L’exposition à certains phénols pendant la grossesse, notamment les parabènes et le triclosan, perturberait la croissance des petits garçons durant la vie fœtale et les premières années de leur vie. Le bisphénol A ne semble pas associé à une nette modification de la croissance.

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    L’exposition à certains phénols pendant la grossesse pourrait affecter la croissance des garçons. © Canwest News Service, Wikimedia Commons, DP

    L’exposition à certains phénols pendant la grossesse pourrait affecter la croissance des garçons. © Canwest News Service, Wikimedia Commons, DP

    Les femmes enceintes sont exposées à plusieurs composés très largement produits et présents dans notre environnement. C'est le cas des parabènesparabènes (utilisés comme conservateurs dans les cosmétiques et produits de soin), le triclosan (un pesticidepesticide antibactérien retrouvé dans certains dentifrices et savons), la benzophénone-3 (utilisée dans les produits de protection solaire comme filtre anti ultra-violet), les dichlorophénols (dont les précurseurs entrent dans la composition de désodorisants d'intérieur) ainsi que le bisphénol Abisphénol A (utilisé, entre autres, pour la fabrication de plastiquesplastiques en polycarbonate, bouteilles plastiques, CDCD... et des résines époxyépoxy, revêtement intérieur des boîtes de conserve, amalgamesamalgames dentaires). Ces composés appartiennent à la famille des phénols et sont des perturbateurs endocriniens. Des études expérimentales in vitroin vitro et chez l'animal ont mis en évidence que ces composés interagissent avec des systèmes hormonaux impliqués dans la croissance et le gain de poids.

    Un consortium de recherche associant des équipes Inserm, les Centres Hospitalo-Universitaires de Nancy et Poitiers, le Center for Disease ControlsCenter for Disease Controls and Prevention CDC (Atlanta, États-Unis), et coordonné par l'équipe d'épidémiologie environnementale de l'Inserm et de l'Université de Grenoble Unité 823, vient de publier une nouvelle étude épidémiologique. L'article paru dans la revue Epidemiology de septembre 2014 porteporte sur 520 petits garçons de la cohorte mère-enfant Eden mise en place par l'Inserm et soutenue, pour ce projet précis, par l'Anses, Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.

    Les femmes enceintes participant à cette cohorte ont été recrutées entre 2003 et 2006 dans les Centres Hospitalo-Universitaires de Nancy et Poitiers, avant la mise en place de la réglementation actuelle sur le bisphénol A. La croissance de leur enfant a été évaluée à l'aide des échographies pendant la grossesse ainsi que des mesures de poids et de tailles réalisées depuis la naissance jusqu'aux trois ans de l'enfant. Un échantillon d'urine prélevé durant la grossesse a permis le dosagedosage de biomarqueurs d'exposition aux phénols dans le Laboratoire de santé environnementale des CDC d'Atlanta responsable des campagnes de biosurveillancebiosurveillance américaines.

    Le triclosan, ici représenté en 3 dimensions, fait partie des phénols mis en cause dans cette étude. © Ben Mills, Wikimedia Commons, DP

    Le triclosan, ici représenté en 3 dimensions, fait partie des phénols mis en cause dans cette étude. © Ben Mills, Wikimedia Commons, DP

    La croissance des garçons perturbée par les phénols pendant la grossesse

    Les résultats obtenus par Rémy Slama, Claire Philippat et leurs collègues montrent que plus de 95 % des femmes enceintes étaient exposées à ces substances et que l'exposition maternelle à certains phénols pourrait perturber la croissance des petits garçons. En particulier, les chercheurs relèvent que les niveaux de triclosan étaient négativement associés aux paramètres de croissance mesurés à l'examen échographique du troisième trimestre de la grossesse et que les parabènes étaient liés à une augmentation du poids à la naissance et à trois ans. On sait qu'une croissance accélérée dans les premières années de vie peut augmenter le risque d'obésité plus tard, durant l'enfance. L'étude n'a pas identifié d'association claire entre les concentrations urinaires des autres phénols et la croissance pré et postnatale des garçons. Le BPA, du fait de sa très grande variabilité dans les urines, n'a pas été quantifié avec précision dans cette étude reposant sur un unique prélèvement urinaire par femme.

    Pour les chercheurs, « il s'agit de la première étude concernant ces contaminants environnementaux, qui s'appuie sur des données de croissance recueillies durant la grossesse, à la naissance et jusqu'à trois ans. Les études précédentes se concentraient sur une seule de ces périodes et étaient en général restreintes à celle du bisphénol A, sans inclure les autres phénols ».

    Les équipes de recherche vont maintenant s'attacher à répliquer ces résultats au sein d'une nouvelle cohorte couple-enfant, appelée Sepages pour laquelle de nombreux échantillons d'urine par participante mère et nouveau-né sont recueillis durant la grossesse et les premières années de vie de l'enfant. Cette approche permettra de limiter les erreurs de mesure de l'exposition et d'identifier de potentielles périodes de plus grande influence des phénols sur la croissance des enfants durant leur enfance. Les petites filles, dont la sensibilité aux phénols pourrait différer de celle des garçons, seront aussi considérées dans cette nouvelle cohorte couple-enfants.