Si l’on ne parvient pas à guérir les patients séropositifs au VIH, c’est parce qu’une partie de la population de virus du Sida échappe aux traitements en entrant dans une phase de latence dans certaines cellules. La protéine SAMHD1 aurait la capacité d’empêcher la formation de ces réservoirs viraux, mais elle ne le fait pas systématiquement. On vient désormais de comprendre pourquoi : elle n’est active que sous une certaine forme.

au sommaire


    Quand la protéine SAMHD1 est phosphorylée, le VIH (à l'image) parvient à pénétrer dans les cellules et à se répliquer. En cas de déphosphorylation, la protéine détruit tous les éléments nécessaires à la synthèse du brin d'ADN viral dans la cellule, empêchant le virus de se multiplier. © A. Harrison, P. Feorino, CDC, DP

    Quand la protéine SAMHD1 est phosphorylée, le VIH (à l'image) parvient à pénétrer dans les cellules et à se répliquer. En cas de déphosphorylation, la protéine détruit tous les éléments nécessaires à la synthèse du brin d'ADN viral dans la cellule, empêchant le virus de se multiplier. © A. Harrison, P. Feorino, CDC, DP

    Malgré les succès récents et les quelques cas de guérison annoncés dans les médias, la lutte contre le VIH est très loin d'être gagnée. Bien que les traitements antirétroviraux parviennent à bien contrôler l'infection au point de rendre le virus indétectable par les techniques de dépistage, le moindre arrêt des médicaments se traduit par une hausse de la charge virale dans les jours suivants. Pourquoi ? Parce que le VIH trouve refuge dans certaines cellules immunitaires, comme les lymphocytes T mémoire, en restant dans une phase de latencelatence. Il en ressort dès qu'il n'est plus agressé.

    Les scientifiques cherchent donc désormais à éliminer ces réservoirs viraux afin de libérer l'organisme du VIH. Plusieurs pistes sont envisagées. L'une d'elles focalise son attention sur une protéine nommée SAMHD1. Découverte en 2011 par des chercheurs montpelliérains, elle empêche le VIH de se répliquer en détruisant les nucléotidesnucléotides cellulaires, nécessaires à la formation de nouveaux virus. L'infection dans certaines cellules immunitaires, comme les macrophagesmacrophages ou les cellules dendritiques, est ainsi prévenue.

    Malheureusement, ce mécanisme ne fonctionne pas sur toutes les cellules de l'immunitéimmunité, sans que les chercheurs aient encore compris pourquoi. Un élément de réponse vient semble-t-il d'être apporté par des scientifiques de l'université Yeshiva de New York. Tout serait une histoire de configuration.

    Éviter la phosphorylation de SAMHD1 pour éliminer le VIH

    Par une analyse au spectromètrespectromètre de massemasse, appareil permettant de révéler la composition moléculaire d'un échantillon, ils ont montré dans la revue Cell Host & Microbe que SAMHD1 pouvait exister sous deux configurations différentes : soit elle est phosphorylée (liée à un groupement phosphate), soit elle ne l'est pas. Et cela aurait son importance.

    Le VIH (en bleu ciel) infeste principalement les lymphocytes T CD4+ dans lesquels il se multiplie en grand nombre. Les trithérapies antirétrovirales peuvent empêcher cette réplication, mais le virus se cache toujours dans des cellules immunitaires comme les lymphocytes T mémoire. © R. Dourmashkin, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Le VIH (en bleu ciel) infeste principalement les lymphocytes T CD4+ dans lesquels il se multiplie en grand nombre. Les trithérapies antirétrovirales peuvent empêcher cette réplication, mais le virus se cache toujours dans des cellules immunitaires comme les lymphocytes T mémoire. © R. Dourmashkin, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Les auteurs ont remarqué que dans les cellules qui ne se divisent plus, comme les macrophages, la protéineprotéine se retrouve sous la forme non phosphorylée. Dans ce cas, pas d'infection par le VIH. En revanche, dans les cellules immunitaires qui pratiquent toujours la division, comme les lymphocytes T mémoire, SAMHD1 est présente sous forme phosphorylée. Dans ce cas, le virus du Sida peut pénétrer à l'intérieur et se répliquer, ou au moins intégrer le génomegénome et rentrer en phase de latence.

    Les auteurs ont donc l'ambition de bloquer la phosphorylationphosphorylation de SAMHD1 dans ces cellules en division afin de prévenir la formation de ces réservoirs viraux, voire les détruire chez les patients chez qui ils sont déjà constitués. Leurs prochaines recherches s'orienteront dans cette direction.

    Détruire les réservoirs viraux : un rêve lointain

    Mais la victoire n'est pas encore à portée de main. Il faut dans un premier temps mesurer les effets de la déphosphorylation de SAMHD1 à l'échelle de l'organisme. Si celle-ci aboutit à la destruction du système immunitaire, ses cellules devenant incapables de se diviser, le remède serait encore plus nocif que le mal, étant donnée l'efficacité des traitements actuels. Cette recherche nous promet donc de longues années d'études avant de déboucher sur une thérapiethérapie efficiente.

    Récemment, les chercheurs qui suivaient une autre piste visant à éliminer les réservoirs viraux ont déchanté. Il avait été montré en 2012 qu'un principe actifprincipe actif, nommé Saha (pour suberoylanilide hydroxamic acid), pouvait forcer le VIH latent à sortir de sa torpeur et à dépérir sous l'agressivité des traitements antirétroviraux. Malheureusement, les premières analyses livrées voilà quelques semaines révèlent que pour une particule virale réactivée, 300 autres restent en sommeilsommeil. Un taux d'élimination de 0,33 %. Or, les calculs estiment que pour guérir de l'infection par le VIH, il faut éliminer 99,9 % des virus stockés dans ces réservoirs. Reste à trouver la solution pour détruire les 99,57 % qui résistent...