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    La liste de compléments alimentaires aux effets bénéfiques est courte et pour cause : les résultats scientifiques des études menées à propos de ces produits sont flous, comme c'est le cas pour le magnésium et les oméga-3oméga-3.

    « Il règne un grand flou sur les résultats scientifiques obtenus jusque-là et ceci pour la majorité des produits vendus à l'heure actuelle », souligne Mathilde Touvier, de l'équipe de coordination de l'étude NutriNet-Santé.

    Les compléments alimentaires à base de magnésium

    Par exemple, le magnésium, qui participe à plus de 300 réactions métaboliques de l'organisme, est paré de nombreuses vertus : préventionprévention de maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires, du diabètediabète, de l'ostéoporoseostéoporose, des douleursdouleurs musculaires, augmentation des taux de lipoprotéineslipoprotéines de haute densité dites « bon cholestérol », etc.

    Or, malgré près de 900 publications scientifiques recensées à ce jour, il est impossible de trancher quant aux effets bénéfiques ou pas des compléments alimentaires à base de magnésium. Illustration :

    • Cinq études montrent qu'il améliore les performances sportives, tandis que cinq autres ne notent aucun bénéfice.
    • Il en est de même pour les crampes dans les jambes, pour lesquelles les résultats vont de bénéfices très modestes à aucune amélioration du tout.
    Saumon, brocolis et crevettes sont source d'oméga-3. © Alexpro9500, Shutterstock
    Saumon, brocolis et crevettes sont source d'oméga-3. © Alexpro9500, Shutterstock

    Les oméga-3, bons pour le cerveau ?

    Pour illustrer ce flou scientifique, on peut aussi regarder du côté des oméga-3. Ces acides grasacides gras, très en vogue depuis quelques années chez les adeptes des compléments alimentaires, sont bien documentés au niveau scientifique, comme en témoignent les 4.800 publications disponibles.

    Le problème est que les données obtenues sont particulièrement contradictoires. En février 2013, Brigitte Potier, du Centre de psychiatrie et neurosciences de l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, et des chercheurs de l'Inra de Jouy-en-Josas ont publié un article sur les liens entre les oméga-3 et la résistancerésistance du cerveaucerveau au stressstress et au vieillissement. Leur constat : « Notre analyse de la littérature abondante indique qu'une quantité adéquate d'acide docosahexaénoïque (DHADHA) [le nom scientifique de l'un des principaux oméga-3, NDLRNDLRdans le cerveau peut limiter l'impact du stress, un important facteur aggravant du vieillissement ».

    Cependant, en septembre 2013, après analyse d'une cohortecohorte de 2.157 femmes âgées de 65 ans et plus, des chercheurs de l'université de l'Iowa concluaient : « Nous n'avons pas trouvé de corrélation entre le taux d'oméga-3 dans le sang et le déclin cognitif lié à l'âge ».

    Mais là n'est pas la seule contradiction. En effet, quatre mois plus tard, à partir d'un échantillon de cette même cohorte, une grande partie de ces chercheurs constatait qu'« un taux plus élevé d'oméga-3 était corrélé à un volume plus important du cerveau et de l'hippocampehippocampe ». Et de suggérer dans la foulée que « d'autres études pourraient examiner si le maintien d'un niveau élevé d'oméga-3 dans le sang ralentissait l'atrophieatrophie du cerveau ». Autrement dit, ils laissaient entendre que cela pourrait protéger les femmes d'un déclin cognitif, alors qu'ils n'avaient justement pas pu établir de lien avec le taux d'oméga-3 sanguin ! Quant à ses effets sur le risque de maladies cardiovasculaires, le bénéfice est là aussi peu évident.

    Une méta-analyseméta-analyse publiée en septembre 2012 par une équipe de l'université de médecine de Ioannina, en Grèce, qui porteporte sur 20 études regroupant 68.680 personnes, montre que « dans l'ensemble, une supplémentation en oméga-3 n'est pas associée à une diminution du risque de mortalité toutes causes confondues, [...] ni de la survenue des infarctus du myocardeinfarctus du myocarde et des accidentsaccidents vasculaires cérébraux ».

    Oméga-3 et maladies cardiovasculaires

    Un constat similaire est fait pour les maladies cardiovasculaires, mais aussi pour la prévention des cancerscancers, par l'étude SU.FOL.OM3 coordonnée par Serge Hercberg qui dirige l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle, à l'hôpital de l'Hôtel-Dieu à Paris. Dans cet essai, 2.501 personnes âgées de 45 à 80 ans, ayant déjà eu une maladie cardiovasculaire, ont pris quotidiennement pendant cinq ans des oméga-3 et/ou des vitamines B6vitamines B6, B9 et B12, ou un placeboplacebo.

    D'une part, « cette étude montre que l'utilisation systématique de compléments alimentaires contenant des vitamines B ou des acides gras oméga-3 n'a pas eu d'effet sur la prévention des maladies cardiovasculaires chez les personnes ayant des antécédents de maladies cardiaques. D'autre part, nous n'avons pas trouvé d'effet bénéfique sur la survenue des cancers chez les personnes ayant eu au préalable une maladie cardiovasculaire », ont indiqué les chercheurs dans deux publications successives.

    À ces exemples, on peut ajouter trois récentes études faites outre-Atlantique. Après avoir analysé 24 essais avec une ou deux vitamines et trois menés avec des suppléments polyvitaminés, l'ensemble impliquant 400.000 personnes, l'équipe de Stephen P. Fortmann du Kaiser Permanente Center for Health Research, à Portland, a conclu qu'il n'y avait « pas de preuve claire d'un effet bénéfique des compléments sur la mortalité, les maladies cardiovasculaires ou le cancer ».

    L'équipe de Francine Grodstein, de l'école de médecine de Harvard, n'a, quant à elle, constaté aucun effet bénéfique d'une supplémentation multivitaminée quotidienne sur le déclin cognitif, chez 6.000 médecins âgés de 65 ans et plus.

    Enfin, Gervasio A. LamasLamas et son équipe du Mount Sinai Medical Center de Miami Beach ont évalué l'effet de hautes doses d'un complément alimentaire composé de 28 vitamines et minérauxminéraux par rapport à un placebo, chez 1.700 malades ayant eu un infarctus. Après presque 5 ans de suivi, les médecins n'ont observé aucune différence en matière de rechutesrechutes entre les malades traités et ceux ayant reçu le placebo.

    Ces trois études ont d'ailleurs fait écrire, en décembre 2013, à Eliseo Guallar et ses collègues de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health de Baltimore : « Assez, c'est assez : arrêtez de dépenser votre argent avec les compléments vitaminiques et minéraux ! »