Face au staphylocoque doré, de plus en plus résistant, une alternative aux antibiotiques est nécessaire. Viendra-t-elle d’étonnantes « nanoéponges » ? Faites de polymères enrobés dans des membranes de globules rouges, elles absorberaient différents poisons, comme les toxines bactériennes et les venins d’abeilles ou de serpents.

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    Les nanoéponges mesurent 85 nanomètres de diamètre. Elles sont constituées d'une particule polymérique entourée par une membrane de globule rouge. À gauche : image de microscopie électronique d'une nanoéponge. À droite : représentation schématique d'une nanoéponge. Les points colorés en bleu, violet et vert représentent les toxines qui s'attachent au dispositif. © Zhang et al., Nature Nanotechnology

    Les nanoéponges mesurent 85 nanomètres de diamètre. Elles sont constituées d'une particule polymérique entourée par une membrane de globule rouge. À gauche : image de microscopie électronique d'une nanoéponge. À droite : représentation schématique d'une nanoéponge. Les points colorés en bleu, violet et vert représentent les toxines qui s'attachent au dispositif. © Zhang et al., Nature Nanotechnology

    Chez les êtres vivants, il existe un large arsenal de toxines et poisons en tout genre. En effet, de nombreux animaux, plantes et champignonschampignons sont venimeuxvenimeux ou vénéneux : serpents, ricin et amanites pour n'en citer que quelques-uns.

    Cependant, les championnes en la matièrematière sont probablement les bactéries, qui utilisent les toxines à la fois comme moyen de défense contre le système immunitaire et pour obtenir des éléments nutritifs lors de la destruction cellulaire. Toxines de l’anthrax, cholérique, tétanique, diphtérique... La liste est longue. Pire, certains pathogènes, tels que Staphylococcus aureus, sont capables d'en produire différents types.

    Lors d'une infection, ces toxines peuvent être déversées dans le sang, lyser les cellules sanguines, puis atteindre différents organes. Une équipe d'ingénieurs de l'université de Californie à San Diego a trouvé comment contrer leur action lorsqu'elles sont présentes dans le sang, grâce à des « nanoéponges » absorbantes. Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature Nanotechnology.

    <em>Staphylococcus aureus</em> est de plus en plus résistant aux antibiotiques. Les nanoéponges pourraient représenter un traitement alternatif efficace contre cette bactérie pathogène. © CDC, Matthew J. Arduino, DRPH, DP
     
    Staphylococcus aureus est de plus en plus résistant aux antibiotiques. Les nanoéponges pourraient représenter un traitement alternatif efficace contre cette bactérie pathogène. © CDC, Matthew J. Arduino, DRPH, DP

    Des « nanoéponges » déguisées en globules rouges

    Les auteurs de cette étude ont eu l'idée ingénieuse de fabriquer des nanoéponges, des sortes de faux globules rouges. Elles pompent les toxines présentes dans le sang, et les détournent ainsi de leur cible originelle : les véritables globules rouges. Mais comment s'y prendre ? Car si le principe semble simple, les obstacles sont nombreux pour réaliser cette prouesse médicale. En effet, les auteurs ont dû s'assurer que les nanoéponges étaient facilement injectables, qu'elles n'étaient pas rejetées par le système immunitaire et qu'elles jouaient leur rôle d'absorbeur de toxines in vivoin vivo.

    Les nanoéponges sont constituées d'un noyau polymérique enveloppé dans une membrane de globule rouge. Les scientifiques ont tout d'abord incubé des globules rouges dans une solution aqueusesolution aqueuse. Cette étape a conduit à l'explosion des cellules sanguines, et les membranes ont alors été récupérées par centrifugation. Dans un second temps, de nombreuses nanoparticulesnanoparticules polymériques ont été mises en contact avec ces membranes de globules rouges. Cette opération a permis à chaque particule de se vêtir d'un bout de membrane sanguine, et ainsi de passer au travers du mécanisme de défense de l'organisme in vivo.

    Ces nanoéponges qui prennent l'apparence de globules rouges sont en réalité beaucoup plus petites que leur modèle : elles mesurent 85 nanomètresnanomètres de diamètre, soit environ 100 fois moins qu'un globule rouge.

    Les nanoéponges protègent 89 % des souris contre le Sarm

    Une question cruciale restait néanmoins en suspens : les nanoéponges sont-elles efficaces pour faire face à une infection bactérienne ? Pour y répondre, les chercheurs ont utilisé des groupes de souris infectées par une souche virulente de staphylocoque doré résistant à plusieurs traitements antibiotiques, le Sarm (ou Staphylococcus aureusStaphylococcus aureus résistant à la méticilline).

    Deux expériences ont été conduites en parallèle. Dans un premier cas, les animaux ont été exposés à des doses de Sarm habituellement létales, puis ont reçu une injection des fameuses nanoparticules. Les résultats sont assez encourageants, puisque 44 % des souris ont été sauvées. Encore mieux, si les nanoéponges sont administrées avant l'infection par le Sarm, le taux de survie augmente et passe à 89 %. Ces résultats mettent en évidence l'efficacité importante des nanoéponges.

    Selon Liangfang Zhang, principal auteur de l'étude, cette technique des nanoéponges est innovante et présente un fort potentiel en matière de lutte contre les maladies infectieuses. Un des grands avantages de cette méthode est qu'elle ne cible pas une toxine particulière, mais agirait contre un large éventail de poisons (toxines bactériennes, venins d'abeilles et de serpents, etc.). De plus amples études restent à mener, mais ces conclusions se révèlent très prometteuses. En effet, les nanoéponges pourraient permettre de lutter plus efficacement contre les infections au Staphylococcus aureus, qui résiste de mieux en mieux aux traitements antibiotiques.