Les dinosaures semblent avoir eu une aptitude à se diversifier plus importante que les mammifères. On soupçonne d’ailleurs que l’immense majorité des espèces de ces animaux fascinants qui vivaient pendant le Jurassique et le Crétacé restent encore à découvrir. C’est ce qu’illustrent les nouvelles analyses de restes de cératopsidés qui dormaient depuis 75 ans dans un musée canadien. Ils appartiendraient en fait à des espèces inconnues jusqu’ici.

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    Une reconstitution d'artiste d'Aquilonius pentaceratops. Ce cératopsidé vivait il y a environ 75 millions d'années dans une région occupée aujourd'hui par les badlands de l'Alberta au Canada. © University of Bath

    Une reconstitution d'artiste d'Aquilonius pentaceratops. Ce cératopsidé vivait il y a environ 75 millions d'années dans une région occupée aujourd'hui par les badlands de l'Alberta au Canada. © University of Bath 

    L'Amérique du Nord est l'un des rares paradis pour paléontologuespaléontologues férus de dinosaures. Pour s'en convaincre, il suffit de citer le cas du parc provincial Dinosaure situé dans les fameuses badlands de l'Alberta au Canada. Le sol de ce parc renferme de nombreux restes fossiles d'animaux qui vivaient il y a entre 75 et 77 millions d'années, notamment plus de 60 espèces de dinosaures réparties en 45 genres et 14 familles.

    Le paléontologue britannique Nick Longrich s'est d'ailleurs récemment intéressé à des restes fossilisés de dinosaures apparentés aux fameux Tricératops et qui ont été découverts il y a plus de 75 ans dans l'Alberta. Ses collègues de l'époque n'y avaient vu que des fragments de squelettes provenant d'espèces appartenant à la famille des cératopsidés déjà connues et décrites. Mais, comme il l'explique dans un article publié dans Cretaceous Research, il n'en était rien.


    Jurassic World, la suite des célèbres Jurassic Park sera bientôt sur nos écrans. De quoi plonger dans le monde perdu des dinosaures et des reptiles marins géants qui vivaient pendant le Jurassique et le Crétacé. © Universal Pictures, YouTube

    Des cératopsidés de la voie maritime du Crétacé

    Selon le chercheur, les os fossilisés qu'il a réexaminés appartenaient à deux nouvelles espèces. Ces nouveaux cératopsidés qui vivaient pendant le Campanien sont un étage stratigraphique du Crétacé supérieur dont les âges sont compris entre 83 et 70 millions d'années. C'est à un chercheur français que l'on doit son stratotype qui se trouve dans la Champagne charentaise.

    Longrich décrit ainsi une nouvelle espèce de Pentaceratops, nommé Pentaceratops aquilonius, un cousin plus petit de Triceratops, et qui appartient aux chasmosauridés, un groupe de grands dinosaures à cornes. L'autre espèce présentée par le paléontologue de l'université de Bath semble apparentée aux Kosmoceratops, bien que des études ultérieures soient nécessaires pour aboutir à une conclusion plus ferme. Avant lui, ces fossiles étaient attribués aux genres Anchiceratops et Chasmosaurus.

    Il y a environ 90 millions d’années, ce qui allait devenir l’Amérique du Nord était constitué de deux îles-continents, Appalachia à l'est et Laramidia à l'ouest. Entre les deux, de l’océan Arctique au golfe du Mexique, s'étendait la Voie maritime intérieure de l’ouest (<em>Western Interior Seaway</em>), également nommée Voie maritime du Crétacé, mer de Niobraran ou mer intérieure nord-américaine. Ces terres étaient richement peuplées par les dinosaures, notamment les grands herbivores de la famille des cératopsidés, à laquelle appartient le Tricératops. © University of Bath

    Il y a environ 90 millions d’années, ce qui allait devenir l’Amérique du Nord était constitué de deux îles-continents, Appalachia à l'est et Laramidia à l'ouest. Entre les deux, de l’océan Arctique au golfe du Mexique, s'étendait la Voie maritime intérieure de l’ouest (Western Interior Seaway), également nommée Voie maritime du Crétacé, mer de Niobraran ou mer intérieure nord-américaine. Ces terres étaient richement peuplées par les dinosaures, notamment les grands herbivores de la famille des cératopsidés, à laquelle appartient le Tricératops. © University of Bath

    La diversification, clé du succès des dinosaures au Crétacé

    Pour Nick Longrich, ces découvertes ont plusieurs implications. Elles accréditent un peu plus l'image d'une population de dinosaures très diversifiée au CrétacéCrétacé, mais aussi l'idée que les paléontologues ont encore de beaux jours devant eux, car un nombre considérable d'espèces de dinosaures, l'immense majorité même, resterait à découvrir. Surtout, cette diversité rencontrée dans des régions bien localisées laisse penser que les dinosaures avaient une stratégie adaptative bien à eux, différente de celle des mammifèresmammifères. Par comparaison, les mammifères sont peu nombreux à prendre des formes de grandes tailles et une même espèce pouvait habiter une vaste région. Pour les dinosaures, il semble à l'inverse exister de nombreuses espèces de grandes tailles confinées à de petits espaces géographiques.

    Le chercheur avance l'hypothèse suivante pour expliquer cette différence de stratégie évolutive. Plus intelligents, les mammifères adopteraient un nombre varié de comportements pour s'adapter à leurs environnements. Les dinosaures, eux, auraient misé sur la diversification pour parvenir au succès que l'on connaît pendant le Jurassique et le Crétacé. Plus que chez les mammifères qui auraient, en quelque sorte, choisi d'explorer la voie de la croissance du système nerveux centralsystème nerveux central, la capacité à produire de nouvelles espèces aurait été la réponse choisie par les dinosaures pour répondre aux défis d'environnements divers et changeants.