboratoire vend désormais ses renardeaux comme animaux de compagnie pour financer la poursuite de ses études. Leur aspect physiquephysique a lui aussi évolué : oreilles pendantes, jambes et museaux plus courts et têtes plus larges. Et leurs glandes surrénalesglandes surrénales sont devenues plus actives, élevant les niveaux de sérotonine dans leurs cerveaux et réduisant ainsi leurs velléités agressives.