Au moins deux mammifères habitués à chasser sous l'eau ont inventé une méthode astucieuse pour repérer sous l'eau leur proie à l'odeur : fabriquer des bulles d'air au contact de l'objet de convoitise et les respirer.

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    Une curieuse taupe canadienne n'en finit pas de surprendre les scientifiques et de les entraîner sur de fausses pistes. Le condylure étoilé (Condylura cristata) doit sont nom à sa truffe extraordinaire, bien rose et portant vingt-deux tentacules. Comme toutes les taupes, elle est à peu près aveugle et elle excelle à creuser des terriers. Mais ce n'est pas sous terre qu'on la rencontre le plus souvent. Très active, elle vit dans les zones humideszones humides de l'est du Canada et du nord-est des Etats-Unis, et passe son temps à chasser dans l'eau, parfois sous la glace, des crustacéscrustacés, des mollusquesmollusques, des insectesinsectes et des vers.

    Mais comment s'y prend-elle pour repérer ses proies ? Logiquement, les humains soupçonnent son nez pluritentaculaire et y découvrent effectivement des dizaines de milliers de fibres nerveusesfibres nerveuses et 30 000 minuscules récepteurs mécaniques, appelés organes de Eimer. Les tentacules servent donc à palper le sédimentsédiment et les plus longues, musclées, à amener les proies vers la bouche.

    Ah ce nez ! On le savait sensible et même préhensile, grâce à ses tentacules. On le découvre technologiquement avancé avec sa chambre à bulles. Crédit : Kenneth Catania

    Ah ce nez ! On le savait sensible et même préhensile, grâce à ses tentacules. On le découvre technologiquement avancé avec sa chambre à bulles. Crédit : Kenneth Catania

    La technique semble tout de même un peu lente pour un chasseur, d'autant que le condylure nage très rapidement et ne passe pas son temps à tâtonner au fond. Un chercheur, en 1993, émet l'hypothèse que cette petite taupe serait capable de détecter le champ électriquechamp électrique généré par le clitellum des lombrics (une zone du corps qui produit du mucus).

    Taupe ultrarapide

    Kenneth Catania, lui, n'y croit pas. Ce spécialiste de la neurobiologie et du comportement des mammifèresmammifères à l'Université de Vanderbilt (Tennessee) a bien observé les condylures et les vus repérer et avaler leur proie en 230 millisecondes ! Armé de caméras ultrarapides, il vient de découvrir le pot aux roses : au contact d'une proie potentielle, le condylure expulse des bulles d'airair puis les renifle. L'odeur corporelle de l'animal convoité peut ainsi être récupérée.

    Pour en avoir le cœur net, le scientifique conçoit un dispositif empêchant la taupe d'utiliser ses tentacules pour palper sa proie mais en lui permettant d'utiliser ses bulles : le condylure détecte sans problème sa nourriture habituelle.

    Cette technique du capteurcapteur d'odeur à bulles est-elle connue d'autres animaux ? Oui, affirme le même Kenneth Catania, qui a repéré la musaraigne palustre (Sorex palustris). Elle aussi fait des bulles et le chercheur a remarqué qu'elle les émet au rythme habituel de sa respiration. Si deux mammifères aussi différents que la taupe et la musaraigne ont inventé le même procédé, on peut imaginer que d'autres l'ont fait. Le biologiste américain aimerait bien qu'on aille chercher du côté des phoques et des loutres.