Paradoxalement, par rapport à la période précédant la crise, les professionnels ont constaté moins de diagnostics de dépression et une meilleure santé mentale au sein de la société américaine pendant les années 2007 à 2009. Cependant, après la crise, les femmes semblaient davantage souffrir d'anxiété et les hommes de détresse psychologique.

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    Moins de travail, plus de temps libre et donc moins de dépression ? C'est en tout cas l'une des hypothèses pouvant expliquer l'évolution de la santé mentale des Américains pendant la crise. © Brandon Warren, Flickr, CC by-nc 2.0

    Moins de travail, plus de temps libre et donc moins de dépression ? C'est en tout cas l'une des hypothèses pouvant expliquer l'évolution de la santé mentale des Américains pendant la crise. © Brandon Warren, Flickr, CC by-nc 2.0

    À partir de décembre 2007, l'économie des États-Unis a connu une grande récession qui s'est accompagnée d'une chute de la production industrielle et d'une augmentation du chômage. L'impact de la crise financière n'a pas été le même dans tous les États des États-Unis, le sud et l'ouest ayant enregistré les plus grosses baisses de revenus. Les personnes les plus pauvres ont été gravement touchées, avec un revenu domestique qui a chuté de 12,3 % pour les 20 % les plus pauvres entre 2007 et 2011.

    Or, les études sur les conséquences des conditions macroéconomiques sur la santé mentale donnent parfois des résultats mitigés. Parmi les théories qui proposent d'expliquer l'association entre l'économie et la santé mentale, citons notamment le travail de Durkheim sur le suicide : les changements économiques pourraient avoir des impacts psychologiques négatifs conduisant à l'augmentation du taux de suicide dans une société.

    Dans un article paru dans PLOS One, des chercheurs de l'université du Maryland, se sont donc demandé comment avait évolué la santé mentale des Américains avant, pendant et après la crise financière. Pour cela, ils ont utilisé les résultats d'une vaste enquête nationale (Medical Expenditure Panel Survey ou MEPS), avec des données de 2005-2006, 2008-2009, 2010-2011 portant sur 81.313 adultes âgés de 18 à 64 ans.

    Le sport permet de garder le moral et pourrait peut-être limiter les risques de dépression. © TC Davis, Flickr, CC by-nc nd 2.0

    Le sport permet de garder le moral et pourrait peut-être limiter les risques de dépression. © TC Davis, Flickr, CC by-nc nd 2.0

    Des différences entre les hommes et les femmes

    Les dépenses annuellesannuelles pour des soins de santé mentale payés par les assurances santé privées étaient d'environ 7 % en 2004-2007, mais seulement de 2,1 % sur la période 2007-2009. Les chercheurs ont trouvé que les femmes avaient moins souvent de diagnostics de dépression pendant et après la récession et une meilleure santé mentale pendant la récession ; en revanche, elles étaient plus souvent diagnostiquées avec de l'anxiété après la récession. Les hommes étaient moins souvent diagnostiqués avec une dépression et avaient une meilleure santé mentale pendant et après la récession.

    Les auteurs notaient donc des différences entre les sexes, comme l'explique Rada Dagher, principale auteure de l'article : « La recherche a systématiquement trouvé que les femmes étaient deux fois plus susceptibles d'avoir un désordre anxieux que les hommes et que ces différences entre les sexes pourraient avoir persisté pendant la récession et la période post récession ». De plus, les femmes qui vivaient dans le Nord-Est ou dans le Midwest, qui étaient sans emploi ou avaient un faible revenu domestique, étaient plus susceptibles de recevoir un diagnostic d'anxiété.

    La fréquence moindre des diagnostics de dépression chez les hommes et les femmes pendant la période de récession pourrait signifier qu'il y a eu moins de visites chez des professionnels de santé. Une étude précédente des mêmes auteurs avait montré que les visites chez le médecin pour le traitement de l'anxiété ou de la dépression avaient diminué de manière significative pendant la récession. Une autre explication serait que, pendant les périodes où l'économie est en berne, les gens ont plus de temps libre à passer en famille ou avec leurs amis et font plus d'exercices.