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Bernard Etlicher

Bernard Etlicher

Géographe

L'initiative de Futura-Sciences de retracer l'itinéraire scientifique des chercheurs me semble une bonne initiative de nature à mieux faire connaître les scientifiques au grand public. C'est en faisant connaître leurs réflexions et leurs doutes, que peut être la société comprendra mieux la portée et les limites de leur action. Il faut surtout que les jeunes s'intéressent davantage à la science qu'ils ne le font : le risque du retour à l'obscurantisme est réel, l'histoire nous enseigne que ce retour est une possibilité contre laquelle nous avons le devoir de lutter.

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Biographie

J'ai choisi une formation universitaire de géographe tout en privilégiant l'approche naturaliste : observer et comprendre le monde qui nous entoure.

Au cours de ma carrière universitaire, je me suis spécialisé dans la recherche des héritages des périodes glaciairespériodes glaciaires quaternairesquaternaires dans l'Est du Massif Central qui ont laissé leur empreinte dans le paysage que nous pouvons observer actuellement. Cette recherche m'a conduit à m'interroger de manière plus générale sur les effets des climatsclimats froids sur les roches, ce qui m'a permis de constater que des phénomènes apparemment banals comme la désagrégation des roches sous l'action du gelgel étaient loin d'être aussi bien connus et compris que le commun des mortels peut le penser. Au cours de mon travail de thèse, j'ai donc cherché à mieux comprendre les impacts du gel et de la glace sur les reliefs des moyennes montagnes.

Ces questionnements m'ont conduit à entreprendre des expérimentations, notamment au centre de géomorphologiegéomorphologie du CNRS à Caen pour provoquer, dans des conditions contrôlées, le gel et la désagrégation des roches éruptivesroches éruptives, puisque ce sont les plus courantes dans la région du Massif Central qui constituait mon terrain de travail.

Bien évidemment, ce type de recherches ne peut s'envisager sans la connaissance approfondie des régions où ces phénomènes sont particulièrement actifs actuellement, c'est-à-dire les régions des montagnes et les régions de haute latitudelatitude où j'ai eu l'occasion de me rendre régulièrement. En effet, l'observation de ces phénomènes en activité est une méthode irremplaçable pour comprendre et reconstituer l'histoire passée de nos régions.

Ce travail de chercheur ne peut être dissocié d'une mission d'enseignement que j'ai toujours souhaité mener parallèlement, sans privilégier l'une par rapport à l'autre car la pratique des deux, heureusement possible dans le cadre de la fonction d'enseignant chercheurenseignant chercheur en Université, provoque une fécondationfécondation mutuelle. Transmettre les progrès de ses recherches aux jeunes est non seulement un devoir, mais leurs questionnements ouvrent souvent de nouvelles pistes de réflexion.

A la fin de cette phase de mon activité, et après une période assez longue consacrée pour une large part à des fonctions d'administration et de gestion du système universitaire, tant à l'Université de Saint Etienne dans un premier temps, qu'au Ministère de l'Enseignement Supérieur ensuite, j'ai réorienté mes recherches dans un domaine plus large et plus en prise avec la demande sociale.

Depuis le début des années 90, le thème de la gestion des milieux naturels et le développement des politiques de gestion et de protection des milieux, sous l'impulsion des initiatives européennes mais aussi souvent d'initiatives locales, est monté en puissance et les interrogations adressées au scientifique naturaliste se sont multipliées : Un besoin important est apparu pour établir un diagnosticdiagnostic de l'état du milieu, discerner des évolutions potentielles, préconiser des mesures de gestion respectueuses de l'environnement et imaginer des scénarios alternatifs d'évolution des milieux. Avec quelques collègues, au sein de notre laboratoire, nous avons été parmi les premiers en France à développer des méthodes et des outils pour la gestion des milieux naturels « sensibles ». Parmi ces outils, les systèmes d'information géographiques (S.I.G.) sont une révolution technologique : ils donnent au géographe un outil et une compétence technique qui le rendent indispensable dans toutes les réflexions sur la gestion des activités sur les territoires. Nous avons engagé de nombreuses études afin de démontrer l'usage qui peut être fait de ces outils pour la gestion des milieux naturels et de susciter leur développement dans les structures de gestion. Parmi les premières études, j'ai eu à conduire plusieurs programmes de recherches sur les Hautes ChaumesChaumes du Forez, ayant pour objectif de faire un diagnostic de l'état du milieu, cerner les menaces (reconquête forestière par sous pâturage, impacts d'activité de loisir mal maîtrisé) et proposer des scénarios permettant aux différents acteurs de cohabiter le plus harmonieusement possible.

Parallèlement, à mesure que se développait ce marché, j'ai participé activement au développement de filières de formation de professionnels compétents, ayant à la fois les compétences scientifiques naturalistes et la compétence informatique requise pour maîtriser ces outils et animer les cellules SIG qui se créaient dans ces structures.

J'ai travaillé étroitement avec les Parcs Naturels notamment, mais plus généralement avec beaucoup d'organismes en charge de la gestion des milieux naturels.

Président du conseil scientifique du Parc Naturel régionalParc Naturel régional du Pilat depuis 3 ans, je participe à la réflexion des scientifiques qui tentent de trouver des réponses aux questionnements des gestionnaires qui cherchent les outils et les méthodes pour assurer la gestion de leur espace en développant l'activité tout en préservant les milieux naturels.

Actuellement, dans le cadre d'un programme financé par la région Rhône-Alpes, nous essayons de construire un outil de gestion des tourbièrestourbières qui permette au gestionnaire d'une réserve ou d'un site Natura 2000Natura 2000 de comprendre les évolutions en cours dans ce milieu et de prévoir l'impact des mesures de gestion telle que le creusement d'un draindrain, la coupe des arbresarbres etc.... A terme il devrait être possible de pouvoir obtenir des représentations en 3D des paysages futurs en fonction des évolutions du milieu qui sont simulées par le modèle. Ces outils devraient permettre aux différents acteurs de s'accorder plus facilement sur les mesures à prendre dans des milieux souvent fragiles et où les enjeux sont parfois conflictuels.

Comme on le voit, mon itinéraire m'a fait évoluer d'une approche de géomorphologue quaternariste vers une approche à la fois globale des milieux, et plus en prise avec l'action et les questionnements de la société concernant la gestion des milieux.