Les êtres humains sont extrêmement semblables, au moins génétiquement, en comparaison avec tous les autres primates. Les scientifiques ont montré que l’humanité avait perdu sa variabilité génétique au cours de ses migrations. C’était en quittant l’Afrique, il y a 50 à 60.000 ans. Jusqu’à récemment, les chercheurs s’étaient peu penchés sur cet événement. Ce n’est plus le cas.

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    Un crâne d'Homo sapiens. © Dr. Günter Bechly CC by-sa

    Un crâne d'Homo sapiens. © Dr. Günter Bechly CC by-sa

    Depuis les années 1990, il est établi que les populations africaines ont un pool génétiquegénétique beaucoup plus riche que celles au dehors du continent africain. Ces richesses génétiques sont un atout pour s'adapter aux changements de l'environnement : climat, maladies, régimes alimentaires... En quittant l'Afrique les populations humaines migrantes ont affronté deux goulots d'étranglementgoulots d'étranglement qui ont réduit cette variabilité génétique.

    En d'autres termes, ces populations se sont retrouvées fortement réduites pendant au moins une génération. Le faible nombre de reproducteurs restants n'a donc transmis qu'une fraction de la diversité génétique initiale aux générations ultérieures. Il en est résulté l'appauvrissement génétique des populations hors de l'Afrique.

    Malgré les nouvelles ressources génétiques issues de populations diverses dans le monde, qui permettent de retracer l'histoire des migrations humaines, aucun consensus ne s'était fait sur l'explication de cette pauvreté génétique. Deux propositions ressortaient des modèles.

    • L'une suggérait que l'humanité avait affronté deux goulots d'étranglement distincts alors que des migrations de centaines de milliers d'individus étaient rapidement décimées par les famines, les épidémiesépidémies ou les combats.
    • L'autre était basée sur l'effet fondateur : une population initiale réduite d'une centaine de milliers d'individus aurait quitté l'Afrique et fondé, peu à peu, les nouvelles populations non-africaines.
    Cliquer sur l'image pour l'agrandir. Carte des premières migrations humaines d'après l'ADN mitochondrial. En rouge, les goulots d'étranglement découverts. © Muntuwandie, domaine public

    Cliquer sur l'image pour l'agrandir. Carte des premières migrations humaines d'après l'ADN mitochondrial. En rouge, les goulots d'étranglement découverts. © Muntuwandie, domaine public

    En villégiature au Moyen-Orient et au Yakoutie…

    Grâce aux nouvelles données du Projet Human Genome Diversity, les spécialistes en génétique de l'évolution William Amos et Joe Hoffman de l'Université de Cambridge (Royaume-Uni) ont pu tester ces deux modèles. Deux populations, l'une au Moyen-Orient, l'autre en Yakoutie, près de la mer de Barents, montrent une forte variation génétique, révélatrice de phénomènes d'étranglement.

    En effet, l'analyse de 763 marqueurs microsatellites (courts fragments d'AND répétés dans le génomegénome) provenant de 53 populations différentes avec le logiciellogiciel Bottleneck (goulot) permet de distinguer si les pertes de diversité sont progressives (effet fondateur) ou soudaines (goulot d'étranglement). Le principe est de repérer des déséquilibres dans l'hétérozygotie d'allèlesallèles rares par rapport à l'hétérozygotie attendue et à l'erreur standard simulée.

    Résultat : l'humanité a subi deux goulots d'étranglement, l'un entre 50 et 60.000 ans en passant de l'Afrique au Moyen-Orient, l'autre en traversant le détroit de Béring pour coloniser l'Amérique. Quels furent les raisons de ces étranglements ? Amos pense que les obstacles naturels (montagnes, mers) ont stoppé les migrants, seule une poignée les ayant franchis. Les changements climatiqueschangements climatiques peuvent aussi avoir joué, en ouvrant et fermant des passages. « Cette étude est un délice pour les nerds [personnes solitaires passionnées de science et technologie], pour sa technologie statistique géniale » déclare, convaincu, l'anthropologiste Henry Harpending de l'Université de l'Utah (Salt Lake City).