Le peuplier noir sauvage est l'essence dominante des forêts des bords de Loire. Il possède de nombreux atouts écologiques dans ces écosystèmes, mais il est menacé par l'aménagement des fleuves et par les hybridations potentielles avec les peupliers cultivés. L'INRA d'Orléans coordonne le programme national de conservation des ressources génétiques de cette espèce.

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    Pourquoi il est important de sauvegarder le peuplier noir sauvage

    La vie du peuplier noirpeuplier noir est très liée au fleuve. Il est présent en bord de Loire, qui est l'un des derniers fleuves français dont le cours majoritairement endigué peut encore évoluer au gré des crues saisonnières, des divagations latérales, des dépôts de sédimentssédiments, de la formation d'îles. La Loire transporte de juin à mi-juillet les graines des peupliers sauvages qui bordent la rive puis les dépose sur le rivage au fur et à mesure que le niveau de l'eau baisse en été. C'est dans ces conditions que les graines de peuplier noir germent, sur un sol de sédiments sableux humides mis à nu par le débordement du fleuve.

    <br />Les peupliers noirs se caractérisent par leur diversité.<br />Réserve Naturelle de Saint Mesmin (Loiret) <br />&copy; INRA/M. Villar

    Les peupliers noirs se caractérisent par leur diversité.
    Réserve Naturelle de Saint Mesmin (Loiret)
    © INRA/M. Villar

    Le peuplier noir, Populus nigra, est l'essence dominante des forêts alluviales, espèceespèce longévive (jusqu'à 150 ans et plus), pionnière, exigeante en eau et en lumièrelumière. Le peuplier noir présente un système racinaire très développé, qui influe en retour sur la dynamique sédimentaire du fleuve.

    Ce système racinaire complexe est aussi particulièrement efficace pour absorber les excès de nitrates et phosphatesphosphates des nappes alluviales, participant ainsi à l'amélioration de la qualité des eaux. Le peuplier noir constitue avec les autres espèces de la forêt alluviale (saules, orme, frêne...) un milieu particulièrement riche en faunefaune (insectesinsectes, oiseaux...) et flore, du fait qu'il se situe à l'interface entre milieu aquatique et milieu cultivé.

    Cependant, le peuplier noir est menacé par l'aménagement des rives et également par les hybridationshybridations potentielles avec les deux principaux types de peupliers cultivés : les variétés hybrides utilisées pour la production de boisbois (Populus nigra x Populus deltoides, ce dernier originaire d'Amérique du Nord), et une variété ornementale, Populus nigra variété 'Italica' omniprésente dans les paysages ruraux et urbains. Cultivées pour des usages spécifiques, ces variétés ne possèdent pas les mêmes caractéristiques que le peuplier noir sauvage et ne peuvent le remplacer dans le maintien de l'écosystèmeécosystème. Pourtant, leur abondance fait craindre des croisements qui, à terme, feront disparaître les caractères propres au peuplier noir sauvage.

    Si les peupliers cultivés sont volontairement homogènes, car les arbresarbres sont reproduits à l'identique par bouturage, le peuplier sauvage est naturellement « polymorphe » : on a du mal à croire que ces individus d'architecture, de forme et couleurcouleur de feuilles différentes, de sexe différent, qui ne bourgeonnent ni ne fleurissent en même temps sont de la même espèce ! Le peuplier noir est une ressource génétique à préserver car riche de potentialités (caractères de rusticité, résistancerésistance à la sécheressesécheresse ou aux maladies).

    Deux stratégies de conservation complémentaires

    Pour préserver le peuplier noir, des programmes de conservation ont été engagés au niveau national et européen. Les objectifs sont de conserver la variabilité actuelle et de préserver au mieux les adaptations locales. L'INRA d'Orléans, qui mène des études sur le peuplier depuis les années 70, coordonne le programme français.

    D'une part, les chercheurs de l'INRA ont établi une collection de 350 peupliers noirs représentatifs de la diversité française. Cette collection « ex situ » est gérée par la pépinière forestière de l'Etat du Ministère de l'AgricultureAgriculture située à Guéméné-Penfao (Loire-Atlantique). Cette collection est en cours d'évaluation par des caractères adaptatifs (surface foliaire, architecture, débourrementdébourrement végétatif...).

    D'autre part, pour maintenir le potentiel d'adaptation, il est essentiel de conserver des populations dans leur milieu d'origine (conservation dynamique « in situ »). Pour cela, les chercheurs de l'INRA ont établi une collaboration originale avec un réseau de 12 réserves naturelles qui acceptent de prendre en compte spécifiquement le peuplier noir dans leur gestion.

    Enfin, des analyses génétiques à l'aide de marqueurs moléculaires de type microsatellites permettent de rechercher une éventuelle structuration géographique des populations naturelles de peuplier noir.

    Concertation pour l'aménagement des bords de fleuve

    En pratique, les scientifiques acquièrent une connaissance complète des populations de peupliers noirs sauvages qui leur permet de proposer une gestion raisonnée de ces populations. L'objectif est de négocier avec les gestionnaires du fleuve la préservation des individus particulièrement importants, tout en respectant les impératifs des aménagements fluviaux. Ces arbres à préserver en priorité sont choisis en fonction de leur représentativité génétique et de leur capacité à se reproduire pour assurer le renouvellement de la population.

    Le projet POPLOIRE

    Une étude couplant inventaire, étude de diversité génétique et actions de communication concerne actuellement l'ensemble du lit mineurlit mineur de la Loire. Treize sites sont particulièrement étudiés, comme la réserve naturelle de St Mesmin (en aval d'Orléans), récemment référencée 'ISSISS' (Site d'étude prioritaire) du réseau d'excellence européen Evoltree.

    Ce projet Loire se situe dans un contexte national qui comprend également des travaux sur de très nombreux fleuves et rivières, sur les bassins versantsbassins versants du Rhin, du Rhône, de la Seine et de l'Adour. Ce programme national bénéficie de subventions de la Région Centre, des ministères de l'Agriculture et de l'Ecologie et de l'Union européenne.