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    La sépulturesépulture sous tumulus est le rite funéraire le plus répandu chez les Celtes au cours de la période qui s'étend entre le VIIIe et le Ve siècle av. J.-C. En Alsace, les plus courants mesurent de 20 à 30 m de diamètre et 1 à 2 m de hauteur. Les fouilles de sépultures sont précieuses pour l'archéologie.

     

    Tumulus entre Hatten et Seltz. © Bernard Normand - Tous droits réservés, reproduction interdite
    Tumulus entre Hatten et Seltz. © Bernard Normand - Tous droits réservés, reproduction interdite

    Celui qui est ici représenté mesure plus du double. Il est situé entre Hatten et Seltz et appartient à un groupe de près de 300 tertres. Mais d'autres groupes aussi importants sont encore visibles dans la forêt de Haguenau, dans celle de Brumath, dans les rieds bordant le Rhin depuis le sud de Strasbourg jusqu'à Bêle.

    La période : Hallstatt ancien (750-650 av. J.-C.)

    La fouille d'une sépulture est extrêmement précieuse pour l'archéologue car, outre les renseignements qu'elle apporte dans le domaine des croyances et des influences culturelles ou économiques, le regroupement à un moment déterminé d'une série d'objets en un même lieu permet, par recoupements ou observations statistiques, d'obtenir des fourchettes de datation très précieuses.

    Les « chevaliers » : ce sont les tombes de « chefs » à grande épée de fer et harnachements de chevaux qui caractérisent cette période, de la Hongrie au midi de la France.

    La carte de répartition de ces sépultures montre deux tracés d'est en ouest, l'un passant par le plateau suisse, le Jura, la vallée du Rhône et le Massif Central, l'autre par la Lorraine et la Bourgogne. Rien ne permet, contrairement à ce qui a été parfois avancé par les auteurs anciens, que ces « chefs » aient appartenu à une ethnie nouvelle, à l'ouest de la Hongrie du moins.

    Épée de bronze et bouterolle (Sundhoffen, début VIIe s. av. JC). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite
    Épée de bronze et bouterolle (Sundhoffen, début VIIe s. av. JC). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite
    • Épée de bronze et bouterolle de Sundhoffen. Début VIIe siècle av. J.-C.
    • Longueur de l'épée : 0,65 m
    • Manche de poignard en fer de Haguenau-Walck. Milieu VIe s. av. J.-C. Longueur du manche de poignard : 10,5 cm
    • Pointes de flèches en fer de Mussig. Deuxième moitié du VIe s. av. J.-C. Longueur des pointes de flèches : 6,2 cm

    L'épée de Sundhoffen atteste la présence en Alsace de ces cavaliers qui caractérisent l'apparition de la civilisation celtique en Europe occidentale. Ils constituent une aristocratie, présente dans notre région à la hauteur de Colmar. La bouterolle, fixée à l'extrémité du fourreau, le consolide. Ses ailes permettent, lorsqu'elles sont maintenues du pied par le cavalier, de dégainer facilement l'arme. Le poignard en fer, plus récent, présente un décor dit « à antennes » à la partie supérieure du manche : c'est le dernier avataravatar d'une mode qui est originaire d'Espagne et qui s'est propagée ensuite jusqu'en Europe de l'Est. Les pointes de flèches avaient été groupées dans un carquois de cuir placé entre les jambes du défunt. Des traces d'une hampe en boisbois sont visibles sur les deux faces. Elles étaient vraisemblablement des armes de chasse.

    À propos d'armes, soulignons ici que le casque est très rare, du moins en Europe occidentale. Les quelques modèles mis au jour étaient parfois en or : c'était des pièces de parade. Les reconstitutions présentées dans les livres d'Histoire et sur les paquetspaquets de cigarettes relèvent de la période franque.

    L'archéologue remarque leur présence à l'apparition de résidences fortifiées et aux sépultures qui y correspondent dont le rite est spectaculaire : le « prince » se fait inhumer - et non plus incinérer - dans de grand tumulus avec des armes, des bijoux, des objets d'importation (services à boire notamment), un char et tout ce qui est nécessaire à la monte du cheval.

    Céramique funéraire (Kesseldorf, v. 700 av. J.-C). Hauteur de l'urne : 18 cm. © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite
    Céramique funéraire (Kesseldorf, v. 700 av. J.-C). Hauteur de l'urne : 18 cm. © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite

    Origine Kesseldorf : 700 env. av. J.-C.

    Les tombes les plus modestes renferment le service en céramiquecéramique caractéristique du début de la civilisation celtique. Il est composé traditionnellement de l'urne, de la jatte et de la coupe. La forme de l'urne, ornée ici de motifs géométriques peints, rappelle celle d'un bulbe d'oignonoignon. On remarque, à côté, les vestiges d'un foyer. C'est un rite quasi-général qu'on peut vraisemblablement attribuer à un désir de purifier l'endroit où sera déposé le défunt.

    D'autres tombes de guerriers, plus modestes, mais attestant un certain niveau social, se distinguent des sépultures ordinaires. La contemporanéité de ces différentes sépultures, dans une période déterminée, montre bien qu'à la société égalitaire de la fin de l'âge du bronze succède une société où prévaut une classe privilégiée, composée de « princes » et de « vassaux ».

    L'Alsace est dans un relatif isolement, puisqu'on n'y compte aucune sépulture princière de cette époque.

    On peut en donner deux raisons : le pays est à l'écart des deux voies de pénétration de la nouvelle civilisation, et elle reste fidèle à la tradition ancienne. Cette dernière raison découle vraisemblablement de la première. Néanmoins, on notera les tombes à épée de la région de Colmar et la sépulture à char d'Ohnenheim, dont un fragment de fer attribué jusqu'ici à une pièce de char pourrait être un reste de lame.

    Char funéraire, reconstitution (Ohnenheim, milieu VII<sup>e</sup> siècle av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite
    Char funéraire, reconstitution (Ohnenheim, milieu VIIe siècle av. J.-C.). © André Beauquel - Tous droits réservés, reproduction interdite

    Origine Ohnenheim : milieu VIIe siècle av. J.-C.

    À côté des sépultures modestes, on en remarque de beaucoup plus riches, qui étaient celles de chefs ou de princes. Le personnage, outre un riche mobilier en partie constitué d'objets d'importation, conservait son char dans sa tombe. Ce véhicule d'Ohnenheim n'a pas servi de moyen de transport courant. Comme son train avant n'est pas tournant, il était nécessaire, afin de prendre les virages, que deux hommes au moins, placés à l'arrière, le soulèvent avec l'aide probable des revêtements à éperons placés sur l'essieu arrière. Des anneaux, accrochés aux deux côtés longitudinaux de la caisse, cliquètent et annoncent l'arrivée du personnage, lui-même trônant sur un siège de bois garni de cuir et placé sur le char.

    On connaît une grande quantité de ces chars, ainsi que des représentations figurées sur des vases, aussi bien originaires de Grèce que de Hongrie. Ces représentations montrent des cortèges funéraires où le défunt était ainsi conduit à sa sépulture en grande pompe.

    À la même hauteur, sur la rive droite du Rhin, les harnachements de chevaux et les armes sont présents dans la région de Vieux-Brisach, où s'élevait une résidence fortifiée (n'oublions pas que ce site bordait à l'époque la rive gauche du Rhin). Un musée très riche et très bien aménagé y a été installé.