Les personnes en bonne santé disposent de cellules immunitaires en mesure de reconnaître et de tuer les cellules leucémiques, alors que celles de certains des patients atteints par ce cancer du sang n'en sont plus capables. Et si stimuler l’immunité contre certains antigènes tumoraux spécifiques pouvait protéger de cette maladie ?


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    Notre système immunitaire garde les cicatrices des infections passées. C'est sur ce principe que se base d'ailleurs la vaccination. En effet, après avoir été stimulées, les défenses de l'organisme se préparent à une autre attaque, et maintiennent des populations cellulaires combattantes en mesure de reconnaître l'élément étranger en cas de réapparition : ce sont les lymphocytes à mémoire.

    Si l'on sait déjà repérer les traces laissées par un virus désormais éradiqué, une étude publiée dans Science Translational Medicine vient de montrer que des personnes en bonne santé peuvent disposer de lymphocytes T CD8 à mémoire dirigés spécifiquement contre des cellules leucémiques. Qu'en déduire ? Que le système immunitaire est capable de tuer le cancer dans l'œuf. Ainsi, ces sujets ont probablement dû lutter contre des cellules tumorales par le passé, et ils en portent toujours les stigmates.

    En revanche, toutes les personnes souffrantes ne disposent pas toujours de ces cellules tueuses. Ce travail a porté sur 26 patients leucémiques : 14 d'entre eux étaient touchés par une leucémie lymphoïde chronique (LLCLLC), et 12 atteints par une leucémie myéloïde aiguë (LMA). Une analyse poussée a révélé la présence de 95 antigènesantigènes à la surface des cellules tumorales, dont 61 exclusivement retrouvés sur les cellules cancéreuses.

    Les lymphocytes T CD8 sont des cellules immunitaires qui détruisent les cellules anormales, qu'elles soient contaminées par un virus ou cancéreuses. Ils perdurent parfois bien au-delà de l'infection. © Niaid, Wikipédia, DP
    Les lymphocytes T CD8 sont des cellules immunitaires qui détruisent les cellules anormales, qu'elles soient contaminées par un virus ou cancéreuses. Ils perdurent parfois bien au-delà de l'infection. © Niaid, Wikipédia, DP

    Des leucémies par des lymphocytes T ?

    Il se trouve que ces antigènes appartiennent à la grande famille des phosphopeptides. Il s'agit de protéinesprotéines retrouvées à l'intérieur des cellules qui sont fragmentées en plusieurs morceaux, nommés peptidespeptides, qui viennent finalement s'installer à la surface de la membrane cellulairemembrane cellulaire. Ces peptides se lient à des groupements phosphate, moléculesmolécules qui déclenchent des signaux favorisant le métabolismemétabolisme et la croissance cellulaire, ce qui est nécessaire à la cancérisation. Mais le système immunitaire n'est pas dupe et apprend à reconnaître ces phosphopeptides pour éliminer les cellules qui les portent.

    Pourtant, parmi les patients étudiés, seuls 5 des 14 atteints par la LLC et 2 des 12 malades de la LMA présentaient des lymphocytes T CD8 luttant spécifiquement contre ces antigènes. Tandis que tous les témoins en bonne santé étaient équipés du système de défense adapté. L'étude, dirigée par Mark Cobbold, de l'université de Birmingham (Royaume-Uni), a montré que ces cellules portaient également les marqueurs caractéristiques des lymphocytes à mémoire, preuve d'une confrontation passée avec des cellules tumorales.

    Il est donc intéressant de constater que la majorité des malades n'est pas dotée de l'immunitéimmunité idoine. Est-ce parce que leurs défenses ont vieilli ? Ou parce qu'ils n'ont jamais développé les bonnes cellules ? L'histoire ne le dit pas. Mais cette découverte laisse entrevoir la possibilité de créer un vaccin préventif, voire thérapeutique, contre la leucémie. Elle pourrait également déboucher sur des greffesgreffes de moelle osseusemoelle osseuse émanant de donneurs disposant déjà des lymphocytes T CD8 adaptés. Et pourquoi ne pas généraliser la pratique à d'autres cancerscancers ? Les scientifiques sont déjà sur le coup.