« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, partons pour le Japon et plongeons à la rencontre d’un artiste insoupçonné : un tétrodon, un drôle de poisson-globe.


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    Le Torquigener albomaculosus, c'est une sorte de tétrodon. Un drôle de nom. Celui d'un poisson plutôt surprenant. Il vit au large du Japon. C'est un poisson-globepoisson-globe. De ceux qui se gonflent pour échapper à leurs prédateurs. Du même groupe que le fameux fugu que les Japonais aiment mettre dans leurs assiettes alors même qu'il est susceptible de libérer un poison mortel.

    Mais revenons-en à notre tétrodon. Parce que ce qui nous intéresse aujourd'hui, ce sont les dessins qu'il trace au fond de l'eau, à même le sable. De véritables œuvres d'art sous-marines. Ici, un sillon ; là, de petites dunes. Le tout réalisé en nageant un peu sur le côté. Et surtout en frétillant beaucoup. À partir de sables de couleurscouleurs et de textures différentes. Sans oublier d'ajouter, deci delà, quelques petits coquillages que notre charmant petit poisson a préalablement croqué pour les réduire en miettes.

    Pour vous en faire une bonne idée, pensez donc aux crop circles, ces cercles de culture dessinés dans les champs de céréales et que certains attribuent à des réalisations extraterrestres. Ils sont en réalité souvent réalisés à des fins artistiques. Ou parfois, dans un but publicitaire. Et c'est un peu aussi, l'objectif de notre poisson-globe, le Torquigener albomaculosus.

    Le jeu de la séduction

    Oh ! bien sûr, il ne cherche pas à attirer de potentiels clients. Grâce à ces dessins, ce qu'il espère, c'est de parvenir à séduire sa belle ! Et il ne lésine pas sur les moyens. Ses sculptures sous-marines peuvent faire plus de deux mètres de diamètre. Pour un petit poisson de moins de douze centimètres de long, ce n'est pas rien quand même. D'ailleurs, il peut y consacrer jusqu'à neuf jours de son temps.

    Vous vous demandez comment les chercheurs savent tout ça ? Simplement parce qu'ils ont pu observer des tétrodons à l'œuvre à l'occasion d'une mission d'observation. Ils racontent ensuite qu'une fois la tâche accomplie, Madame vient se promener au-dessus des crop circles de Monsieur. Si l'œuvre est à son goût, elle accepte de convoler en justes noces. Mais, l'histoire ne s'arrête pas là. Car c'est aussi au centre de ces crop circles que Madame va venir pondre ses œufs. Laissant à Monsieur le soin de les féconder. Puis, de veiller sur eux pendant quelques jours. À leur éclosion, les petits poissons pourront librement se nourrir des éclats de coquillages déposés là par leur attentionné papa.

    Si vous pensez qu'une fois de plus, Madame est attirée par « tout ce qui brille », détrompez-vous. Car même si les chercheurs ne savent toujours pas sur quels critères elle fonde exactement son choix, ils pensent que son attention est plutôt captée par le sable fin qui forme le centre des crop circles et par l'efficacité avec laquelle ces sculptures seront capables de ralentir la circulation de l'eau autour de ses œufs. De quoi éviter qu'ils ne se dispersent avant d'avoir été fécondés. Ainsi, la réussite amoureuse de Monsieur reposerait finalement sur ses talents d'architectearchitecte. Sur la manière dont il est capable de préparer un nid douillet pour sa descendance... Pas si bête, le tétrodon.

    Et vous savez quoi ? En août 2020, des chercheurs ont rapporté avoir découvert de nouveaux crop circles sous-marinssous-marins. Du côté de l'Australie, cette fois. Pour savoir quel poisson en est l'auteur, il faudra encore patienter. Car il n'a, pour l'heure, pas pu être identifié.