Certains dinosaures maintenaient leurs corps à une température plus élevée que l'air ambiant, sans être pourtant de vrais homéothermes comme les oiseaux et les mammifères. C'est la conclusion de chercheurs qui ont, pour la première fois, mesuré la température de sauropodes et de théropodes de manière presque directe, en analysant les coquilles d’œufs…

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    Comment prendre la température d'un dinosaure ? Beaucoup s'y essaient depuis plus d'un siècle pour répondre à cette question : avaient-ils oui ou non le sang chaud ? Étaient-ils ectothermes comme les reptiles actuels ? Dans ce cas, leur corps devait tirer profit de la chaleurchaleur de l'environnement, l'airair ambiant ou les rayons du soleilsoleil. N'étaient-ils pas plutôt endothermes, comme les mammifères actuels et surtout comme les oiseaux, ces cousins des dinosaures théropodes, un groupe auquel appartenait le célébrissime Tyrannosaurus rex ? En exploitant leur chaleur interne, les endothermes peuvent pousser leur métabolismemétabolisme plus loin et donc résister au froid, courir vite ou voler.

    L'étude de la croissance osseuse, l'évaluation des dépenses énergétiques, l'analyse de leur mode de vie ou la reconstitution des climatsclimats où ils vivaient n'ont pas permis de trancher nettement. Et puis il y a dinosaure et dinosaure. Cette grande famille comprenait des animaux très différents et de tailles très variables.

    Une oviraptoridé femelle protège sa progéniture de « voleurs d'œufs », l'expression à l'origine de la famille des oviraptors. © Doyle Trankina et Gerald Grellet-Tinner

    Une oviraptoridé femelle protège sa progéniture de « voleurs d'œufs », l'expression à l'origine de la famille des oviraptors. © Doyle Trankina et Gerald Grellet-Tinner

    Des coquilles d'œufs de titanosaures et d'ovoraptoridés bien conservées

    Une équipe de l'UCLA (université de Californie à Los Angeles), menée par Robert Eagle, a utilisé une méthode originale : la mesure des isotopes de l'oxygène et du carbonecarbone dans la coquillecoquille des œufs et l'analyse de la façon dont le 18O et le 13C sont chimiquement liés. Ce paramètre, expliquent les chercheurs, dépend de la température à laquelle la coquille s'est formée, c'est-à-dire celle de la femelle. La méthode a été testée auparavant sur plusieurs espèces de reptiles et d'oiseaux actuels et avait déjà été utilisée en 2011 sur des dents de dinosaure.

    L'équipe a travaillé sur deux espècesespèces très différentes : un titanosaure trouvé en Argentine et un ovoraptoridé venu de Mongolie. Le premier est un géant, un sauropode de plusieurs dizaines de mètres de long, marchant sur quatre pattes. Les œufs sur lesquels ils ont travaillé datent d'environ 80 millions d'années. Le second est un théropode, un groupe cousin des oiseaux actuels, et qui leur ressemblait déjà. La datation indique un âge de 71 à 75 millions d'années.

    La méthode, délicate, exige des coquilles bien conservées au niveau chimique. Les chercheurs n'ont retenu que trois œufs sur les six de titanosaures, trois sur les 13 de théropodes et zéro sur des fossilesfossiles trouvés en France.

    Un œuf de titanosaure fossilisé en bon état. Une subtilité isotopique dans sa composition permet de déterminer la température du corps de la femelle qui l'a pondu. © Gerald Grellet-Tinner

    Un œuf de titanosaure fossilisé en bon état. Une subtilité isotopique dans sa composition permet de déterminer la température du corps de la femelle qui l'a pondu. © Gerald Grellet-Tinner

    Le corps des dinos était 6 °C plus chaud que l'air ambiant

    Selon les auteurs, qui publient leurs résultats dans la revue Nature Communications, la température du titanosaure argentin était de 38 °C, valeur identique à celle de l'étude de 2011 portant sur des dents d'un animal du même groupe, et celle de l'oviraptor mongol de 32 °C. Mais il faisait chaud à cette époque sur TerreTerre et cette température n'était-elle pas simplement celle de l'air ambiant ? Pour l'estimer, les chercheurs ont effectué les mêmes mesures sur des carbonates de calciumcarbonates de calcium tirés des couches géologiques des mêmes régions et datant des mêmes époques.

    Verdict : 6 °C de plus à l'intérieur de chacun de ces animaux par rapport à l'air ambiant. Le titanosaure vivait dans un milieu où la température atteignait environ 32 °C et il faisait plutôt 26 °C dans ce qui est aujourd'hui la Mongolie.

    La conclusion des auteurs est que ces dinosaures n'étaient sans doute pas des homéothermeshoméothermes mais qu'ils étaient capables de maintenir dans leur corps une température supérieure à celle de l'air ambiant. Sans atteindre celle des oiseaux actuels (souvent 40 °C), elle devait, expliquent-ils, leur permettre d'être plus actifs que nos actuels crocodilescrocodiles et alligatorsalligators, pas si éloignés des oiseaux mais qui ne peuvent fournir que des efforts brefs. Le vieux débat sang chaud-sang froid serait-il clos ?