Les réchauffements rapides et brefs survenus à la fin du Pléistocène au sein de longues phases glaciaires auraient considérablement affaibli les espèces de la mégafaune, dont les mammouths. C’est la thèse de chercheurs australiens qui ont pu dater, par la génétique, les périodes de déclin de ces grands animaux et les ont corrélées avec les variations du climat. Pour eux, les humains ne sont donc pas les seuls responsables de ces disparitions et un réchauffement climatique serait plus dangereux qu’un refroidissement…

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    Pourquoi de nombreux grands mammifères de la mégafaune, comme les mammouths, les paresseux géants ou les tigres à dents de sabre ont-ils disparu au cours des dernières dizaines de milliers d'années ? L'émergence de la lignée humaine, douée pour la chasse, est souvent invoquée, ainsi que les épisodes de glaciationsglaciations qui se sont succédé. Une équipe australienne, dirigée par Alan Cooper (université d'Adélaïde, en Australie), apporte de nouveaux éléments venus de la génétiquegénétique.

    Au sein de l'Acad (Australian Center for Ancient DNADNA), ces chercheurs étudient les restes d'ADNADN retrouvés sur des fossiles, jusqu'à 60.000 ans avant le présent. Ils en estiment la diversité au sein d'une même espèceespèce et en déduisent l'état des populations au fil du temps. Ces paléontologistes ont ainsi mis en évidence des fluctuations dans les populations, exodes massifs ou disparition de l'espèce. Les données venues de ce travail de longue haleine ont été rapprochées des âges de ces fossiles ainsi que des enregistrements de l'évolution du climatclimat dans les carottes de glacecarottes de glace de l'inlandsisinlandsis groenlandais et dans les sédimentssédiments marins au large du Venezuela sur les derniers 56.000 ans.

    La conclusion de ce travail, publié dans la revue Science et résumé dans un communiqué de l'université d’Adélaïde, est que les extinctions coïncident avec les périodes où le climat s'est réchauffé rapidement. À la fin du PléistocènePléistocène, dominé par un climat glaciaire, des périodes courtes de réchauffement sont en effet survenues, avec des élévations rapides, jusqu'à 16 °C, suivies d'un retour, brutal également, à des périodes froides. C'est précisément au cours de ces réchauffements rapides, particulièrement il y a 34.000, 30.000 et 28.000 ans, que les populations de grands mammifères semblent avoir été mises à mal. Les changements drastiques de l'environnement (la végétation notamment) seraient la cause première de cette déstabilisation. Les données recueillies expliqueraient bien, en particulier, la disparition du mammouthmammouth et du paresseux géant il y a 11.000 ans.

    Des paresseux géants vivaient en Amérique (du nord et du sud) au Pléistocène. Le plus grand, représenté ici, <em>Megatherium americanum</em>, pouvait atteindre 6 m de haut et peser jusqu'à 4 tonnes. Tous ont disparu il y a environ 11.000 ans. © Robert Bruce Horsfall, 1913, Wikimedia Commons, DP

    Des paresseux géants vivaient en Amérique (du nord et du sud) au Pléistocène. Le plus grand, représenté ici, Megatherium americanum, pouvait atteindre 6 m de haut et peser jusqu'à 4 tonnes. Tous ont disparu il y a environ 11.000 ans. © Robert Bruce Horsfall, 1913, Wikimedia Commons, DP

    La végétation a changé trop vite pour les grands mammifères

    Ce n'est donc pas le climat glaciaire qui posait problème à ces animaux mais la hausse des températures et ses effets sur l'environnement. Le fait n'est d'ailleurs pas surprenant pour les mammouths, dont la génétique a montré combien ils étaient efficacement adaptés au froid et à la steppe arctique. De plus, une étude publiée en 2013 avait indiqué que le mammouth laineux avait mal supporté la sortie de l'ère glaciaire du Riss il y a 120.000 ans.

    La première déduction des auteurs est de dédouaner les humains qui ne sont pas nécessairement responsables de toutes les extinctions. Selon eux, l'ours à face courte (Arctodus spp.) avait déjà disparu quand les Hommes ont investi les Amériques, tandis qu'en Europe et en Asie, bien des grands mammifères ont longtemps coexisté avec nos ancêtres. La chasse organisée a en revanche pu jouer un rôle sur ces populations déjà fragilisées.

    La seconde déduction est de rapprocher ces événements avec le réchauffement climatique en cours et avec la réduction ou la fragmentation des espaces naturels. Focalisée sur les grands mammifères, qui fournissent de beaux fossiles, l'étude mériterait cependant d'être élargie à la biodiversitébiodiversité en général (si tant est que cela soit possible) avec des informations sur les autres espèces animales et végétales, terrestres et marines.