L’annonce peut laisser perplexe juste au moment où sort sur les écrans le film Jurassic World mais nous ne sommes pas un premier avril… Une équipe de chercheurs britanniques pense ainsi avoir découvert dans des restes fossilisés de dinosaures des traces de globules rouges et de fibres de collagène. De quoi ouvrir de larges perspectives et mieux comprendre la physiologie et l’arbre généalogique de ces animaux mythiques.

au sommaire


     Un Tyrannosaurus rex peint par John Gurche. Du haut de cette reconstitution, des décennies de recherches paléontologiques nous contemplent... © The Field Museum

    Un Tyrannosaurus rex peint par John Gurche. Du haut de cette reconstitution, des décennies de recherches paléontologiques nous contemplent... © The Field Museum

    Jusqu'à présent, l'espoir de trouver de l'ADN fossile appartenant à un dinosaure restait du domaine de la science-fiction, notamment avec le film Jurassic Park. Toutefois, en 2005, la paléontologuepaléontologue Mary Schweitzer et ses collègues ont affirmé avoir retrouvé des restes fossilisés de tissus mous dans un os vieux de près de 68 millions d'années.

    En 2007, John Asara et Mary Schweitzer ont enfoncé un peu plus le clou en affirmant cette fois qu'ils étaient parvenus à isoler des traces de collagène dans un fémurfémur de Tyrannosaurus rex. Ils auraient même réussi à séquencer les fragments de cette protéineprotéine. Or, celle-ci peut jouer le rôle d'un traceur phylogénétiquephylogénétique et donc permettre de trouver des liens de parentés entre les dinosaures et même avec les oiseaux.

    La découverte de collagènecollagène était une surprise pour les chercheurs car on pensait jusque-là que toute trace de moléculesmolécules complexes de ce genre disparaissait obligatoirement après 1 million d'années environ tout au plus dans un fossile. Malheureusement, les autres équipes ne sont pas parvenues à répliquer des résultats similaires et le doute persiste. Il pouvait en effet s'agir d'une contaminationcontamination récente.


    Le film Jurassic World est sur nos écrans depuis mercredi 10 juin. S'agit-il uniquement, comme les paléontologues le pensent encore, de pure science-fiction prenant, en plus, des libertés avec les connaissances acquises sur les dinosaures ? © Universal Pictures France, YouTube

    Mais voila qu'une équipe de chercheurs de l'Imperial College London menée par la paléontologue Susannah Maidment et le physicienphysicien du solidesolide Sergio Bertazzo vient d'apporter de l'eau aux affirmations des équipes jadis menées par Mary Schweitzer, comme on peut le constater dans un article de Nature Communications, disponible en libre accès.

    Sergio Bertazzo est un spécialiste de la biominéralisation et un expert dans l'usage du microscope électroniquemicroscope électronique pour l'étude des tissus vivants calcifiés. Lui et ses collègues ont utilisé une Sonde ionique focalisée, plus connue sous le nom du sigle anglais FIB (Focused ionion beam), pour découper des échantillons d'os de dinosaures vivant il y a 75 millions d'années. La qualité des surfaces obtenues permettait de réaliser des observations de très bonne qualité avec un microscope électronique.

    Les chercheurs n'en ont alors pas cru leurs yeuxyeux : les images fournies par l'instrument rappelaient fortement la forme de globules rougesglobules rouges mais aussi celle de fibres de collagène. « C'était complètement inattendu. Ma première réaction a été de dire que ces résultats n'étaient pas réels », se souvient Susannah Maidment. Pourtant, après avoir analysé les échantillons à l'aide d'un spectromètrespectromètre de massemasse, ce qui semblait être des fibres de collagène contenait bel et bien des molécules constitutives du collagène. Là encore, comme l'a fait remarquer Mary Schweitzer elle-même, on ne peut pas encore exclure la possibilité d'une contamination.

    Le musée d’histoire naturelle de Londres est l'un des trois grands musées installés le long d'<em>Exhibition Road</em>, dans le quartier de Kensington, à Londres. Ses collections contenaient des fragments d'os de dinosaures âgés de 75 millions d'années. Certains ont été examinés selon une méthode nouvelle, à l'aide d'un microscope électronique. L'une des images obtenues que l'on voit ici fait apparaître d'étranges structures faisant penser à des globules rouges. D'autres structures font quant à elles penser à des fibres de collagène. Cette interprétation est d'autant plus tentante que des comparaisons avec les cellules sanguines et les fibres de collagène d'émeus, des oiseaux modernes et donc cousins des dinosaures, sont étonnantes. © <em>Imperial College London </em>

    Le musée d’histoire naturelle de Londres est l'un des trois grands musées installés le long d'Exhibition Road, dans le quartier de Kensington, à Londres. Ses collections contenaient des fragments d'os de dinosaures âgés de 75 millions d'années. Certains ont été examinés selon une méthode nouvelle, à l'aide d'un microscope électronique. L'une des images obtenues que l'on voit ici fait apparaître d'étranges structures faisant penser à des globules rouges. D'autres structures font quant à elles penser à des fibres de collagène. Cette interprétation est d'autant plus tentante que des comparaisons avec les cellules sanguines et les fibres de collagène d'émeus, des oiseaux modernes et donc cousins des dinosaures, sont étonnantes. © Imperial College London

    Un outil pour dresser l'arbre phylogénétique des dinosaures ?

    « Nous avons encore besoin d'effectuer des recherches supplémentaires pour confirmer la nature de ce que nous observons dans ces fragments d'os de dinosaures, estime Sergio Bertazzo. Mais ces structures anciennes en forme de tissus que nous avons analysées ont des similitudes avec les globules rouges et les fibres de collagène. Si nous pouvons confirmer nos observations, alors cela pourrait fournir des renseignements inédits sur la façon dont ces créatures ont vécu et ont évolué ».

    Susannah Maidment va quant à elle un cran plus loin lorsqu'elle affirme : « Notre étude nous aide à nous convaincre que la préservation de fossiles de tissus mous pourrait être bien plus répandue chez les dinosaures que ce nous pensions. Des restes fossilisés de tissus mous avaient été trouvés précédemment dans de rares fossiles excellemment conservés. Cependant, ce qui est particulièrement passionnant dans notre travail, c'est que nous avons découvert des structures similaires à celles de globules rouges et de fibres de collagène dans des fossiles dont la qualité de conservation est mauvaise. Cela laisse penser que cette conservation de traces de tissus mous pourrait être très répandue dans ces fossiles. Les résultats préliminaires obtenus suggèrent qu'ils pourraient être utiles pour comprendre comment les dinosaures ont évolué pour devenir des créatures à sang chaud NDLRNDLR comme les oiseaux] et comment sont reliées les différentes espèces de dinosaures ».