L'entrée en vigueur du protocole de Kyoto, le 16 février 2005, qui fait l'objet de discussions pour « l'après Kyoto » depuis une semaine à Montréal, s'accompagne d'un effort sans précédent sur le plan scientifique pour trouver les moyens de réduire les émissions de gaz carbonique (CO2) rejeté dans les fumées des installations industrielles et dans les gaz d'échappement des véhicules. Au coude à coude avec leurs projets respectifs HypoGen et FutureGen, Européens et Américains s'apprêtent chacun de leur côté à entrer dans la phase active de conception d'une centrale thermique à hydrogène.

au sommaire


    La réduction des émissions de CO2, défi de société majeur

    La réduction des émissions de CO2, défi de société majeur

    Principaux responsables des rejets incriminés : les énergies fossiles que sont le pétrolepétrole, le gaz naturel et le charbon, dont la combustioncombustion produit du CO2. Or, malgré les avancées en matièrematière d'énergies renouvelables, ces combustiblescombustibles devraient continuer à jouer un rôle fondamental pendant plusieurs décennies. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) prévoit en effet une progression de plus de 60 % de la consommation mondiale d'énergie entre 2000 et 2030, assurée à 90 % par les énergies fossiles.

    Parmi les solutions étudiées dans le monde, qui pourraient répondre aux défis mis en avant à Montréal, la plus ambitieuse, mais aussi la plus prometteuse à long terme consiste à isoler le CO2 produit par les combustibles fossiles avant l'étape de combustion.

    Cela permettrait de faire d'une pierre deux coups : produire de l'énergie et éliminer efficacement le CO2. Il s'agirait, à partir d'un combustible fossile, de « capturer » le CO2 avant qu'il ne soit libéré, de le stocker de façon à ce qu'il ne pollue pas l'atmosphère, puis d'exploiter l'hydrogènehydrogène en découlant pour produire de l'électricité. Cela va évidemment dans le sens d'une réduction des émissionsémissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre, mais ouvre aussi la voie à la production de nouvelles sources d'énergie « propre » (l'hydrogène).

    Deux projets géants et concurrents, sorte de « démos » en conditions réelles, ont ainsi été lancés sur la production d'hydrogène à partir de charbon (on parle alors de « charbon proprecharbon propre ») ou de gaz naturel. FutureGen a été initié en 2003 aux Etats-Unis. Et le programme européen HypoGen a été lancé en 2004, auquel l'IFP (Institut français du pétroleInstitut français du pétrole) collabore, en particulier pour étudier les technologies de capture. Les chiffres sont très ambitieux : 1 milliard de dollars d'investissements sur 10 ans pour la centrale américaine, contre 1,3 milliard d'euros sur 10 ans pour l'Europe.

    Dans les deux cas, le principe est le même : il s'agit d'isoler le CO2 dans des conditions particulières de pressionpression et de concentration, par une technique dite de capture en « pré-combustion ». La chaîne est la suivante : on transforme d'abord le combustible en un « gaz de synthèse » composé d'hydrogène et de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone ; ensuite ce dernier, dans un réacteur dit de « Shift » produit du CO2 et de l'hydrogène supplémentaire. Le CO2 est alors mis sous pression pour être stocké dans le sous-sol. L'hydrogène ainsi produit est utilisé dans une centrale thermique pour générer de l'électricité à l'aide d'une turbine ad hoc (275 MW pour FutureGen).

    Présentation du projet FutureGen

    Présentation du projet FutureGen

    "Les difficultés ne sont pas conceptuelles, mais purement techniques : elles tiennent d'une part à l'optimisation de la chaîne servant à produire l'hydrogène et à isoler le CO2, que l'on ne maîtrise pas totalement aujourd'hui, et d'autre part à la sécurité du stockage" précise à Futura-Sciences Pierre Le Thiez, chercheur à l'IFP. En effet, où et comment emmagasiner chaque année des millions de tonnes de CO2 ? Il faut trouver les bons espaces géologiques, entre 1000 et 2500 mètres de profondeur, offrant toutes les garanties de sécurité, et acheminer le gaz à une pression pouvant aller jusqu'à 100-150 barsbars !

    De nombreuses autres questions se posent. Ne remplace-t-on pas une pollution atmosphérique par celle du sous-sol ? Selon les chercheurs, l'urgence étant dans le réchauffement climatiqueréchauffement climatique, le sujet n'est pas à l'ordre du jour. Après avoir épuisé les gisementsgisements de pétrole, va-t-on tarir maintenant les réserves en charbon ? D'après les géologuesgéologues, des pays comme la Chine et l'Inde, fortement émetteurs de CO2 dans les 50 ans à venir, disposent de plusieurs siècles de réserves minières ! Enfin, comment l'opinion publique va-t-elle accepter l'idée de l'enfouissement du CO2 « sous les pieds » des contribuables ?

    Quoi qu'il en soit, les choses progressent. Les Américains, qui travaillent sur un seul combustible, le charbon, sont plus mûrs en matière de recherche de sites de stockage. Les Européens, étudiant tant le charbon que le gaz naturel, ont une longueur d'avance pour la mise en œuvre du stockage : un site norvégien, dans la Mer du NordMer du Nord, stocke déjà un million de tonnes de CO2 par an, à titre expérimental.

    Mais globalement, bien qu'ayant été lancé un an plus tard, le projet européen serait sensiblement au même stade d'avancement que FutureGen. C'est en effet dans quelques semaines que va ouvrir concrètement le programme Dynamis, visant à démarrer les études de conception, de faisabilité et de choix techniques préliminaires d'HypoGen.