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    Les sensations du fumeur

    Les sensations du fumeur

    • Des sensations procurées par la consommation interviennent dans la dépendance

    Fumer une cigarette ou un cigare et en inhaler la fumée déclenchent des sensations de chaleur, et entraînent des perceptions gustatives et olfactives spécifiques. L'ensemble de ces effets pourrait contribuer au maintien de la dépendance tabagique. Les effets sensoriels de la cigarette sont en partie dus à la nicotinenicotine présente dans la fumée du tabac, via les récepteurs nicotiniques présents sur les muqueusesmuqueuses des voies aériennes supérieures. Des expériences ont montré que la nicotine administrée par voie intraveineuse n'induisait pas, ou peu, d'effets sensoriels. En revanche, le fait de fumer des cigarettes dépourvues de nicotine engendre une satisfaction du consommateur et calme son envie de fumer ce qui laisse supposer que d'autres substances contenues dans la fumée et encore non identifiées, pourraient participer aux effets sensoriels de la cigarette..

    Les récepteurs nicotiniques de l'acétylcholineacétylcholine sont présents dans de nombreux tissus de l'organisme. Les récepteurs nicotiniques constituent des canaux ioniquescanaux ioniques présents dans la membrane plasmiquemembrane plasmique des cellules. Ils peuvent exister sous différents états structuraux interconvertibles. La liaison de la nicotine stabilise l'état ouvert et l(es) état(s) désensibilisé(s). L'ouverture du canal va laisser passer les ions chargés positivement. En particulier, sodium et calcium vont entrer dans la cellule. Cette activation des récepteurs par la nicotine modifie ensuite l'état des neuronesneurones via deux mécanismes principaux. D'une part, ces mouvements de cationscations vont provoquer une dépolarisation de la membrane plasmique, qui va se traduire par une excitation, en particulier dans les neurones, mais aussi par l'activation d'autres canaux ioniques contrôlés par le voltage.

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    D'autre part, l'entrée de calcium va agir, directement ou indirectement, sur différentes cascades intracellulaires conduisant par exemple à la régulation de l'activité de certains gènesgènes ou à la libération de neurotransmetteursneurotransmetteurs. Les récepteurs nicotiniques sont formés de cinq sous-unitéssous-unités arrangées de manière symétrique autour du pore ionique. Cependant, les structures connues ne représentent qu'un état des récepteurs et ne permettent pas encore de comprendre en détail les transitions conformationnelles et l'action de la nicotine. Les sous-unités des récepteurs nicotiniques appartiennent à une famille multigénique (16 membres chez l'homme) et l'assemblage combinatoire des sousunités rend possible l'existence d'un grand nombre de récepteurs différents.

    Ces récepteurs aux caractéristiques cinétiques, électrophysiologiques et pharmacologiques très variées vont répondre différemment à la nicotine, et ceci à des concentrations efficaces très variables. Cette diversité fonctionnelle leur permet de participer à deux grands types de neurotransmission. La transmission synaptique classique (wiring transmission) implique la libération de fortes concentrations de neurotransmetteur agissant sur des récepteurs immédiatement voisins. Au contraire, la transmission paracrine (volumevolume transmission) met en jeu des neurotransmetteurs libérés par des boutons ou des varicosités, qui diffusent ensuite dans le milieu extracellulaire jusqu'à des récepteurs pouvant se trouver à distance. Les sous-unités des récepteurs sont exprimées par des cellules différentes, dans des territoires variés. En particulier, certaines sous-unités sont exprimées dans toutes les structures impliquées dans les dépendances, comme par exemple le cortexcortex cérébral, les structures hippocampiques, l'amygdale, le septum, l'hypothalamushypothalamus et les ganglions de la baseganglions de la base.

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    Dans le contexte de la dépendance au tabac, l'identification de la composition exacte in vivoin vivo des différents récepteurs impliqués dans les aspects renforçants de la nicotine a bénéficié de la disponibilité des souris mutantes porteuses de sous-unités invalidées. Les effets renforçants de la nicotine passent par la modulationmodulation de la libération cérébrale de dopaminedopamine. Les progrès importants réalisés durant la dernière décennie vont encore s'accélérer avec la possibilité d'identifier des récepteurs nicotiniques aux caractéristiques particulières, et d'approcher leur structure au niveau atomique. Ces connaissances vont faciliter la mise au point d'effecteurs pharmacologiques spécifiques et permettre d'envisager des « cocktails » pharmacologiques ciblant simultanément et différentiellement plusieurs de ces récepteurs.

    • Les stimuli environnementaux jouent un rôle très important dans l'activation du système de récompense chez le fumeur

    Des données récentes de la neurobiologie ont permis de montrer que tous les produits qui déclenchent une dépendance chez l'homme (amphétamine, cocaïne, morphine, héroïne, cannabiscannabis, nicotine, alcoolalcool) augmentent la libération de dopamine dans le noyau accumbensnoyau accumbens. Ce noyau fait partie d'un ensemble de structures cérébrales comprenant le septum, l'amygdale, l'hippocampehippocampe et le cortex préfrontalcortex préfrontal et dénommé « circuit de la récompensecircuit de la récompense ». Il définit à chaque instant l'état de satisfaction physiquephysique et psychique dans lequel se trouve le sujet. Toutes ces structures cérébrales reçoivent une innervation dopaminergique issue d'une même structure mésencéphalique, l'aire tegmentale ventrale. Les substances psychoactives, en modifiant la production de dopamine, stimulent les structures du circuit de la récompense et induisent une sensation de satisfaction. L'activité des neurones dopaminergiques augmente à l'occasion de récompenses telles que la prise de nourriture, la sexualité.

    L'apprentissage conduit à ce que ce ne soit plus la récompense qui active les neurones dopaminergiques mais les signaux annonçant l'arrivée de cette récompense. Au cours de son développement, chaque individu se constitue un ensemble de signaux qui lui sont propres et dont la perception lui permet d'anticiper une satisfaction et de s'adapter à son obtention. Un signal non suivi de récompense déclenche une frustration. La prise de substance psychoactive, en activant les systèmes dopaminergiques de façon intense, conduit l'individu à mémoriser des événements qui n'ont pas de réalité physiologique mais qui, parce qu'ils sont associés à la prise de produit, l'en rendent dépendant. Ainsi, les stimuli environnementaux sont particulièrement importants chez le fumeur, lequel a développé, souvent pendant des années, de multiples associations entre certaines situations et le fait de fumer. La seule présentation de ces stimuli peut conduire à une envie compulsive de tabac.