Nos yeux seraient-ils capables de nous trahir au point de confondre un homme et une femme ? Et bien oui, d’après une étude très sérieuse. Tout dépendrait de la position de la personne dans notre champ de vision…

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    L'identité d'un objet est la même quel que soit son environnement ou sa position dans l'espace. Notre système visuel devrait donc être dans la capacité de reconnaître un objet dans tous les contextes. Ce n'est toutefois pas le cas, car notre œil et surtout notre cerveau sont habitués à observer certaines choses selon une certaine orientation. Il nous est par exemple plus difficile de lire un texte retourné, ou de reconnaître l'expression de visages présentés à l'envers.

    Le visage de Margaret Thatcher normal (à gauche) ou modifié (à droite). Si on les observe à l'envers (en haut), rien ne nous choque, mais vu dans le bon sens... © DR

    Le visage de Margaret Thatcher normal (à gauche) ou modifié (à droite). Si on les observe à l'envers (en haut), rien ne nous choque, mais vu dans le bon sens... © DR

    Homme ou femme, des traits différents

    Des scientifiques du Massachusetts Institute of Technology (MIT) se sont alors demandé si notre cerveau était capable de reconnaître des objets présentés dans notre champ de vision, mais que notre regard ne fixe pas directement. Et leur étude publiée dans le journal Current biology, basée sur la reconnaissance de visages féminins et masculins, indique qu'il n'en est rien.

    Dictés par les hormones sexuelles (testostérone, œstrogèneœstrogène), dont les taux dans le sang sont différentes entre hommes et femmes, les traits du visage ne sont pas les mêmes. Une mâchoire plus carrée, des poils de barbe pour les hommes ou des pommettes plus saillantes pour les femmes. S'il n'est pas possible de généraliser car d'autres gènes façonnent également la forme du visage, ces différences permettent en général de discerner sans trop de difficulté le sexe de la personne que l'on observe, même en absence d'artifices (maquillage, coupe de cheveux, barbe).

    Les scientifiques ont utilisé une palette de neuf visages, réalisée par morphingmorphing d'un visage typiquement masculin vers un visage typiquement féminin. Dans la première expérience, 11 volontaires ont dû reconnaître le sexe des visages choisis aléatoirement parmi les neuf. Un exercice difficile puisque les visages leur étaient présentés sur un écran par flashflash de 50 millisecondes, autour d'un point central qu'ils devaient fixer.

    Le <em>morphing</em> est une transformation progressive d'une image en une autre, ici d'un visage d'homme (à gauche) en visage féminin (à droite). Le visage du milieu est androgyne, un juste milieu entre les deux extrêmes. © Afraz <em>et al.</em>, <em>Current biology</em>

    Le morphing est une transformation progressive d'une image en une autre, ici d'un visage d'homme (à gauche) en visage féminin (à droite). Le visage du milieu est androgyne, un juste milieu entre les deux extrêmes. © Afraz et al.Current biology

    Étonnamment, en fonction des huit positions possibles dans le champ de vision, les visages étaient majoritairement considérés comme plus féminins ou plus masculins, selon les personnes soumises au test. Pour certains, des visages présentés en haut à droite étaient systématiquement considérés comme féminins, alors que pour d'autres ils étaient majoritairement masculins. Un phénomène pérenne dans le temps car les mêmes tests réalisés 3 à 5 semaines plus tard ont montré les mêmes tendances.

    Dans une deuxième expérience, des tests du même genre ont été effectués sur les mêmes volontaires, mais cette fois en présentant des visages de personnes plus ou moins âgées. Les résultats étaient aussi biaisés en fonction de la position d'apparition des visages, mais la préférence n'a pas pu être reliée à la préférence pour les sexes.

    Seuls quelques neurones travaillent

    Selon les auteurs, ce phénomène serait dû à une approximation de notre cerveau au regard de ce qu'il observe. Comme dans la vraie vie où des statistiques doivent être réalisées sur un grand nombre pour obtenir une moyenne valable, notre cerveau doit utiliser un grand nombre de cellules du cortex visuel pour analyser efficacement ce qu'il voit.

    Or dans ce cas, seules quelques cellules photoréceptrices de la rétine sont activées et, par rétinotropie (relation entre les positions dans le champ visuelchamp visuel et les positions sur le cortex), seule une partie des neuronesneurones du cortex visuel est alors activée. Le cerveau aura alors tendance à analyser les stimuli de la même manière et comme peu de neurones ne viendront le contredire, il répondra systématiquement que c'est un visage plutôt féminin ou au contraire plutôt masculin.