Les caractères de la marche bipède moderne seraient bien plus anciens que prévu. Des chercheurs anglais ont analysé très précisément les fameuses empreintes de pas de Laetoli, en Tanzanie. Elles ont été laissées par un ancêtre qui se tenait bien droit et marchait un peu comme nous...

au sommaire


    La bipédie et l'apparition des caractères morphologiques modernes qui permettent un bon fonctionnement du pied lors de la marche sont souvent liés au groupe Homo. Il s'agit en particulier de la capacité à appuyer avec l'avant du pied et le gros orteilgros orteil et de la possibilité d'adopter une posture bien verticale. Nombre de publications imaginent l'émergence de ces fonctions il y a 1,9 million d'années. Jusqu'ici les paléontologuespaléontologues pensaient que le groupe australopithèque, plus ancien et encore un peu arboricole, ne présentait pas un pied fonctionnellement adapté à la marche.

    En 1976, Mary Leakey et Richard Hay ont découvert en Tanzanie des empreintes de pas datant de 3,7 millions d'années, sur le site de Laetoli. Ce sont les plus anciennes traces de pas connues laissées par des ancêtres de l'Homme. En l'occurrence le coupable serait probablement un petit groupe d'australopithèques de l'espèce Australopithecus afarensis, « frères aînés » de la fameuse Lucy. La forme de leurs pieds aurait été imprimée dans une couche de cendres volcaniques fraîches, comme les stars américaines dans le bétonbéton d'Hollywood Boulevard. Les cendres se transformant rapidement en tuf très dur, les empreintes ont été conservées des millions d'années.

    Hollywood Boulevard

    Faire parler des empreintes a toujours été sujet à caution, par la difficulté d'interprétation des indices qu'elles portent. Les informations récoltées jusqu'ici à Laetoli ont fait dire aux paléontologues que l'animal qui les a laissées n'avait pas les pieds aptes à une marche bipède moderne. Mais l'équipe du professeur Robin Crompton, de l'université de Liverpool, s'est repenchée sur la fameuse piste avec une méthode totalement nouvelle. Pour eux, les études précédentes ne s'intéressant qu'à une empreinte isolée ont été induites en erreur par des formes parasites liées à l'érosion ou à d'autres facteurs environnementaux.

    Les empreintes de pas comme ce moulage de la piste de Laetoli exposé au musée des gorges d'Olduvai (Tanzanie) restent délicates à interpréter. © Neville10, Flickr, CC by-nd 2.0

    Les empreintes de pas comme ce moulage de la piste de Laetoli exposé au musée des gorges d'Olduvai (Tanzanie) restent délicates à interpréter. © Neville10, Flickr, CC by-nd 2.0

    Ils ont donc tout d'abord mesuré précisément et en tous sens les onze empreintes en bonnes conditions du site. Et avec des techniques de reconstruction numérique et d'analyse statistique des données, ils ont élaboré un modèle 3D moyen d'empreinte s'affranchissant des déformations parasites. Ils l'ont ensuite comparé aux données d'études sur la formation d'empreintes et sur les pressionspressions exercées par le pied lors de la marche. Et pas seulement pour des êtres humains modernes : ils ont aussi accumulé les données sur d'autres grands singes comme le chimpanzé ou l'orang-outang se déplacent parfois debout eux aussi. Enfin, une simulation numériquesimulation numérique de marche intégrant tous ces paramètres leur a permis de connaître la forme de l'empreinte laissée par Australopithecus afarensis pour différentes postures et démarches. Ils ont en fait développé une nouvelle technique d'étude qui ouvre la voie à une meilleure interprétation des empreintes fossilesfossiles.

    Un pied déjà apte à la marche

    Il apparaît alors que la démarche qui laisse les empreintes les plus proches de ce qui est observé sur le terrain à Laetoli n'implique pas la position ramassée, courbée, des grands singes modernes. Ça n'est pas l'arrière du pied qui assure la locomotion. Au contraire, Australopithecus afarensis se tenait droit, et c'est l'avant du pied, en particulier le gros orteil, qui dirigeait la marche comme c'est le cas pour nous près de 4 millions d'années plus tard. 

    Un résultat qui semble confirmer les résultats d'une étude récente basée sur la découverte d’un os fossile appartenant également à un congénère de LucyLucy. Ce qui permet de dire aux chercheurs que la lignée humaine a développé très tôt un pied apte à la marche bipède, alors même que ces ancêtres avaient encore un mode de vie partiellement arboricolearboricole. Mais malgré ses pieds efficaces et sa démarche altière, les scientifiques britanniques se refusent encore à croire que l'animal ait pu marcher ou courir sur de longues distances. La faute au reste de sa morphologiemorphologie, un corps long et des jambes courtes à l'inverse d'Homo sapiensHomo sapiens, un cousin apparu bien plus tard et qui a su marcher tout autour de la planète.