Le plus grand observatoire de rayons cosmiques du monde, l'Observatoire Pierre Auger, dont le CNRS est l'un des fondateurs, vient de célébrer des premiers résultats prometteurs. Grand comme trente fois Paris, il est composé d'un réseau de télescopes à fluorescence et de détecteurs à eau implantés au pied des Andes, à 1500 mètres d'altitude. Sa mission consiste à tenter de résoudre ce qui reste l'une des grandes questions de l'astrophysique depuis un demi-siècle : d'où vient le rayonnement cosmique d'énergies extrêmes ? Avec à la clé, peut-être, la remise en question des lois fondamentales de l'Univers.

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    L'un des 1600 détecteurs de surface, pouvant contenir 12 tonnes d'eau(Crédits : Pierre Auger Observatory)

    L'un des 1600 détecteurs de surface, pouvant contenir 12 tonnes d'eau(Crédits : Pierre Auger Observatory)

    Le site de l'Observatoire, en Argentine<br /> (Crédits : Pierre Auger Observatory)

    Le site de l'Observatoire, en Argentine
    (Crédits : Pierre Auger Observatory)

    Bien qu'observés pour la première fois par le physicienphysicien Hess en 1910, les rayons cosmiques n'ont cessé depuis de rester une énigme : formés de particules stables de tous types à basses énergies, et de composition inconnue aux hautes énergies, on n'en sait rien ou presque. Ils ont été mesurés à l'aide de compteurs Geiger, notamment par le français Pierre Auger dans les années 1930, avant d'être étudiés à partir de 1960 aux énergies élevées. Mais aucune preuve de leur provenance. Sont-ils le produit de phénomènes astrophysiques violents, comme l'explosion de supernovaesupernovae ? Viennent-ils du noyau des galaxies ? S'agit-il d'un reliquat du big-bang ?

    Seule certitude, ils peuvent être extrêmement énergétiques : jusqu'à - et même au-delà de - 1020 eV (100 milliards de milliards d'électron-voltsélectron-volts), soit plusieurs dizaines de joulesjoules. Une grandeur exceptionnelle, cent millions de fois supérieure à celles atteintes par les accélérateurs de particules les plus performants. Mais aussi un mystère, car aucun mécanisme astrophysique connu ne semble capable d'accélérer des particules à de tels niveaux.

    Les rayons cosmiques sont également très rares dans le domaine des plus hautes énergies : un par km2 et par siècle. Au cours des dernières décennies, seule une vingtaine a pu être observée par une demi-douzaine de détecteurs. Toujours est-il qu'ils n'atteignent la Terre qu'après un périple de plusieurs dizaines de millions d'années-lumièreannées-lumière. Leur meilleure connaissance pourrait donc permettre de comprendre des phénomènes violents et lointains, et même de remonter aux origines de l'UniversUnivers.

    24 télescopes et 1600 détecteurs au sol

    De cet enjeu et des difficultés d'observation est née l'idée de créer l'observatoire Auger. Lorsqu'un rayon cosmique pénètre dans l'atmosphèreatmosphère terrestre, il déclenche une réaction en chaîneréaction en chaîne appelée "gerbe atmosphérique" donnant naissance à des milliards de particules dites "secondaires" qui ionisent l'atmosphère et produisent des photonsphotons de fluorescence. L'analyse de ces particules peut se faire lors de leur traversée de l'atmosphère à l'aide de télescopestélescopes à fluorescence, ou au sol lorsque qu'elles atteignent la surface de la terre. On en déduit les propriétés du rayon cosmique primaire : sa nature, son énergie et sa direction de provenance.

    Lancé en 1992 par une petite équipe qui s'est transformée au long des années en une vaste collaboration internationale (plus de 370 scientifiques et ingénieurs de 60 laboratoires de 16 pays), l'Observatoire Auger, outre sa taille exceptionnelle, est la seule expérience exploitant simultanément les deux méthodes de détection. En cours d'achèvement mais déjà le plus grand du monde, il combine en effet des télescopes et des détecteurs à eau, rassemblant ainsi des techniques de mesure jusqu'ici utilisées séparément entre autres par des équipes japonaises et américaines. Le dispositif comprendra en tout 1600 détecteurs contenant chacun 12 tonnes d'eau (le réseau de surface), répartis sur une superficie de 3000 kilomètres carrés dans la province argentine de Mendoza, au pied des Andes, soit l'équivalent de 30 fois la superficie de Paris intra-muros. Sa périphérie est plantée de télescopes à fluorescence (il y en aura 24 au final). Le tout est relié par un gigantesque réseau informatiqueréseau informatique « maison », sorte de Wi-FiWi-Fi à grande échelle.

    Télescope à fluorescence <br />(Crédits : Pierre Auger Observatory)

    Télescope à fluorescence
    (Crédits : Pierre Auger Observatory)

    Ce dispositif hybridehybride apporte des informations complémentaires et plus précises aux chercheurs. En outre, sa grande étendue (les événements à détecter étant rares et leur nombre croissant proportionnellement à la surface de détection) permet d'en observer plusieurs dizaines par an alors que l'ensemble des détecteurs précédents n'ont pu en accumuler que quelques dizaines en plus de 40 ans.

    Les premiers résultats

    D'ores et déjà les premiers résultats scientifiques tombent. D'une part, contrairement à ce que pouvaient affirmer les études japonaises (de l'observatoire Agasa), les rayons cosmiques extrêmes ne viendraient pas de manière privilégiée du centre de notre galaxie... Ils ne seraient probablement pas non plus un « reste » du big-bang ! L'observation faite de plus de quelques pour cent de photons dans ce domaine d'énergie serait en effet la signature d'un certain nombre de théories prédisant une origine exotiqueexotique (non vérifiée) pour ce rayonnement cosmique. D'autre part, alors que scientifiques japonais et américains se contredisent à propos du spectrespectre énergétique, aucun des résultats obtenus à Mendoza n'interdit en l'état actuel des choses d'imaginer l'existence de rayons au-delà de la limite des 1020 eV.

    Si le rayonnement cosmique ne trouve pas sa source au sein d'objets tels qu'étoilesétoiles et galaxies, si des « événements » peuvent se produire très au-delà de cette limite des 1020 eV, ce n'est pas dans l'astrophysique qu'il faut en chercher l'origine, mais dans la cosmologiecosmologie ou dans de nouvelles formes d'interactions fondamentales.

    La « collaboration Auger » se propose d'édifier un observatoire similaire dans l'hémisphère nordhémisphère nord, au Colorado (États-Unis), peut-être dès 2007. Ainsi, avec un observatoire dans chaque hémisphère, elle pourra disposer d'une couverture totale du ciel et donc d'une vision complète de l'Univers.

    Contacts :

    Contacts chercheurs :
    IN2P3 : Murat Boratav,
    [email protected], 01 44 27 45 80
    INSU : Martin Lemoine
    [email protected], 01 44 32 80 50

    Contact presse :
    Martine Hasler
    [email protected], 01 44 96 46 35

    Contact IN2P3 :
    Dominique Armand
    [email protected], 01 44 96 47 51