Nous reprenions mardi dernier le travail scientifique qui établissait un lien entre radiographies des dents et méningiome, une forme souvent bénigne de tumeur au cerveau. Faut-il s’alarmer ? Pas trop ! Les pratiques, en effet, sont différentes entre la France et les États-Unis. Et les règles sont plus strictes dans l'Hexagone…

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    Est-il réellement possible que des radiographies dentaires trop souvent répétées favorisent la survenue de tumeurs au cerveau ? C'est l'avis formulé par une équipe américaine. Ses résultats, pourtant, doivent être « interprétés avec prudence », explique le docteur Philippe Rocher, président de la Commission des dispositifs médicaux auprès de l'Association dentaire française (ADF). L'amalgameamalgame entre les pratiques américaines et françaises notamment, peut être source d'erreurs d'appréciation.

    Petit rappel des faits. Deux types de radiographies sont mis en cause par Elizabeth Claus et son équipe, à l'université de Yale dans le Connecticut : les radios rétrocoronaires (bitewings) utilisées pour le diagnostic d'infection carieuse, et les radios panoramiques. Pour explorer la possibilité d'un lien éventuel de ces examens avec la survenue d'une tumeur au cerveau, les auteurs ont étudié une cohorte de 1.433 patients de 20 à 79 ans qui tous étaient atteints d'un méningiome. Ces tumeurstumeurs d'une méningeméninge, précisons-le, sont le plus souvent bénignes et de progression très lente. Un autre groupe de 1.350 sujets en bonne santé a fait office de contrôle, et tous les participants ont été interrogés sur la fréquence des examens dentaires qu'ils avaient subis par le passé.

    Des radios des dents régulières, des méningiomes en plus

    Il en est ressorti que la fréquence des méningiomes a été plus élevée (de 40 % à 90 %) chez les patients qui avaient subi un grand nombre de radiographies rétrocoronaires. Pour les patients exposés à des clichés panoramiques à raison d'une fois par an ou plus, cette fréquence a été multipliée par un facteur de 2,7 à 3.

    Aller chez le dentiste n'est pas du tout synonyme de risque de tumeur au cerveau. Dans cette étude, le lien a été significatif, mais le méningiome restant malgré tout très rare, cela ne concerne que 7 personnes sur 100.000. © Yuris / <a href="http://www.stockfreeimages.com/" target="_blank">Stock Free Images</a> &amp; <a href="http://www.dreamstime.com/" target="_blank">Dreamstime Stock Photos</a>

    Aller chez le dentiste n'est pas du tout synonyme de risque de tumeur au cerveau. Dans cette étude, le lien a été significatif, mais le méningiome restant malgré tout très rare, cela ne concerne que 7 personnes sur 100.000. © Yuris / Stock Free Images & Dreamstime Stock Photos

    Ainsi l'Association dentaire américaine (Ada) recommande-t-elle « de ne pas pratiquer ces examens plus d'une fois par an (voire tous les deux ans) sur les enfants ». Pour les adolescents, elle préconise « un examen tous les 18 mois (voire tous les trois ans) [avec un espacement de] deux à trois ans chez les adultes ».

    Dentistes français et américains n’ont pas les mêmes pratiques

    Pour le docteur Philippe Rocher, tout ceci n'est pas nouveau... et concerne des pratiques qui n'ont pas cours en France. « Déjà en 2004, une étude américaine était parvenue aux mêmes conclusions, insiste-t-il. De plus, ce travail présente quelques zones d'ombre. Les questionnaires, par exemple, étaient auto-administrés. C'est-à-dire que les patients étaient livrés à eux-mêmes pour y répondre. Or si l'on demande à un patient le nombre et le type de radios qu'il a subies ces 20 ou 30 dernières années, il risque de se retrouver à la peine et les résultats pourront être faussés ! »

    Notre spécialiste distingue surtout les pratiques américaines avec celles des praticiens français. « Tout d'abord, les radiographies rétrocoronaires sont très peu pratiquées en France. Aux États-Unis, elles sont quasi-systématiques » nous explique Philippe Rocher.

    En France, la prescription d'examens susceptibles de délivrer des rayonnements est régie par l'article R. 1333-56 du code de la santé publique. Il stipule que « toute exposition à des rayonnements ionisants [...] fait l'objet d'une analyse préalable. Elle permet de s'assurer qu'aucune autre technique d'efficacité comparable comportant de moindres risques n'est disponible ». Autrement dit, il ne permet pas de systématiser ce type de procédure, et limite par conséquent le nombre des examens non justifiés.

    « Contrairement aux États-Unis, nous devons respecter toute une procédure de bonnes pratiques de la radiographie, conclut le docteur Rocher. Un document de 109 pages émis par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) nous oblige par exemple, à justifier chacun de nos actes radiologiques... »