Voilà plus de 500 ans, trois enfants ont été sacrifiés près du sommet du volcan andin Llullaillaco, à plus de 6.000 m d’altitude. De nouvelles analyses menées sur les cheveux de la « demoiselle de Llullaillaco » ont livré une information importante : au moment de sa mort, cela faisait plus d’un an que la jeune Inca était régulièrement droguée à la coca et à l’alcool.

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    Le 26 février 1999, le deuxième plus haut volcanvolcan actif de la planète, le Llullaillaco, a livré un secret dissimulé sur son flanc depuis plus de cinq siècles. Une équipe de 14 chercheurs a exhumé trois corps d'enfants parfaitement conservés par le froid et la faible humidité qui règnent à plus de 6.000 m d'altitude. Le garçon et la fille âgés de 4 à 5 ans ont probablement été sacrifiés, comme la « demoiselle de Llullaillaco » de 13 ans, dans le cadre du rituel inca de la capacocha. Il s'agissait d'une cérémonie religieuse et politique complexe, dont certains experts estiment qu'elle servait notamment à instiller la peur au sein des communautés conquises par l'Empire inca

    Depuis maintenant 14 ans, les scientifiques essaient de comprendre ce qui s'est passé au sommet du volcan, mais aussi durant les mois qui ont précédé la mort des enfants. Cependant, ils doivent faire face à une difficulté majeure, car les autorités exigent le maintien de l'intégrité des dépouilles. Dans ce contexte, les principales attentions se sont portées sur les tresses de la demoiselle du Llullaillaco, d'autant que ses cheveux ont mis plus de deux ans pour atteindre leur longueur. L'analyse chimique des cheveux peut en dire long sur les habitudes alimentaires d'une personne, ou sur sa consommation de diverses substances, notamment des droguesdrogues.

    Sa chevelure à commencé à livrer ses informations dès 2007, grâce à des analyses isotopiques. Nous avons alors appris que le régime alimentaire de la jeune fille avait changé environ un an avant sa mort. C'est probablement à ce moment qu'elle a été choisie pour être sacrifiée, et donc séparée de sa famille en vue d'être conditionnée par des prêtresses et de produire de la chicha (de l'alcool de maïsmaïs fermenté). Plusieurs sources rapportent que les enfants choisis étaient « beaux » et issus d'un rang social élevé. Grâce à une nouvelle découverte, il apparaît également qu'ils ont été progressivement drogués avec de la coca et de l'alcool, sûrement de la chicha.

    Le Llullaillaco est un volcan qui culmine à 6.739 m d'altitude, ce qui fait de lui le sixième plus haut sommet de l'Amérique du Sud. Il abrite le site archéologique le plus élevé de la planète. © Lion Hirth, Wikimedia Commons, DP

    Le Llullaillaco est un volcan qui culmine à 6.739 m d'altitude, ce qui fait de lui le sixième plus haut sommet de l'Amérique du Sud. Il abrite le site archéologique le plus élevé de la planète. © Lion Hirth, Wikimedia Commons, DP

    L’usage de la coca et de l’alcool enfin confirmé

    Les traces de drogues ont été décelées à partir du moment où le régime alimentaire a changé. La consommation des feuilles de coca a atteint son apogée environ six mois avant la mort de la demoiselle du Llullaillaco. Elle n'a pas arrêté d'en consommer par la suite. Pour preuve, des radiographies ont révélé la présence de feuilles dans la bouche de la « momie ». Il est à noter que certains experts n'apprécient pas ce terme, car le corps est hydraté à 70 %. Concernant l'alcool, son ingestioningestion n'a fait que croître jusqu'au décès de la jeune fille. Les deux drogues ont également été trouvées chez les plus jeunes enfants, mais en moins grandes quantités.

    Cette étude publiée dans la revue Pnas a été dirigée par Andrew Wilson, de l'université de Bradford (Royaume-Uni). Selon lui, l'usage de ces deux substances au cours de la capacocha a longtemps été supposé, il est maintenant prouvé. En revanche, son rôle reste à préciser, car les drogues pourraient avant cela avoir été utilisées en dehors d'un contexte religieux. Nous ne savons pas non plus comment leur combinaison a pu affecter le corps et l'esprit des enfants au sommet du volcan.

    L'anthropologue a cependant émis une hypothèse. Les drogues pourraient avoir été utilisées comme sédatifs pour endormir les enfants, avant qu'ils soient placés dans leurs sanctuaires respectifs et qu'ils meurent d'hypothermie. En effet, la présence d'offrandes intactes autour d'eux (ils étaient assis avec les jambes croisées) et l'absence de signe révélateur de la peur (vomissures ou déjections) montreraient qu'ils ne se sont pas débattus, donc qu'ils n'ont pas été placés de force dans les alcôves. Cependant, les enfants du Llullaillaco pourraient très bien avoir été tués par étranglement ou empoisonnement avant d'être posés dans les cavités. De prochaines analyses nous éclaireront peut-être un peu plus sur le triste sort dont ils ont été victimes.