La grippe A(H7N9), qui frappe la Chine depuis le mois de mars, continue d’inquiéter le monde entier. Pour lutter contre le virus, 22 chercheurs demandent par lettre la possibilité de le faire muter afin de le rendre plus virulent, dans le cadre d’expériences qui ne sortiraient pas du laboratoire. Le but étant de mieux le connaître afin d’anticiper une éventuelle pandémie. L’idée n’est pas nouvelle et fait débat… 

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    Du nouveau sur le front de la lutte contre le virus grippal A(H7N9). Après la possible transmission interhumaine récemment révélée dans le British Medical Journal (BMJ), 22 virologues ont récemment signé une lettre parue dans les revues Nature et Science, dans laquelle ils font part de leur volonté de créer un supervirus A(H7N9), hautement pathogène. Leur objectif est d'anticiper une mutation de la souche et les risques éventuels en cas de pandémie. Mais la réalisation d'un tel travail fait débat.

    Petit rappel des faits. Des scientifiques chinois ont décrit le cas d'un homme de 60 ans qui fréquentait régulièrement des marchés aux volailles, dans l'est de la Chine. Il a été hospitalisé le 11 mars dernier, souffrant de troubles respiratoires. Ceux-ci se sont subitement aggravés, si bien qu'il a été transféré dans une unité de soins intensifs le 15 mars. Il est décédé le 4 mai.

    Entre ces deux dates, sa fille de 32 ans lui a régulièrement rendu visite à l'hôpital, « sans protection spécifique », précisent les auteurs dans le BMJ. Elle a présenté des premiers symptômes grippaux le 24 mars, avant de décéder le 24 avril. Les chercheurs ont analysé les souches grippales isolées sur chacun de ces deux patients. « Elles étaient identiques d'un point de vue génétiquegénétique, ce qui suggère une transmission du père à la fille », poursuivent-ils.

    Une grippe A(H7N9) discrète ces derniers temps

    Gregory Härtl, directeur du département médias de l'OMSOMS, relativise la portée de ce travail. « Il n'apporte rien de nouveau en termes de santé publique. Nous étions au courant au moment de la survenue du cas. D'ailleurs, cela n'est pas le seul cas de transmission interhumaine. Nous en avons deux ou trois autres possibles. »

    Le virus de la grippe A(H7N9) pourrait muter dans ses hôtes humains ou aviaires et devenir hautement contagieux. Pour mieux combattre son ennemi, certains virologues estiment qu'il faut mieux le connaître. © C. Goldsmith, CDC, DP

    Le virus de la grippe A(H7N9) pourrait muter dans ses hôtes humains ou aviaires et devenir hautement contagieux. Pour mieux combattre son ennemi, certains virologues estiment qu'il faut mieux le connaître. © C. Goldsmith, CDC, DP

    Au 20 juillet 2013, l'OMS avait recensé 134 cas d'infections humaines, dont 43 mortels. La situation a semble-t-il peu évolué au cours de ces dernières semaines. Mais l'OMS se prépare à une possible « résurgence en automneautomne ou plutôt en hiverhiver », précise Gregory Härtl. De son côté, Vincent Enouf, directeur adjoint du Centre national de référence pour la grippe à l'institut Pasteur (Paris) tient également à rassurer. « À l'heure actuelle, nous sommes toujours face à un virus qui n'a pas la capacité de se multiplier à grande échelle ».

    L’appel des virologues pour rendre le virus plus dangereux

    En marge de la publication de ce travail dans le BMJ, c'est la lettre publiée dans Science et Nature qui fait grand bruit. Les auteurs, conduits par le Néerlandais Ron Foucher et le Japonais exilé aux États-Unis Yoshihiro Kawaoka, font part de leur intention de créer des formes mutantes très pathogènes de la souche A(H7N9). Le débat sur la dangerosité de telles manipulations et la crainte d'éventuelles dérives bioterroristes refont surface, comme en 2011 avec le virus A(H5N1).

    Pour Vincent Enouf, « sur le fond, d'un point de vue scientifique, ce type de recherche apparaît logique. L'objectif est de mieux connaître le virus et d'anticiper son éventuelle évolution dans la nature. Sur la forme, cette lettre semble politique et stratégique, histoire de mesurer les réactions de chacun. »

    À noter qu'aucun virologue français ne fait partie des 22 signataires. « C'est vrai, poursuit le spécialiste. Sans doute parce que dans notre pays, nous ne faisons pas ce genre de manipulation sur les animaux. Cela exige d'importants moyens sur les plans technique et financier. Nous travaillons in vitroin vitro, c'est-à-dire sur les souches. Si d'autres le font, c'est très bien. »