Qu'elles soient en basalte, trachyte ou phonolite, les orgues volcaniques fascinent. On comprend mieux leur formation grâce à des simulations numériques 3D et des modèles analytiques développés sur le papier.

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    Haroun Tazieff a dit que s'il avait mieux connu la diversité des volcans trouvés en Auvergne, il aurait d'abord fait ses classes de volcanologuevolcanologue dans cette région du centre de la France plutôt que sur les autres volcans du Globe. D'après le Guide des volcans d'Europe et des Canaries de Maurice KrafftMaurice Krafft et François Dominique de Larouzière, les laves du Puy de Sancy sont, par exemple, très similaires à celles qui se trouvent sur l'Etna, en Italie.

    Ce guide contient également des itinéraires pour les Roches Tuilière et Sanadoire, où l'on peut admirer des orgues phonolitiques. Il s'agit d'un type d'orgues volcaniques, des structures géologiques qui se trouvent partout dans le monde. Les orgues volcaniques les plus connues sont sans doute celles de la Chaussée des Géants (Giant's Causeway, en anglais), dans le comté d'Antrim, en Irlande. Elles sont constituées de basalte.

    De nombreuses coulées volcaniques dans le monde présentent, après refroidissement, une double structure caractéristique avec des orgues volcaniques. Comme le montre bien l'image ci-dessus prise sur l'île de Staffa, en Écosse, on constate l'existence d'une double prismation : grossière dans la partie supérieure, dite zone d'entablement, et géométrique dans la partie inférieure avec des colonnades bien régulières. ©<em> University of Toronto</em>

    De nombreuses coulées volcaniques dans le monde présentent, après refroidissement, une double structure caractéristique avec des orgues volcaniques. Comme le montre bien l'image ci-dessus prise sur l'île de Staffa, en Écosse, on constate l'existence d'une double prismation : grossière dans la partie supérieure, dite zone d'entablement, et géométrique dans la partie inférieure avec des colonnades bien régulières. © University of Toronto

    Une prismation qui minimise l'énergie des coulées volcaniques

    Les orgues volcaniques ont eu leur heure de gloire en géologie vers la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle, quand faisait ragerage le débat entre les neptunistes, menés par le géologuegéologue allemand Abraham Gottlob Werner, et les plutonistes, menés par le géologue britannique James Hutton. Werner pensait que toutes les roches se formaient par précipitation ou sédimentationsédimentation dans l'eau de mer alors que Hutton pensait qu'elles provenaient du refroidissement de roches volcaniquesroches volcaniques. La prismation du basalte de la Chaussée des Géants pouvait en effet faire penser à la formation de certains cristaux dans une solution ou aux fentes de dessiccationdessiccation, présentes dans des boues argileuses. En effet, en s'asséchant, l'argileargile se rétracte et la diminution de surface conduit naturellement à l'ouverture de fentes. Les plutonistes ont gagné certaines batailles au XIXe siècle en montrant notamment que le basalte, et donc les orgues basaltiquesbasaltiques, provenait du refroidissement de la lave de certains volcans.

    La structure hexagonale fréquemment associée aux orgues volcaniques a immédiatement surpris. Les spécialistes ont fini par réaliser qu'elle devait provenir de la rétractation des coulées de lave en cours de refroidissement. Le raisonnement souvent avancé fait intervenir le fait que pour fissurer un solidesolide il faut de l'énergieénergie. La nature opère fréquemment en minimisant l'énergie d'un système ou d'un processus physiquephysique. Or, plus une fissure est longue, plus sa formation nécessite de l'énergie. Un calcul simple montre qu'à surface égale, un hexagone présente le plus petit périmètre possible par rapport à d'autres structures géométriques. On peut donc s'attendre à ce que les fissures produites par la contraction des coulées de lave se refroidissant découpent de préférence des hexagones.


    Une présentation des célèbres orgues basaltiques du groupe basaltique du Columbia (Columbia River Basalt Group, en anglais), une grande province ignée qui se trouve dans les régions des États américains de Washington, de l'Oregon et de l'Idaho. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n'est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l'expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK ». © hugefloods, YouTube

    Des hexagones issus d'un effet collectif de fracturation des laves refroidies

    La formation des orgues volcaniques est étudiée depuis des années de manière analogiqueanalogique, c'est-à-dire avec des expériences conduites en laboratoires avec des matériaux adéquats, par exemple de la Maïzena dans de l'eau. Des chercheurs allemands viennent d'annoncer par l'intermédiaire d'un article paru dans Physical Review Letters qu'ils étaient allés un cran plus loin. Ils sont en effet parvenus à reproduire le phénomène aussi bien par des calculs analytiques que par des simulations numériquessimulations numériques.

    Les spécialistes ne comprenaient pas très bien jusque-là pourquoi des structures rectangulaires se formaient d'abord avant que n'émergentémergent ensuite les fameux hexagones. Mais, en explorant mathématiquement la théorie de la mécanique de la rupture des matériaux en mode fragile, les chercheurs ont découvert que les structures rectangulaires apparaissaient parce qu'elles maximisaient l'énergie libérée par la rupture, et donc minimisaient l'énergie d'un solide au fur et à mesure que les fissures se propageaient du haut vers le bas lors du refroidissement. La transition vers des hexagones semble s'expliquer par l'entrée dans un régime de fracture collectif du solide et donc par l'arrêt de la formation individuelle des fractures.

    Ce travail intéressera certainement les volcanologues mais aussi les sédimentologistes étudiant la formation des fentes de dessiccation ainsi que les céramistes cherchant à éviter la détérioration de leurs produits lorsqu'ils se refroidissent après fabrication.