Alors que la multirésistance aux antibiotiques gagne du terrain, des scientifiques de l’Inserm viennent de développer deux méthodes de diagnostic rapide de ces souches bactériennes potentiellement dangereuses. Ainsi, en connaissant en 2 heures le pathogène, une prise en charge individualisée et rapide pourrait faire gagner du temps et sauver des vies.

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    Les bactéries semblent toujours plus nombreuses à émerger, responsables d'épidémies qui dépassent les frontières. Les chercheurs s'accordent sur le fait que ce n'est pas leur nombre qui est en cause mais bien leur résistance de plus en plus forte aux antibiotiques. La situation est particulièrement dramatique pour certaines espècesespèces de bactéries, les bacilles à Gram négatif comme les entérobactéries.

    Alors que certains antibiotiques comme les céphalosporines à large spectrespectre et les carbapénèmes étaient réservés aux situations les plus graves, ils peuvent être désormais totalement inactifs à l'encontre de certaines souches bactériennes pour lesquelles il n'y a, par conséquent, plus d'antibiotique efficace. De ce fait, on voit déjà survenir des échecs thérapeutiques au cours de traitements d'infections de ville assez banales, comme des infections urinairesinfections urinaires ou intra-abdominales. Ces échecs menacent la vie des patients. On estime à 25.000 le nombre de morts, chaque année, associées à des multirésistances aux antibiotiques en Europe.

    La bactérie <em>Escherichia coli</em> habite dans nos intestins et contribue à notre santé. Cependant, certaines souches s'avèrent pathogènes et des antibiotiques s'imposent pour traiter l'infection. Mais ceux-ci ne sont plus toujours efficaces... © Janice Haney Carr, CDC, DP

    La bactérie Escherichia coli habite dans nos intestins et contribue à notre santé. Cependant, certaines souches s'avèrent pathogènes et des antibiotiques s'imposent pour traiter l'infection. Mais ceux-ci ne sont plus toujours efficaces... © Janice Haney Carr, CDC, DP

    Deux enzymes pour mettre la résistance en évidence

    Le développement de ces résistances aux antibiotiques risque de surcroit de compromettre tout un pan de la médecine actuelle qui nécessite l'usage d'antibiotiques efficaces (greffes, chirurgiechirurgie lourde, réanimation...). 

    L'importation non détectée de souches multirésistantes en provenance de pays étrangers risque d'autre part d'accélérer considérablement la diffusiondiffusion de ces phénomènes de multirésistances. 

    Ces tests (Carba NP test et ESBL NDP test) sont fondés sur les propriétés d'acidification générés par l'activité des enzymesenzymes (ß-lactamases et les carbapénèmases) en présence de l'antibiotique. Si l'une de ces enzymes est présente, le milieu s'acidifie et l'indicateur d'acidité (pH) vire de la couleurcouleur rouge à jaune. Ces travaux ont été publiés en septembre dans deux revues internationales : Emerging Infectious Diseases et The Journal of Clinical Microbiology

    Une fiabilité des tests diagnostics de 100 %

    À l'heure actuelle, ces tests peuvent être réalisés à partir de bactéries isolées dans les urines lors d'une infection déclarée ou à partir des bactéries présentes dans les selles. Le résultat est obtenu en moins de 2 heures (versus de 24 à 72 heures actuellement avec d'autres techniques). Ces tests sont par ailleurs d'une extrême sensibilité et d'une fiabilité de 100 %. Ils sont totalement inoffensifs car réalisés sur les bactéries isolées des patients ou sur les produits biologiques (urines...).

    Voici le principe de fonctionnement d'un des deux tests : le Carba NP test. Les bactéries résistantes, celles qui synthétisent l'enzyme capable de rester insensible au carbapénème, prennent une couleur orangée à cause de l'acidification du milieu que cela provoque quand, sans résistance la boîte de Pétri reste rouge. © Patrice Nordmann, Inserm

    Voici le principe de fonctionnement d'un des deux tests : le Carba NP test. Les bactéries résistantes, celles qui synthétisent l'enzyme capable de rester insensible au carbapénème, prennent une couleur orangée à cause de l'acidification du milieu que cela provoque quand, sans résistance la boîte de Pétri reste rouge. © Patrice Nordmann, Inserm

    Patrice Nordmann, directeur de l'unité Inserm « RésistancesRésistances émergentes aux antibiotiques » (hôpital de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre) et principal auteur de ce travail, précise qu' « une évaluation de ces tests est en cours pour apprécier leur sensibilité directement à partir de sites infectés comme le sang ou les urines ». 

    Mieux gérer la multirésistance aux antibiotiques

    L'invention de ces deux tests est une contribution importante à la lutte contre l'émergenceémergence des résistances aux antibiotiques. Ces tests vont permettre, de façon simple et peu onéreuse (moins de 4-5 euros) une détection très rapide des résistances aux antibiotiques les plus importantes actuellement en médecine humaine et contribueront à en limiter leur diffusion internationale.

    Pour Patrice Nordmann, « on peut ainsi espérer, notamment dans de nombreux pays occidentaux n'étant pas encore en situation d'endémie pour ces multirésistances (France notamment), réussir à préserver dans une certaine mesure l'efficacité des céphalosporines de spectre large et des carbapénèmes, antibiotiques dits de dernier recours ».

    Appliqués au lit du malade, ces tests permettront une optimisation de l'antibiothérapie et ceci en particulier dans les pays en voie de développement où les taux de résistance sont très élevés. 

    Ces tests ont fait l'objet de deux dépôts de brevets internationaux auprès d'Inserm Transfert. Leur commercialisation en cours de développement devrait intervenir dans les 12 à 16 mois mais les techniques sont disponibles pour les laboratoires spécialisés qui souhaiteraient les développer.