Comment expliquer la dérive vers l’ouest du champ magnétique terrestre et la rotation vers l’est de la « graine » de notre planète ? Selon un nouveau modèle, les efforts de rotation électromagnétiques indirectement générés par les mouvements du noyau externe expliqueraient tout, puisque leur direction varie en fonction de la profondeur à laquelle ils s’appliquent. Par la même occasion, l’hypothèse du mouvement oscillatoire du noyau interne vient d’être renforcée.

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    Une coupe de l'intérieur de la Terre montrant le mouvement de précession (modification de la direction de l'axe de rotation d'un corps) de sa graine. Ces oscillations font migrer les pôles magnétiques sur la surface terrestre. © Nasa

    Une coupe de l'intérieur de la Terre montrant le mouvement de précession (modification de la direction de l'axe de rotation d'un corps) de sa graine. Ces oscillations font migrer les pôles magnétiques sur la surface terrestre. © Nasa

    Notre planète abrite en son centre, à plus de 2.885 km de profondeur, un noyau riche en fer qui se divise en deux régions distinctes. Sa partie externe se démarque par sa nature liquideliquide. En effet, elle se compose de matièrematière en fusionfusion dont les mouvementsmouvements entretiennent le champ magnétique terrestre par effet dynamoeffet dynamo. Cette structure repose sur un noyau interne, également appelé « graine », car il est solidesolide. Dernièrement, nous avons appris qu'il était un peu moins chaud que ce que prétendent d'anciennes théories, puisque sa température serait comprise entre 3.800 °C et 5.500 °C.

    Par le passé, des mesures indépendantes ont démontré l'existence de plusieurs phénomènes de grande ampleur en lien avec ces deux couches internes de notre planète. En 1692, Edmund Halley a mis en évidence un mouvement de dérive vers l'ouest du champ magnétique terrestre. Plus récemment, des études sismiques sont parvenues à montrer que le noyau interne réalise des mouvements de rotation vers l'est, à une vitessevitesse supérieure à celle du manteau terrestre (de quelques degrés par an).

    Ces phénomènes pourraient être liés mais, jusqu'à maintenant, cette affirmation avait été difficile à démontrer. Principale raison : la nature et l'importance du couplage unissant les mouvements de la graine à ceux de la matière à la surface du noyau externe sont méconnues. Grâce à un nouveau modèle tridimensionnel du noyau terrestre, Philip Livermore (université de Leeds ; Royaume-Uni) et ses collaborateurs viennent en partie de résoudre cette difficulté, et de montrer que le champ géomagnétique constitue le facteur commun aux deux problématiques. Ils s'expliquent dans la revue Pnas.

    La simulation numérique de la dynamo terrestre (proposée par Glatzmaier et Roberts en 2008) engendrée par les mouvements turbulents complexes survenant dans la partie fluide du noyau. © <em>American Physical Society</em>

    La simulation numérique de la dynamo terrestre (proposée par Glatzmaier et Roberts en 2008) engendrée par les mouvements turbulents complexes survenant dans la partie fluide du noyau. © American Physical Society

    Le noyau interne de la Terre oscillerait

    Le modèle serait 100 fois plus précis que ceux développés dans le même contexte par le passé. Pour le faire tourner, les scientifiques ont exploité la puissance du supercalculateur Monte Rosa, du Swiss National Supercomputing Centre à Lugano. Il possède 14.762 processeurs Opteron d'AMD, pour une puissance de crête de calcul de 141 téraflopstéraflops.

    Concrètement, l'effort de rotation électromagnétique associé au champ géomagnétique terrestre, également appelé couple en mécanique, agirait selon deux directions différentes sur les principales structures étudiées. Le champ magnétique ferait ainsi tourner le noyau interne en direction de l'est plus rapidement que le manteaumanteau, et donc que le reste de la planète. En revanche, il pousserait la partie la plus superficielle du noyau externe liquide en direction de l'ouest, dans le sens opposé, de quoi expliquer la dérive observée voilà plus de 300 ans par Halley.

    Durant ces 3.000 dernières années, cette dérive, observable à l'échelle des décennies, a plusieurs fois changé de direction, partant donc vers l'est avant de se rediriger vers l'ouest. Selon les résultats du modèle, ces inversions seraient liées à des fluctuations du champ magnétique terrestre, qui ont impacté l'importance des efforts de rotation appliqués aux noyaux interne et externe. Le changement de direction de la dérive s'expliquerait alors par une inversion du sens de la rotation du noyau interne. Ce résultat conforte l'hypothèse selon laquelle le mouvement de la graine serait en réalité une oscillation. Il n'y aurait donc pas de déplacement moyen réalisé à long terme.