Voilà 3,8 milliards d’années, des bactéries oxydaient le fer présent en suspension dans l’eau. Elles étaient même assez sélectives, puisqu’un isotope leur convenait mieux que d’autres. Quoi qu’il en soit, cette découverte démontrerait l’existence d’une première forme de photosynthèse. Les plus vieilles roches sédimentaires du monde viennent de parler. 

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    La photosynthèse pratiquée par les végétaux et certaines bactériesbactéries exploite la lumièrelumière solaire pour rompre des moléculesmolécules d'eau, produire de l'énergieénergie et rejeter un déchet nommé dioxygène. Le fait est avéré avec certitude, ce processus biologique serait au minimum vieux de 2,4 milliards d'années puisqu'il participa à la crise écologique de la Grande Oxydation. La photosynthèse serait cependant bien plus vieille, d'autant que sa première version ne devait pas libérer de dioxygène dans le milieu, mais oxyder des ionsions ferfer en suspension dans l'eau (Fe2+).

    Les premières traces de cette photosynthèse anoxygénique remonteraient à 3,4 milliards d'années selon une étude parue en 2011. Elle s'appuie sur la découverte de films bactériens dans la région de Barberton, en Afrique du Sud. La vie existait cependant bien avant cette période. La photosynthèse pourrait-elle être encore plus ancienne qu'on le pense, comme le croit Andrew Czaja de l'université de Cincinnati (Ohio, États-Unis) ? Pour le savoir, ce chercheur a adopté une approche radicale : étudier les plus vieilles roches sédimentaires de la planète, puisqu'elles pourraient avoir conservé de précieux indices.

    L'oxydationoxydation du fer dissous au sein des océans l'amène par la suite à précipiter puis à former des dépôts sur les fonds marins. Certains d'entre eux sont depuis remontés en surface dans la chaîne montagneuse d'Isua (au sud-ouest du Groenland), là où les roches ont environ 3,8 milliards d'années. Des résidus d'oxydes de fer de l'époque ont dès lors pu être récoltés puis analysés. Seule l'existence d'une forme de photosynthèse permettrait d'expliquer les résultats obtenus avec les analyses isotopiques !

    Vue aérienne de la chaîne d'Isua dans le sud-ouest du Groenland. Ce site fait 30 km de long et entre 1 et 4 km de largeur. © Hanika Rizo

    Vue aérienne de la chaîne d'Isua dans le sud-ouest du Groenland. Ce site fait 30 km de long et entre 1 et 4 km de largeur. © Hanika Rizo

    Des bactéries friandes de fer

    Les échantillons ont subi diverses analyses afin de livrer leur composition précise en isotopes du fer. Une première conclusion s'est imposée : l'un d'entre eux, le 56Fe, le plus fréquent, est surreprésenté. Problème : sa présence dans le dépôt ne peut pas être expliquée par une oxydation en présence de dioxygène dans le milieu océanique. Autre point important, la composition en isotopesisotopes varie subtilement au sein des échantillons. Il n'en fallait pas plus à Andrew Czaja et à ses collaborateurs. 

    Seule l'action de bactéries photosynthétiques permettrait d'obtenir ces résultats. En effet, ces organismes n'oxydaient qu'une petite fraction du Fe2+ en suspension dans l'eau. Par ailleurs, elles affichaient des préférences vis-à-vis des isotopes de fer qu'elles consommaient en fonction des conditions environnementales. Ces tendances expliquent donc pourquoi un isotope est surreprésenté dans les échantillons et, puisque les degrés d'oxydoréductionoxydoréduction des océans archéens ont varié avec le temps, les subtils changements de composition observés au sein même des prélèvements.

    Ainsi, la première apparition de la photosynthèse vient d'être repoussée de 370 millions d'années, selon l'article paru dans le journal Earth and Planetary Science Letters. Elle serait donc apparue peu de temps après la vie.