Pourquoi se lève-t-on beaucoup plus facilement pour combler une envie de chocolat que pour des légumes ? Selon des chercheurs français, les triglycérides seraient les responsables. Ces corps gras agiraient sur le circuit de la récompense du cerveau, celui-là même qui régit le phénomène de dépendance aux drogues.


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    Si l'acte de manger répond à un besoin biologique, il recouvre également une fonction culturelle et sociale essentielle. En effet, le repas est généralement associé à une forte notion de plaisir, un sentiment qui nous pousse vers la nourriture, parfois dangereusement. Ainsi, chaque année dans le monde, 2,8 millions de personnes meurent des conséquences de l'obésité. Cela est essentiellement dû à un déséquilibre entre le nombre de calories consommées et celles dépensées. La vie sédentaire associée à l'abondance de denrées sucrées et grasses offre un terrain fertile à cette maladie mortelle.

    L'organisme utilise les sucres et les graisses comme des sources d'énergieénergie. Bien que le cerveau consomme uniquement du glucose, il possède une enzymeenzyme capable de décomposer les triglycérides, des lipides notamment issus de l'alimentation. Pourquoi ? C'est sur cette question que s'est penchée une équipe du CNRS dirigée par Serge Luquet. Les résultats, publiés dans la revue Molecular Psychiatry, mettent en évidence un lien entre les fluctuations de concentration de triglycérides et l'élaboration du circuit de la récompense dans le cerveau de souris.

    Cette image de microscopie à fluorescence représente une coupe de cerveau de souris au niveau du noyau accumbens, une région impliquée entre autres dans la récompense et la motivation. Le bleu correspond au noyau des cellules et le vert à une région cellulaire où l’enzyme responsable de la dégradation des lipides a été éliminée. © Serge Luquet
    Cette image de microscopie à fluorescence représente une coupe de cerveau de souris au niveau du noyau accumbens, une région impliquée entre autres dans la récompense et la motivation. Le bleu correspond au noyau des cellules et le vert à une région cellulaire où l’enzyme responsable de la dégradation des lipides a été éliminée. © Serge Luquet

    Pour simuler l'action d'un bon repas chez la souris, les chercheurs ont directement injecté de petites quantités de lipideslipides dans leurs cerveaux. Ils ont alors observé une diminution de la motivation des rongeursrongeurs à actionner un levier pour obtenir une friandise et une diminution de l'activité physique de moitié. En temps normal, si le choix est possible, les souris préfèrent consommer une nourriture riche en graisses plutôt que des aliments plus simples. Mais les souris perfusées équilibrent leur alimentation entre les deux sources alimentaires proposées.

    L’obésité, des conditions idéales pour une prise de poids

    Les lipides injectés sont-ils vraiment responsables de la modification du comportement alimentaire des souris ? Pour s'en assurer, les scientifiques ont élaboré une souris mutante ne fabriquant plus l'enzyme capable d'utiliser les triglycérides dans le cerveau. Ils ont alors montré que ce rongeur génétiquement modifié conservait son comportement habituel vis-à-vis de la nourriture même si on lui injectait des lipides dans le cerveau : motivation accrue pour obtenir une récompense et préférence pour de la nourriture riche. L'ensemble de ces travaux vient faire écho à une étude précédente montrant qu'une diminution de l'enzyme utilisatrice de lipides dans l'hippocampehippocampe induisait un surpoidssurpoids.

    En cas d'obésitéobésité, les taux de lipides dans le sang et dans le cerveau sont plus importants que la moyenne. Pourtant, l'obésité est souvent associée à des comportements de surconsommation d'aliments sucrés et gras. Comment expliquer ce paradoxe ? Selon les chercheurs, en cas de fortes et longues expositions aux triglycérides, la souris affiche une motivation en berne vis-à-vis d'une récompense, comme c'est le cas lors d'une injection de petites quantités de lipides. En revanche, l'attirance pour les aliments riches n'est pas éliminée. Les conditions idéales sont donc réunies pour la prise de poids. Ainsi, les lipides agiraient en quelque sorte comme des drogues dans le cerveau.