Un puissant laser peut générer des pressions très élevées sur un matériau, jusqu’à permettre de simuler les conditions régnant au centre de la Terre et même de planètes rocheuses plus grosses. De quoi mieux étudier la formation de notre planète mais aussi celle des exoterres.

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    L'une des tâches de la cosmogonie est de fournir des modèles de la formation des planètes du Système solaireSystème solaire, et plus généralement maintenant, des exoplanètesexoplanètes. Il ne s'agit pas seulement de résoudre des problèmes de mécanique céleste, mais aussi de cosmochimie. On peut les aborder en étudiant la minéralogie des roches du manteau de la Terre et en la comparant à celle des météorites. Cela fait donc intervenir des expériences sur le comportement des minérauxminéraux des roches à hautes pressionspressions et hautes températures. Il y a essentiellement deux raisons à cela. La plus évidente est que plus on s'enfonce à l'intérieur de la Terre, plus la température et la pression augmentent. La seconde est que des conditions physiquesphysiques extrêmes se sont également produites lors du processus d'accrétionaccrétion de la Terre.

    En effet, au tout début de l'Hadéen, qui a commencé il y a environ 4,56 milliards d'années, notre Planète s'est formée grâce à des collisions et captures de corps célestes dont certains dépassaient la centaine de kilomètres de diamètre. Devenant de plus en plus massive, son attraction a augmenté, donnant lieu à des chocs de plus en plus violents, libérant de la chaleur capable de faire fondre les roches. On pense d'ailleurs que le bombardement a converti tellement d'énergie potentielleénergie potentielle gravitationnelle en énergie thermique, qu'un océan de magma profond de plusieurs centaines de kilomètres, et peut-être mille, a existé à la surface de la Terre. Des processus similaires ont dû survenir pour la naissance d'exoterresexoterres et même de superterressuperterres comme Corot 7b.

    Le magma basaltique naît par fusion partielle du manteau vers -100 à -60 km de profondeur. Au cours de sa remontée, ce magma peut arracher des fragments de roche mantellique et les entraîner jusqu’à la surface. Les nodules verdâtres de péridotites visibles sous forme de xénolithes dans ce basalte gris de la Roche de Sauterre, en Auvergne, constituent donc des échantillons naturels du manteau. © Laurent Sacco

    Le magma basaltique naît par fusion partielle du manteau vers -100 à -60 km de profondeur. Au cours de sa remontée, ce magma peut arracher des fragments de roche mantellique et les entraîner jusqu’à la surface. Les nodules verdâtres de péridotites visibles sous forme de xénolithes dans ce basalte gris de la Roche de Sauterre, en Auvergne, constituent donc des échantillons naturels du manteau. © Laurent Sacco

    La forstérite, un minéral ubiquiste dans le Cosmos

    Afin de comprendre le processus d'accrétion à l'origine des planètes rocheusesplanètes rocheuses et ses conséquences sur leur structuration, un groupe de chercheurs japonais des universités d'Hiroshima, Tokyo, Osaka et Ehime a essayé de reconstituer les processus physico-chimiques engendrés par les impacts des petits corps célestes. Pour cela, comme ils l'expliquent dans un article publié dans Science, les géophysiciens et les ingénieurs ont provoqué la fusionfusion et la compression d'un minéral appelé forstérite à l'aide du laserlaser Gekko XII, utilisé notamment dans des expériences de fusion contrôlée inertielle.

    Sous forme de péridot, une variété d'olivineolivine présente dans une roche appelée péridotitepéridotite, la forstérite (de formule Mg2SiO4) est un des composants majeurs des roches du manteaumanteau. On en retrouve dans les météoritesmétéorites, la poussière cométaire ramenée sur Terre par la sonde Stardust et même dans les disques protoplanétairesdisques protoplanétaires entourant de jeunes étoilesétoiles comme l'a montré Spitzer. C'est donc bien un minéral important pour comprendre la genèse des planètes.

    Un échantillon de forstérite coincé entre de l’aluminium (Al) et du quartz (Qz) a été bombardé par des impulsions lasers afin d’y générer des ondes de choc et de simuler les collisions entre la proto-Terre et des planétésimaux. Le laser Gekko XII que l’on voit sur la photo de droite a été utilisé pour cela à l’université d’Osaka. © Toshimori Sekine, Hiroshima University

    Un échantillon de forstérite coincé entre de l’aluminium (Al) et du quartz (Qz) a été bombardé par des impulsions lasers afin d’y générer des ondes de choc et de simuler les collisions entre la proto-Terre et des planétésimaux. Le laser Gekko XII que l’on voit sur la photo de droite a été utilisé pour cela à l’université d’Osaka. © Toshimori Sekine, Hiroshima University

    Les ondes de choc provoquées par l'impact d'un faisceau laser intense sur des échantillons de forstérite ont permis de leur faire subir des pressions comprises entre 250 et 970 Giga Pascals (GPa) alors que les expériences précédentes ne permettaient que d'atteindre 200 GPa (pour mémoire, la pression au centre la Terre est estimée à 360 GPa).

    L'un des résultats des expériences avec la fusion de la forstérite sous l'effet de l'impact de planétésimaux et que le liquideliquide obtenu à base d'oxyde de magnésiummagnésium a pu s'enfoncer jusqu'au noyau où le magnésium aurait fini par s'incorporer à l'alliagealliage de ferfer et de nickelnickel. Un noyau contenant environ un pour cent de magnésium et se refroidissant aurait provoqué la précipitation de roches contenant du magnésium à l'interface avec le manteau. Certains chercheurs ont avancé que c'est ce processus qui aurait libéré suffisamment de chaleur pour entretenir la géodynamo et le champ magnétiquechamp magnétique de la Terre avant que le relai ne soit pris par la solidificationsolidification de la graine.