Une phalange trouvée en Tanzanie (Afrique de l'Est), dans les mythiques gorges d'Olduvai, repousse un peu plus dans le passé l'apparition de la main moderne chez les hominines : 1,84 million d'années.

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    Le reste fossilisé trouvé en Tanzanie évoque irrésistiblement une phalange de main moderne mais il est daté d'environ 1,84 million d'années. Il pourrait avoir appartenu à un ancêtre d'Homo erectus encore inconnu. Il faudrait d'autres phalanges similaires, associées par exemple à des dents, pour identifier l'espèce. © Jason Heaton, M. Domínguez-Rodrigo

    Le reste fossilisé trouvé en Tanzanie évoque irrésistiblement une phalange de main moderne mais il est daté d'environ 1,84 million d'années. Il pourrait avoir appartenu à un ancêtre d'Homo erectus encore inconnu. Il faudrait d'autres phalanges similaires, associées par exemple à des dents, pour identifier l'espèce. © Jason Heaton, M. Domínguez-Rodrigo

    L'année 2015 est décidément faste pour les paléoanthropologues et les archéologues. En effet, les découvertes se multiplient repoussant un peu plus loin dans le passé certaines dates clés de l'histoire des hominines. On a ainsi découvert que le genre Homo était apparu au moins 400.000 ans plus tôt qu'on ne le pensait et que des hominines taillaient déjà des outils en pierre il y a 3,3 millions d'années. Tout récemment, c'est la présence d'êtres humains en France qui s'est révélée plus ancienne d'au moins 100.000 ans grâce à la découverte d'une dent dans la célèbre grotte de Tautavel.

    Un article publié dans le journal Nature fait aujourd'hui état de la découverte d'une phalangephalange d'hominine étonnamment moderne et datée d'environ 1,84 million d'années. Elle a été trouvée dans les fameuses gorges d'Olduvai, en Tanzanie (Afrique de l'Est), par une équipe de chercheurs menée par Manuel Domínguez-Rodrigo, de l'institut de l'Évolution en Afrique (Madrid), travaillant dans le cadre du Olduvai Paleonthropology and Paleoecology Project (TOPPP).

    Rappelons que les gorges d'Olduvai sont l'un des sites paléoanthropologiques les plus riches du monde. Elles entaillent le versant est de la vallée du Rift, dans la plaine du Serengeti, au nord de la Tanzanie. Des restes fossilisés devenus deux holotypes importants (c'est-à-dire des spécimens types servant de référence) y ont été trouvés -- ceux de ParanthropusParanthropus boisei (Leakey 1959) et surtout Homo habilisHomo habilis (Leakey 1960), le premier représentant du genre Homo. On a baptisé les restes de ce dernier OH 7 (OH pour Olduvai Hominin en anglais), ce qui indique qu'il est le septième reste d'hominine découvert sur ce site.


    La bande annonce d'un documentaire sur les expéditions des membres du Olduvai Paleonthropology and Paleoecology Project. © Madrid Scientific Films, YouTube

    Un ancêtre d'Homo erectus haut de 1 m 75 ?

    La phalange étudiée par les membres du TOPPP provient d'un adulte baptisé OH 86. Il était contemporain des australopithèques dont l'holotype est celui d'OH 5, alias Paranthropus boisei, aussi bien que des Homo habilis qui vivaient dans les gorges d'Oluvai. Ce qui étonne les chercheurs c'est que cette phalange semble non seulement appartenir à un individu de plus grande taille, environ 1 m 75, mais aussi qu'elle partage des caractéristiques avec des mains de l'Homme moderne. Elle est, par exemple, droite et longue de 36 millimètres, comme chez Homo sapiensHomo sapiens, alors que celles des hominines de l'époque étaient encore courbées, comme le sont celles des primates qui grimpent aux arbres. On peut donc avancer que cette phalange appartenait à un ancêtre de l'Homme moderne et qu'elle signale ainsi l'apparition la plus ancienne connue à ce jour de la main moderne.

    Si tel est le cas, il ne s'agit pas d'une mince découverte. En effet, une main complètement libérée de son utilisation pour grimper aux arbres, et donc aussi associée à une bipédie bien développée, a sans doute permis à l'Homme de se consacrer à la fabrication et l'utilisation des outils (on pense que ceux-ci ont joué une rôle fondamental dans l'explosion de l'intelligenceintelligence manifestée par le genre Homo). Certains pensent d'ailleurs que OH 86 pourrait appartenir à un ancêtre encore inconnu d'Homo erectus, un hominine plus évolué qu'Homo habilis (il est le premier à maîtriser le feufeu).

    Pour Manuel Domínguez-Rodrigo, cela fait sens. En effet, le chercheur a toujours été étonné par l'existence de grandes carcasses d'animaux fossilisés qui pouvaient peser jusqu'à 350 kgkg et qui ont visiblement été chassés. Le seul hominine connu à l'époque dans les gorges d'Olduvai, avec une industrie lithique associée et qui était en mesure de chasser ces animaux, reste Homo habilis. Or, il ne mesurait qu'environ 1 mètre de haut. Un ancêtre d'Homo erectus haut de 1 m 75, expliquerait donc bien des choses.

    Certains de ses collègues sont plus circonspects. Si la phalange semble bien moderne, il ne serait pas aussi facile d'en déduire qu'elle appartenait à une espèceespèce d'hominine de grande taille. Affaire à suivre donc.